Le Maroc entre sécheresse et urgence sanitaire

Marruecos, entre la sequía y la emergencia sanitaria

C’est une année bien difficile pour le Maroc. Les deux secteurs phares de son économie, à savoir le tourisme et l’agriculture sont au plus mal. 

Au-delà des chiffres et des rapports officiels, il suffit de faire un tour dans la capitale économique Casablanca pour se rendre compte de l’état des lieux. 

Il est assez rare en effet de voir la mégapole économique aussi silencieuse, presque endormie.  La médina d’habitude en effervescence s’est installée dans une léthargie et ne s’est toujours pas remise des 4 mois de fermeture et de confinement sévère. La moitié des bazars est fermée, l’autre moitié fait semblant de travailler. 

Ceux qui restent devant leurs magasins avouent n’avoir rien vendu depuis plusieurs mois. « Il n’y a plus de touristes, plus personne ne vient ici. Nous n’avons jamais connu une situation pareille, c’est la catastrophe ! », s’alarme ce vendeur de tapis. Malgré l’appel des autorités à la distanciation physique, ici l’hospitalité l’emporte et le thé est servi et partagé sans aucune précaution. Personne ne semble, par ailleurs, croire en la dangerosité du virus et la décision du gouvernement de fermer les frontières et d’interdire la circulation entre les villes semble non seulement exagérée mais tout à fait injustifiable et même injuste. « Nous ne connaissons personne de malade autour de nous et personne n’est mort », s’insurgent-ils en refusant de porter le masque pourtant obligatoire depuis plusieurs mois déjà. 

La crise sanitaire internationale a laissé de graves répercussions sur le secteur touristique. Depuis le mois de mars, les avions de Royal Air Maroc sont cloués au sol et la prolongation de l’état d’urgence jusqu’au 10 septembre a été le coup de grâce porté à l’industrie pendant la haute saison. 

« Consommez marocains !», disent les slogans et autres hashtags publicitaires. Mais comment sauver le tourisme à l’heure où l’accès aux principales villes du royaume reste interdite. 

Après l’annonce par le chef du gouvernement de cette nouvelle mesure restrictive, à deux jours des grandes fêtes de l’Aïd et quelques heures à peine avant sa mise en exécution, les Marocains se sont rués vers leurs voitures pour rentrer chez eux et rejoindre leurs familles. Résultats des courses, des kilomètres d’embouteillages et quelque 700 accidents de route ! 

Malgré ce cafouillage, les fêtes de l’Aïd ont été tenues. Les images captées et diffusées sur les réseaux sociaux des marchés d’animaux où personne ne portait de masque ni ne respectait les moindres mesures d’hygiène ont choqué l’opinion publique. Les cas de contamination ne cessent d’augmenter, par ailleurs. 

Après avoir réussi un confinement qui aura duré 4 mois, le Maroc a du mal à organiser l’étape suivante.​​​​​​​

Aujourd’hui pour voyager entre les différentes villes du royaume, il faut des autorisations spéciales « signées par le Pacha ! », explique cette jeune femme qui avait prévu de passer ses vacances dans la vallée de l’Ourika au sud de Marrakech. Elle a passé plusieurs jours dans les mairies et autres administrations pour se faire signer ce papier sans qu’elle n’y parvienne ! Elle a fini par abandonner. 

La Royale Air Maroc qui est un des grands perdants de cette crise s’est pressé de communiquer autour de la restriction de circulation en spécifiant que les voyages par avion étaient toujours possibles. « Au Maroc, quand on a de l’argent on peut tout faire et quand on est pauvre rien n’est permis », s’insurge une jeune chômeuse. Il est en effet difficile de comprendre la décision du gouvernement d’interdire aux citoyens de voyager dans le confort de leur propre voiture ou de prendre l’autocar à l’heure où ils sont autorisés à prendre des avions pleins à craquer ! 

Cette politique de deux poids deux mesures a causé beaucoup d’incompréhension et creusé les inégalités. ​​​​​​​

A côté de cette crise sanitaire mondiale, le Maroc fait face à une nouvelle année de sécheresse pénalisant lourdement le secteur de l’agriculture, cet autre pilier de son économie. 

Le Ministre de l’agriculture et célèbre homme d’affaire Aziz Akhennouch, avait annoncé il y a quelques mois déjà que le taux de remplissage des barrages connaissait une baisse significative. L’agriculture qui contribue à hauteur de 14 % au PIB est en grande souffrance. La pluviométrie est « en déficit de 44 % par rapport à une année normale », avait annoncé le ministre. 

Cette baisse a conduit à une surexploitation des nappes phréatiques qui menacent de tarir. Le Maroc est actuellement en stresse hydraulique.  

Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) annonce une rétraction de la croissance. Au lieu des 3,5 % prévu au départ, elle sera de 2 % cette année. 

Dans une déclaration faite à l’AFP, le président du HCP, Ahmed Lahlimi a confirmé la dégringolade : « En 2019, nous avions enregistré une chute de la valeur ajoutée agricole de 3 à 4 %. Cette année, elle sera probablement de l'ordre de 5 % ».  

De son côté le ministre de l’agriculture avait annoncé un large plan de soutien suivant « l’évolution de la situation » mais pour l’instant rien n’a été annoncé. 

En avril dernier un des plus grands événements alliant tourisme et agriculture.

Le Salon international de l'agriculture du Maroc a été annulé portant un nouveau coup au secteur. 

La loi des finances 2020 qui avait tablé sur une production de 7 millions de tonnes de céréales devrait revoir ses projections à la baisse et prendre en compte la réalité du terrain car selon les minotiers il faut s’attendre à la moitié de la récolte cette année.