L’Algérie : Une fête d’indépendance entre émotion et pandémie

Argelia

C’est une triste fête de l’indépendance que l’Algérie a célébré ce 5 juillet. Peut-être la plus triste de son histoire. Il y avait d’abord beaucoup d’émotion ; celle qui a manqué aux Algériens ces derniers temps. Le pays a récupéré les ossements et les crânes de ses combattants qui étaient exposés au musée de l’Homme à Paris. Plus d’un siècle après leur mort, les révoltés de Zaâtcha ont eu droit à une sépulture. 

La fête de l’indépendance a été marquée par ce moment de recueillement au cimetière d’El Alia à Alger où sont enterrés les martyrs de la guerre de libération. Une page est-elle tournée pour autant ? Les plaies de la guerre entre la France et l’Algérie sont toujours béantes. L’Algérie veut des excuses officielles et l’ouverture des archives mais en attendant, la France reste son partenaire économique historique et privilégié. Dans ce contexte de crise, l’Algérie vient de renouveler le contrat qui la lie au pétrolier français Total concernant le GNL (Gaz naturel liquéfié). Les sous-sols algériens attirent toujours les Européens et les Italiens ne sont pas en reste. ENI vient d’avoir également sa part du gâteau en signant un nouvel accord gazier. Mais ces gros contrats seraient-ils suffisant à régler les problèmes auxquels fait face le pays ? 

L’Algérie tente de s’en sortir comme elle peut. La république de 58 ans vit une situation socio-économique instable depuis le départ du président Abdelaziz Bouteflika et la pandémie mondiale l’a rattrapée en pleine crise politique.   

Le Pays est devenu un des plus grands foyers de Coronavirus en Afrique. La courbe de contamination s’affole et les autorités semblent impuissantes face à la situation qui ne fait que s’empirer. Depuis le 26 juin dernier la tendance est à la hausse et tous les jours, de nouveaux records de personnes atteintes de Covid-19 sont enregistrés. Pour mémoire, le dernier pic datait du mois d’avril et s’établissait à 200 cas avant de se stabiliser. Actuellement le cap des 400 cas par jour est dépassé. 

Les médecins appellent à l’aide, au bord du burn out, ils postent des vidéos sur les réseaux sociaux pour prévenir et informer quant à la gravité de la situation. Pour l’instant, la seule mesure applicable est l’isolement.  L’Algérie «maintient la fermeture des frontières terrestres, maritimes et aériennes jusqu'à ce que Dieu nous libère de ce fléau », a annoncé le chef de l’Etat. Cette décision intervient quelques jours après une résurgence de l’épidémie. De nouveaux clusters ont été signalés, notamment à l’est du pays. Sétif en est devenu le nouvel épicentre. Biskra -ville située aux portes du désert- est sévèrement touchée, elle est, à ce jour, un des grands foyers de l’épidémie. Ainsi, le sud (qui était jusque-là épargné) est de plus en plus concerné par le coronavirus. Rien ne semble stopper son avancée. Contrairement à ce qu’on avait dit et espéré : le covid-19 survit à plus de 40° et atteint les populations les plus vulnérables. 

Le président a ordonné le « durcissement des sanctions à l’encontre de tous les contrevenants ». Il faut se l’avouer, les Algériens ont très peu respecté la distanciation physique et le port du masque obligatoire n’a pas trouvé grâce à leurs yeux. On se souvient encore des images postées sur les réseaux sociaux pendant le Ramadan où des files compactes se formaient pour acheter des gâteaux et autres nourriture. Depuis l’arrivée de l’été, les fêtes de mariage sont célébrées sans aucune précaution et sans s’encombrer des gestes barrières. Aujourd’hui le pays récolte le résultat de sa légèreté et en paye sévèrement le prix. Le président est monté au créno : « Certains citoyens veulent faire croire aux autres que le Covid-19 n’est qu’un mythe à visées politiques », a-t-il soutenu faisant ainsi référence à la protestation populaire Hirak qui a, entre autres, amené à sa propre élection. 

Mais revenons à la crise sanitaire. On a beau accusé le citoyen de ne pas respecter les consignes, le laxisme des autorités est également à considérer. Les plages d’Oran (capitale de l’ouest algérien), étaient largement fréquentées ce weekend malgré une interdiction à la baignade qui devait être mise en place. Encore une fois, les autorités locales ne sont pas intervenues et ont laissé faire. Le Président n’exclut pas un durcissement des mesures et même un retour à confinement si la tendance haussière se poursuit. 

En parallèle la situation économique se détériore. Les réserves de change s’épuisent et sont de plus en plus réduites. Pour faire face à la crise qui se profile l’Algérie mise sur le secteur agricole qui a généré quelque 25 milliards de dollars l’année dernière. D’ailleurs, c’est à ce titre que le Premier ministre, Abdelaziz Djerad a insisté sur le maintien des activités agricoles ainsi que « toute la chaine économique qui y est liée ». 58 ans après son indépendance la jeune république qui se dit démocratique et populaire fait face à des crises politiques et sociaux-économiques majeures et surtout à de grands enjeux dont ceux de la liberté et de la démocratie.