Biden changera-t-il de politique dans le Moyen-Orient ?
« J’étais content lorsque Donald Trump avait évincé Hillary Clinton en 2016, et je n’oublie pas qui est Joe Biden», me disait un ami irakien suite à la liesse mondiale qui a suivie l’éviction du président sortant américain.
Ceux qui suivent l’actualité dans le Moyen-Orient, savent que Joe Biden a joué un rôle important dans l’invasion de l’Irak sous la présidence Bush et qu’il avait voté en faveur de cette guerre. Le sénateur de l’époque avait eu ces paroles que l’histoire retiendra, « Je ne pense pas que ce soit une ruée vers la guerre (…)Je pense que c'est une marche vers la paix et la sécurité. Je pense que le fait de ne pas soutenir massivement cette résolution augmentera probablement les perspectives de guerre… ». La suite tout le monde la connaît, depuis la pendaison de Saddam jusqu’au chaos en Irak qui a donné la naissance de Daesh et autres groupes extrémistes…que personne n’avait imaginé à l’époque.
Par ailleurs, ceux qui comptaient sous l’isolationnisme américain sous Trump, ont été déçus.
En quatre années de mandat, le sulfureux président américain a réussi à isoler la Palestine du monde arabe en faveur d’Israël. Les rapprochements discrets entre les Emirats-Arabes, le Soudan ou le Bahreïn et Tel Aviv se sont transformés en véritables alliances et Ramallah avait coupé les ponts avec Washington sous l’administration Trump.
Mais est-il permis, pour les Palestiniens de garder espoir avec l’arrivée de Joe Biden ? Le président Mahmoud Abbas s’est empressé de saluer le nouveau locataire de la maison blanche et dit avoir « hâte de travailler avec le président élu et son administration pour renforcer les relations afin de garantir la liberté, l’indépendance, la justice et la dignité du peuple palestinien », appelant de ce fait à reprendre les négociations.
Mais la rhétorique diplomatique de Mahmoud Abbas ne trompe personne et certainement pas ses concitoyens qui savent que peu importe la couleur du président américain, le bleu comme le rouge sont synonymes de soutien à Israël. Donald Trump ne s’est pas embarrassé des résolutions de l’ONU et a donné le feu vert à Israël pour annexer Jérusalem-Est, ce qui risque d’aboutir à une troisième intifada. Joe Biden saura-t-il remettre en question les décisions de son prédécesseur concernant la reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan ? Rien n’est moins sûr ! Il faudrait d’abord qu’il en ait l’envi. Dès l’annonce des résultats du vote, Benyamin Netanyahou a félicité son ami Joe : « Nous nous connaissons depuis près de 40 ans, notre relation est chaleureuse, et je sais que tu es un grand ami d’Israël. Je suis impatient de travailler avec vous deux pour approfondir encore davantage l’alliance particulière qui lie les États-unis et Israël. »
L’Amérique est un partenaire indéniable d’Israël. C’est une posture d’Etat sur laquelle ni Joe Biden ni aucun autre président américain ne pourra revenir. Même si Kamala Harris, la nouvelle Vice-présidente américaine avait déclaré « Nous rétablirons l'aide aux Palestiniens, renouerons les liens » elle a aussi fait savoir que son soutien à Israël reste indéniable et indiscutable. En calir, les choses ne devront pas changer pour les Palestiniens.
Parmi ceux qui ont brillé par leur absence pour féliciter le couple Biden/ Harris, Mohammed Ben Salmane. Le prince héritier saoudien a hésité avant de féliciter le nouveau président américain tout autant que ses homologues, brésilien et mexicain. C’est que l’appui de Trump à Riyad a été des plus grands pendant ses quatre années de règne et l’Arabie –Saoudite n’a pas oublié son soutien pendant la guerre qu’ils avaient enclenché au Yémen.
Mais s’il y a un grand chantier dans le Moyen-Orient qui attend le tandem Biden-Harris, c’est bien celui de l’Iran.
Dans le République Islamique, les espoirs sont grands et ils sont exprimés par les hautes sphères de l’Etat. Le président iranien Hassan Rohani a déclaré que « le futur gouvernement américain a maintenant une occasion de se rattraper après les erreurs passées et de revenir sur la voie de l'adhésion aux engagements internationaux et au respect du droit international ».
Les pressions exercées par le gouvernement Trump sur l’Iran l’ont conduit à une grave crise économique. Souvenons-nous qu’en 2015, les Iraniens en liesse avaient signé l’accord de Vienne avec les grandes puissances économiques dont les Etats-Unis, le France, la Chine le Royaume-Uni et l’Allemagne. Un accord qui leur a permis de souffler et de prendre de l’élan après des années d’embargo. En échange, l’Iran devait freiner ses activités nucléaires. Mais Trump s’était retiré de ces accords ce qui a plongé l’axe Washington-Téhéran dans une nouvelle crise.
Sur ce dossier, Biden s’est voulu rassurant et a promis de reprendre la voix de la diplomatie.
Un chemin qu’il connait bien. L’’homme de 76 la pratique depuis qu’il a 26 ans. Et s’il compte rompre avec les méthodes musclées de son prédécesseur, sa politique étrangère dans le Moyen Orient restera sur beaucoup d’aspect semblable à celle de Trump mais contrairement à ce dernier il prendra les formes et connaît l’art et la manière de faire passer la pilule.