Algérie : quand le racisme latent remonte à la surface
Depuis quelques jours l’Algérie tente un retour à la normale. Le pays n’a pas été sévèrement atteint par le Covid-19 mais les répercussions économiques elles, se font sentir. Après plusieurs mois de couvre-feu, de confinement et une année politique chaotique qui s’est soldée par le départ du président Bouteflika, aujourd’hui le pays, tente de se relever.
Les magasins rouvrent et les activités commerciales reprennent leurs droits. Les rues d’Alger s’inscrivent dans cette reprise et les mendiants subsahariens subsahariens également. Assis à même le sol ou agglutinés devant les feux de circulation, ils supplient les passants et les automobilistes pour quelques pièces. Hommes, femmes et enfants retrouvent la rue et son lot de misère.
Mais depuis la pandémie, la peur s’est installée. On n’ose plus les approcher, ni leur donner de l’argent ou leur offrir un repas comme certains le faisaient tous les vendredis. On les considère, de facto, comme des personnes malades et potentiellement dangereuses. La meilleure attitude à adopter est de fermer les yeux et de s’en éloigner.
Mais cette distance n’est pas imputable uniquement au virus qui est apparu récemment dans nos vies. Si le covid-19 a exacerbé les peurs, une propagande étatique avait été, également, mise au service de cette inquiétude, accusant ces migrants d’appartenir à des groupes terroristes et mettant en garde ceux qui leur donnent de l’argent.
Cette campagne de dénigrement a commencé il y a quelques années déjà. En 2017, l’ex directeur de Cabinet à la Présidence, Ahmed Ouyahia (aujourd’hui en prison), avait déclaré que «ces migrants africains sont entrés en Algérie de manière illégale. La loi algérienne ne permet pas le travail des étrangers. Et cette immigration illégale est source de crimes, de drogue et autres fléaux. On ne demande pas à l’Etat de les jeter à la mer ni de les abandonner dans le désert, mais il faut que le séjour en Algérie soit conforme à la loi et on ne doit pas laisser le peuple algérien souffrir de l’anarchie».
Les méthodes musclées des autorités algériennes en matière de rapatriement ont souvent été décriées et critiquées par Human Rights Watch. Par ailleurs et contrairement à ce que disait Ouyahia, des hommes et des femmes ont été abandonnés dans le désert. Cette déclaration qui émane du plus haut sommet de l’Etat a été considérée comme un feu vert pour justifier les maltraitances envers les migrants et a fini par trouver écho auprès de certains.
Un autre événement allait jeter de l’huile sur le feu. Une circulaire de la direction des transports du Gouvernorat de Mostaganem (ville portuaire du nord-ouest algérien), avait intimé aux chauffeurs de bus et de taxi de refuser aux migrants tout transport. Un tollé d’indignation s’en était suivi et la circulaire a finalement été retirée.
La même année, une campagne anti-migrants connue sous l’hashtag : « Non aux Africains en Algérie » a fait oublier aux Algériens qu’ils sont eux-mêmes africains !Si les propos haineux de cette campagne ont été largement partagé, ils ont été également critiqué.
La situation des migrants en Algérie est des plus critiques. Aujourd’hui ils font face à un racisme latent mais bel et bien présent.
L’Algérie qui avait signé un accord avec le Niger en 2014 continue de conduire à la frontière nigérienne tous les subsahariens qui se trouvent sur son territoire. Le pays expulse massivement par voie terrestre ou aérienne des Nigériens mais aussi des ressortissants d’autres pays africains sans distinction. Ils sont accusés de tous les maux : drogues, Sida, terrorisme…
La stigmatisation finit toujours par l’emporter et la télévision nationale joue souvent un grand rôle dans cette triste affaire.
L’Algérie suit de près ce qui se passe aujourd’hui aux Etats-Unis et le mouvement, Black lives matter. Mais on est toujours rattrapé par sa propre histoire et on oublie souvent de balayer devant sa porte.
Lorsque le racisme est porté par l’Etat lui-même, il gagne en légitimité et il faut souvent beaucoup de courage et d’intelligence pour le combattre.
En mars dernier les autorités avaient annoncé le démantèlement d’un réseau « impliqué dans l'organisation d'opérations de déplacement de migrants clandestins subsahariens du sud vers le nord du pays ». Cela rappelle étrangement la circulaire de Mostaganem de 2017 qui interdisait de transporter les migrants.
La dépêche de l’APS (Algérie Presse Service) qui rapporte les faits précise, par ailleurs, qu’aucune information sur le sort réservé aux migrants clandestins n’a été donnée.
Avant la pandémie, le taux d’arrivée de ces derniers dans les territoires algériens était estimé à 500 par jour. Ces mois passés, leur entrée dans le pays a été freinée à cause du confinement. Aujourd’hui, ils sont présents plus que jamais et l’Etat ne prend aucune initiative pour régulariser leur situation, les condamnant ainsi à la clandestinité et au travail au noir. Les personnes qui migrent vers les nord se retrouvent souvent dans les villes qui donnent sur la mer comme Alger, Oran, Annaba… et gardent cet ultime espoir de traverser la méditerranée. Pour l’instant ils sont coincées en Algérie et leur situation est des plus précaires.