La communauté scientifique étudie des profils exceptionnels d'infection par le VIH afin d'imiter ses processus moléculaires et de mettre au point des stratégies de guérison du VIH applicables à toutes les autres personnes vivant avec le virus

Des cas exceptionnels qui inspirent des solutions globales au VIH

Le 1er décembre est la journée mondiale du SIDA.

Selon la dernière déclaration de l'Organisation mondiale de la santé, 39 millions de personnes dans le monde vivent avec le VIH et l'année dernière, il y a eu 1,3 million de nouvelles infections. IrsiCaixa travaille sur différentes stratégies de guérison du virus, dont beaucoup s'inspirent de cas uniques d'infection par le VIH. Ces cas incluent les contrôleurs d'élite exceptionnels, qui n'ont pas de virus dans le sang et ne développent pas la maladie malgré l'absence de traitement antirétroviral ; les patients viraémiques non progressifs, chez qui, en l'absence de traitement, la maladie évolue lentement malgré la présence de quantités élevées de virus dans le sang ; et les personnes qui ont été guéries du VIH après avoir reçu une greffe de cellules souches. Concrètement, l'étude de ces trois profils permet à l'Institut de recherche sur le sida IrsiCaixa - centre promu conjointement par la Fondation "la Caixa" et le département de la santé de la Generalitat de Catalunya - de proposer de nouvelles stratégies telles que des vaccins, des molécules et des thérapies cellulaires ou génétiques contre le virus. "Il s'agit d'histoires à succès qui représentent une référence pour ceux d'entre nous qui se consacrent à l'étude du VIH. Nous nous inspirons de ces cas uniques pour concevoir des stratégies applicables au reste de la population", explique Javier Martinez-Picado, chercheur de l'ICREA à l'IrsiCaixa. 

Les contrôleurs d'élite exceptionnels montrent les faiblesses du VIH 

Un petit nombre de personnes infectées par le VIH contrôlent spontanément le virus, obtenant une guérison fonctionnelle sans avoir besoin d'aucun traitement ni d'aucune intervention. Ces personnes sont appelées "contrôleurs d'élite exceptionnels". En 2020, une étude de l'IrsiCaixa a suggéré que deux des facteurs leur permettant de parvenir à ce contrôle sont : un virus ayant une faible capacité de réplication et un système immunitaire extraordinairement puissant. Nous pensons que les virus acquis par les contrôleurs d'élite exceptionnels sont moins infectieux et également "moins intelligents", car ils exposent davantage leurs zones vulnérables, c'est-à-dire celles qui peuvent déclencher une réponse immunitaire plus puissante de la part de l'hôte", explique Julià Blanco, chercheur de l'IGTP à l'IrsiCaixa. L'équipe du Dr Blanco travaille actuellement sur cette hypothèse et étudie la nature de ces virus, ainsi que les anticorps que ce profil de personnes présente. "Ces informations sont très importantes pour nous, car elles nous permettront d'identifier les points faibles éventuels du virus et de mettre au point des vaccins utilisant ces molécules clés qui activent le système immunitaire", ajoute-t-il. 

L'étude de ces cas particuliers permet à IrsiCaixa de proposer respectivement de nouveaux vaccins, des molécules et des thérapies génétiques ou cellulaires contre le VIH.

Arrêter la progression de la maladie en calmant le système immunitaire 

Contrairement aux contrôleurs d'élite exceptionnels, qui n'ont pas de virus dans le sang, l'équipe a détecté un profil de personnes qui, malgré des niveaux élevés de virus en circulation, ne voient pas leur infection virale progresser et restent sous contrôle : les non-progresseurs. "Nous avons constaté que le système immunitaire de ces personnes est moins activé et envoie moins de messages d'alerte, transmis par des molécules appelées cytokines. Cela permet à leurs défenses d'être plus détendues et de ne pas s'épuiser, ce qui les protège de la progression de la maladie", explique Martinez-Picado. "Ces observations nous donnent des indices sur les mécanismes susceptibles d'accélérer la progression de l'infection par le VIH et, par conséquent, sur la conception de nouvelles molécules qui ciblent spécifiquement ces voies", ajoute-t-il.

Mimer une greffe de cellules souches, mais sans les effets indésirables 

Seules six personnes dans le monde ont été guéries du VIH après une intervention médicale. Il s'agit de personnes qui, quelque temps après avoir été diagnostiquées séropositives, ont contracté un cancer dont la guérison a nécessité une greffe de cellules souches. Après cette intervention, toute trace du VIH a disparu de leur corps, même si elles ont cessé de prendre un traitement antirétroviral. Ces cas, bien qu'uniques, ont ouvert la voie à différentes lignes de recherche. "Le processus par lequel ces personnes ont dû passer ne peut pas être extrapolé à d'autres personnes séropositives, mais il nous permet de voir qu'une guérison est possible, ainsi que d'étudier les moyens de reproduire ce processus de guérison à l'aide de techniques moins invasives", explique Martinez-Picado. Les deux options actuellement envisagées par l'équipe sont la thérapie génique, basée sur la modification des gènes, et la thérapie cellulaire, qui consiste à créer des cellules immunitaires modifiées pour viser des cibles spécifiques. "Avec ces deux thérapies, nous voulons éliminer les cibles du virus, les cellules qui permettent au virus de pénétrer dans l'organisme et de s'y multiplier", explique-t-il. 

Les cas exceptionnels inspirent des solutions globales contre le VIH.

Guérir le VIH, un firme objectif dans la lutte contre le VIH 

L'horizon de la lutte contre le VIH est l'éradication mondiale de l'infection. Pour y parvenir, trois piliers fondamentaux sont nécessaires : la prévention, le traitement et la guérison. Jusqu'à présent, les efforts ont porté sur les deux premiers piliers. "Nous disposons aujourd'hui d'outils de prévention capables d'empêcher de nouvelles infections et de traitements qui bloquent le virus jusqu'à ce qu'il soit indétectable dans le sang et ne puisse donc plus être transmis", explique M. Blanco. "Malgré ces progrès considérables, nous ne pouvons pas oublier le troisième et dernier pilier qui doit être construit : un remède contre le VIH. Cela reste une étape importante pour nous et il est clair pour nous que la science et la recherche sont le seul moyen d'y parvenir", déclare Martinez-Picado. La réalisation de cet objectif mettrait fin aux traitements chroniques, souvent stigmatisés, et apporterait des solutions à ceux pour qui l'observance d'un traitement quotidien est impossible.