Urgence sanitaire et répression politique, le nouveau tandem

Soldados en China

Pour rester en bonne santé doit-on renoncer peu à peu à nos libertés ? Telle est la question que nous devons tous nous poser aujourd’hui peu importe le pays où nous vivons.Partout dans le monde, dans les Etats les plus démocratiques aux plus autoritaires, le recul spectaculaire des libertés individuelles a été observé. La crise du Covide-19 a révélé à tout un chacun que les systèmes de surveillances peuvent être très performants face à l’épidémie mais aussi, très dangereux. 

La pandémie que nous vivons revêt des aspects non seulement sanitaires mais aussi économiques et politiques. Pris de court, nous nous sommes concentré exclusivement sur les problèmes liés à la santé physique (la santé mentale a été reléguée au second plan). Nous avons, par ailleurs, occulté la répression qui s’est installée dans certains pays et des lois liberticides dans d’autres. A ce stade, la vigilance est de mise car si la mise en quarantaine est considérée comme un arrêt des activités, la machine de répression elle, ne prend pas de vacances et aujourd’hui plus qu’avant nous devons garder les yeux grands ouverts. Des intellectuels comme Noam Chomsky ou Yuval Noah Harari ne cessent de le répéter : nous sommes en train de franchir un nouveau cap dans notre civilisation et il serait très difficile de revenir aux acquis d’avant. 

La santé prime-t-elle vraiment sur la liberté ? L’équation est difficile à résoudre car nous ne devrions pas choisir entre ces deux impératifs. 
Certains affirment que la surveillance est la seule solution. On cite souvent la Chine en exemple. Si le pays a pu sortir du confinement c’est parce qu’il a adopté des règles strictes qui ont pu être imposées grâce à une technologie de surveillance massive : reconnaissance faciale, traçabilité via smartphones, crédit social basé sur un système de notation etc.

Le modèle chinois est-il en train de se généraliser ? est-il en phase de devenir la norme ? cela semble de plus en plus plausible.  L’intelligence artificielle dédiée à la surveillance est devenue accessible et les pays sont nombreux à mettre les moyens pour l’acquérir.  Big brother version 21ème siècle est un marché qui pèse aujourd’hui 40 milliards de dollars. 

A la lecture de ce chiffre, on se rend bien compte que le mal est déjà là et le Covid-19 n’a fait que le révéler au grand jour et surtout le justifier. A l’heure où la planète compte des milliers de morts, on nous demande de nous taire et d’exécuter les ordres. L’heure n’est pas à la polémique, prévient-on. Sauf qu’on a beau s’effacer, passer sous silence, on est assiégé par les états d’urgence qui deviennent des passe-droits. La machine est en marche et promet de broyer nos libertés. 

En Algérie et avant Covid-19, le mouvement de protestation Hirak qui a permis le départ de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, était fort et sa mobilisation puissante. Mais le confinement a empêché les manifestants de poursuivre leurs actions même si leurs revendications politiques demeurent d’actualité. A la surprise de tous, le pouvoir algérien a profité de l’arrêt des manifestations pour mettre en prison ses opposants. Des journalistes tels, Khaled Derarni ou Sofiane Merakchi, pour ne citer que ceux-là, ont été arrêté. A l’heure où l’OMS exhorte les chefs d’Etats à vider les prisons et à alléger les peines, le pouvoir algérien condamne et emprisonne. 

Quelques jours plus tard, les sites d’informations Radio M et Maghreb Emergent ont été censurés. Une décision qui a choqué autant l’opinion publique que les professionnels du métier. « Nos deux sites d’information en ligne maghrebergent.info et radiom.info ont été bloqués pour le public en Algérie par les autorités de notre pays ce jeudi 8 avril à 17 h. Les vérifications d’usage avec l’hébergeur et les tests locaux sont convergents : Il s’agit d’une censure politique ». La condamnation est tombée de façon insidieuse, silencieuse, sans procès et sans appel. Et c’est loin d’être une première. En Algérie le site TSA (Tout Sur l’Algérie) a déjà été victime de tels actes en 2017 et en 2019. Informer est devenu un acte politique en Algérie. Les journalistes censurés s’insurgent : « Maghreb Emergent, lancé en 2010, est le leader de l’information économique en Algérie. Le site d’information de Radio M est lié à la première web radio du pays, lancée en 2013. Il s’agit de deux médias au professionnalisme reconnu. Aucune plainte en diffamation en 17 ans d’existence cumulés. Leur blocage aujourd’hui correspond à la pire séquence de répression de la liberté de la presse qu’aura connue l’Algérie depuis les assassinats de journalistes dans les années 90 », s’indignent-ils. Après le lourd tribut que la presse algérienne a payé dans les années de terrorisme, la voilà à nouveau muselée en toute illégalité.

Les nouvelles technologies, ont contribué à faciliter les procédés de censure. Il suffit d’appuyer sur des boutons pour interdire un journal, le couper de ses lecteurs et ce n’est que le début du cauchemar. 

Aujourd’hui, les Etats sont de mieux en mieux outillés pour surveiller, punir, censurer. Mais Pourquoi les citoyens ne disposeraient-ils pas des même outils pour surveiller ceux qu’ils ont élu ? Les voies des algorithmes sont impénétrables, me diriez-vous !