Covid-19 : Non, les Africains ne sont pas seulement des footballers
Depuis que le petit virus invisible a fait irruption dans nos vies, il n’a cessé de la chambouler. Notre travail, nos petites habitudes et notre façon de voir le monde ont dû être modifiés en un temps record. Le Covid-19 a aussi permis de révéler ce qu’on refusait de voir et a mis fin à certaines idées reçues. Une des premières révélations a été la mise à nu des systèmes de santé des pays européens qu’on croyait bien plus performants. En France, on n’a toujours pas de masques alors qu’au Maroc, on en a confectionné des millions et à l’Institut Pasteur du Sénégal on est en train de mettre au point un test de dépistage rapide…
Dans le lot des découvertes inattendues : La France a appris avec stupéfaction que les chercheurs les plus performants dans ses laboratoires sont « les noirs et les Arabes ». L’auteur de cette annonce n’est autre que le grand Professeur Didier Raoult. Ce médecin pas comme les autres, connu autant pour ses nombreuses publications scientifiques que pour son franc parler, est devenu la star des médias ces dernières semaines. Crise sanitaire oblige, en France, et ailleurs on a appris à écouter les scientifiques. Le Professeur Raoult pour ceux qui ne le connaissent pas encore, avait préconisé l’utilisation de la Chloroquine pour soigner les malades du Covid-19. Un traitement qui a été d’abord décrié par la communauté scientifique et surtout par les laboratoires avant que son utilisation ne se généralise par décret le 26 mars dernier.
La reconnaissance du protocole Raoult s’est matérialisée à travers la visite d’Emmanuel Macron à l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille. Les images du passage du président le 9 avril, sont vite devenues virales et ce n’est pas à cause de l’intérêt que tout le monde porte au Covid-19 en ce moment ni pour le charismatique médecin mais plutôt pour ses étudiants... « D’où venez-vous? », demande le président aux doctorants qui accompagnent le Professeur : Sénégal, Burkina Faso, Mali, Afrique du Sud, Algérie, Maroc, Tunisie…
La présence africaine dans l’un des plus performants laboratoire français a interpellé à juste titre Français et Africains. Raoult renchérit quelques jours plus tard en affirmant que la moitié des thésards en France sont des étrangers et de préciser par ailleurs, « les meilleurs, les plus dynamiques, ceux qui travaillent le dimanche ce sont les noirs et les Arabes. La science en France fonctionne grâce aux immigrés, le moteur de la guerre c’est les immigrés ! ».
L’éminent professeur balaye par une simple déclaration un siècle de clichés sur les migrations africaines et maghrébines. On est loin, des vagues migratoires des années 50, 60, 70 où les ouvriers d’Afrique du Nord venaient travailler dans l’hexagone pour fuir la misère de leurs montagnes et retrouver celle des cités et des bidonvilles.
Aujourd’hui qu’on le veuille ou pas, la contribution de ces étrangers s’avère être essentielle à la recherche scientifique en France. L’histoire retiendra qu’il aura fallu une pandémie mondiale pour découvrir que les Africains ne sont pas bon pour le foot seulement. Et s’ils ont de bonnes jambes, ils ont aussi des têtes, des cerveaux ! Ils apportent un savoir.
Une nouvelle ère a été franchie dans le silence des médias. Mais le regard envers les Africains va-t-il changer pour autant ? Ceux qui quittent l’Afrique actuellement ne sont pas que des misérables, ils sont aussi étudiants, chercheurs…en somme une élite intellectuelle et scientifique. Et si c’est une bonne nouvelle pour la France ce n’est pas forcément de bon augure pour le continent qui perd ses cerveaux. L’annonce de Raoult a également interpellée les Africains eux-mêmes qui s’étaient bien adaptés à leur costume de colonisés taillés sur mesure. Les siècles de dévalorisation identitaire ont fini par convaincre les esprits les plus rétifs de leur infériorité intellectuelle et culturelle.
La montée en puissance des travailleurs étrangers dans les hôpitaux français est une autre réalité que l’on a vu surgir ces dernières semaines. Ils sont entre 4000 et 5000 praticiens. Il y a quelques jours le journal français, Le Monde titrait : les praticiens étrangers « font le boulot dont les médecins français ne veulent pas ». Ces milliers de soignants aux origines multiples ont été aux avant-postes de lutte contre le covid-19 en France. Toutefois, tandis qu’un médecin français touche 3900 euros, un Padhue (Praticien à diplôme hors Union européenne) n’en touche que 1300. Lorsque le président français a promis des primes allant jusqu’à 1500 euros pour le corps médical, il n’a pas fait mention des soignants étrangers. Seront-ils récompensés ? et si c’est oui, serait-ce à la hauteur de leurs collègues français ?
Il y a quelques jours, un texte signé par l’ancien ministre de la santé Bernard Kouchner a été adressé au premier ministre pour améliorer les conditions de travail de ces praticiens de seconde zone « par souci de justice, d’engager immédiatement l’intégration pleine et entière dans le système de santé (égalité de statut, de déroulement de carrière et de rémunération, avec une reconnaissance immédiate fondée sur les attestations de services effectués pendant la crise) de tous ces praticiens afin que leur dévouement ne soit pas occulté, comme cela a pu être le cas dans certaines périodes de l’histoire de notre pays ». Plusieurs voix se sont associées à celle de l’ancien ministre pour que les efforts fournis ne soient pas vains. Si la pandémie du Covid-19 a quelque chose de bon, c’est qu’elle aura au moins rendu les invisibles visibles.