Un Ramadan moins sacré que d’habitude

Kenitra Ramadan Commerce

Ramadan est de coutume le mois le plus festif de l’année dans le calendrier musulman. Même si les journées de jeûne sont éprouvantes, les soirées ramadanesques réparent les humeurs et invitent à la joie et à la bonne humeur. A la rupture du jeûne marqué par le coucher du soleil, on se retrouve souvent entre amis et familles pour partager de copieux repas. D’ailleurs, les dépenses des ménages augmentent généralement de 30% en cette période de l’année. Ce mois d’abstinence est aussi celui des excès. Les frustrations de la journée sont noyées dans des soirées musicales qui se prolongent souvent jusqu’à l’aube.  

Cette description était la norme avant 2020 et l’arrivée du Covid-19 et s’appliquait à la majorité des pays musulmans. Aujourd’hui tout est différent. 

Nous sommes à la moitié du Ramadan et, chaque pays musulman, selon sa culture et les moyens dont disposent ses hôpitaux, s’est préparé ou s’est paré pour recevoir le mois sacré. 

Une des mesures phares qui a été adoptée par la majorité des pays musulmans est l’interdiction des prières et le maintien de la fermeture des mosquées. Mais quelques pays tentent de retourner à la normale malgré la menace. Le Liban a ré-autorisé les prières dans les mosquées et les Eglises. 

Le Pakistan, sous cloche depuis cinq semaines, sort doucement du confinement et ses mosquées ont été rouvertes pour le Ramadan contre l’avis des médecins dans ce pays qui compte 220 millions d’habitants où les gestes barrière font souvent défaut. Les hôpitaux du Pakistan sont saturés et le pic de la maladie n’a pas encore été atteint. Difficile dans ce pays et même pour le gouvernement d’empêcher les jeûneurs d’accomplir la prière collective qui fait partie de l’accomplissement du jeûne. Il faudrait préciser que les prières tarāwīḥ, sont des prières quotidiennes et se tiennent en soirée. Et même si elles sont surérogatoires, elles attirent beaucoup de monde et il est mal vu dans certains pays musulmans de ne pas les accomplir. D’autant plus que la fin du Ramadan devrait aboutir à un khatm, c’est-à-dire la récitation complète du Coran.

L’Iran a suivi l’exemple du Pakistan dans 132 comtés considérés comme à faible risque de propagation du virus. Mais depuis, la réouverture des salles de prière, un rebond des chiffres de contamination a été enregistré. L’Iran caracole en tête des pays les plus contaminés du moyen orient avec plus de 100 000 cas. Selon le ministère de la Santé, les fidèles doivent porter des masques et rester moins d’une demi-heure dans la salle de prière mais ces précautions se sont avérées insuffisantes. 

Malgré les chiffres de mort toujours à la hausse, l’Iran tente un déconfinement. Dans ce pays sous embargo américain, une grave crise économique se profile accentuée par la mise à l’arrêt des activités économiques. Le pays est au bord de l’asphyxie.   

Loin de l’austérité des Mollahs, l’Indonésie le plus grand pays musulman s’est doté de comédiens se déguisant en fantômes pour éviter les rassemblements la nuit ! L’idée peut paraître saugrenue mais elle fonctionne. De toute évidence, les Indonésiens ont plus peur des fantômes que des policiers. Une efficacité qui a de quoi rendre jaloux l’Inde qui a du mal à confiner ses populations. 

D’autres pays, d’autres mœurs, en Turquie, le président Recep Tayyip Erdoğan a appelé à une réouverture des commerces. Dans ce seul pays musulman laïque, le Ramadan ressemble aux autres jours. On mange et on fume normalement à Istanbul et on se permet même de prendre des bières entre amis en pleine rue. Ce qui peut être passible de prison dans d’autres pays musulmans. 

D’habitude le Ramadan à Istanbul est marqué par des piqueniques dans les rues et jardins à l’heure de rompre le jeûne et la célèbre place Taksim se transforme en une grande scène où l’on écoute de la musique en partageant des repas offerts par la ville. Mais les soirées stambouliotes sont bien calmes en ce Ramadan et les mosquées ne sont toujours pas autorisées à rouvrir. Le soir, les rues sont pratiquement désertes. Depuis quelques jours, les mesures de santé ont renforcées, les  masques sont distribués gratuitement et des prises de température se font systématiquement par les pouvoirs publics ainsi que dans les magasins. 

En Algérie, le Ramadan a un goût d’inachevé. Les autorités algériennes ont instauré un couvre couvre-feu qui vient d’être prolongé, de 7H du soir à 7H du matin et ce jusqu’à la fin du Ramadan. Le pays a du mal à trouver un équilibre entre confinement et déconfinement et malgré un chiffre de contamination pas très élevé, la prudence est de mise et les mosquées restent toujours fermées. Pas de sortis, pas de repas à partager entre amis, les Algériens se consolent comme ils peuvent. Pendant le Ramadan, ces derniers ont pour habitude de regarder la télévision à l’heure des repas. Comme le veut la tradition, des feuilletons et des sitcoms sont spécialement conçus pour l’occasion. Mais cette année beaucoup de tournages ont été annulés, les scénarios raccourcis, les épisodes tronqués…Les recettes à succès des années précédentes ont cédé la place à des films bâclés et faits à la va vite. Résultat des courses et comme partout ailleurs, c’est Netflix et autres mastodontes du streaming qui ont repris le flambeau. 

Au Maroc l’heure est à l’introspection. Le pays a opté pour un confinement sévère jusqu’au 20 mai avec possibilité de prolongement. La corniche casablancaise qui ne désemplissait pas pendant Ramadan est devenu un no man’s land.

La Tunisie qui tente un retour à la normale a du mal à trouver un équilibre. Le ministre tunisien de la Santé, Abdellatif Mekki, appelle à la mesure et à la prudence et prévient qu’une possibilité de retour à un confinement sanitaire total serait inévitable si « 10 infections simultanées sont enregistrées en temps et en lieu car cela se traduit par le retour de la chaîne d’infection ». Prudence également en Egypte, qui se préoccupe déjà de l’après Ramadan. Les fêtes de l’Aïd qui marquent la fin du jeûne, riment avec visites familiales et retrouvailles ce qui pourrait bien entraîner un rebond des chiffres de contamination. Le vice-président du Parlement, Soliman Wahdan, a exhorté le gouvernement à prendre des mesures fermes avant la fête de l'Aïd Al-Fitr, y compris l'interdiction de voyager entre les gouvernorats égyptiens.edidas firmes antes del Eid Al-Fitr, incluida la prohibición de viajar entre las gobernaciones de Egipto.