Vous avez dit monde Arabe ?

Palestinians watch the televised press conference of U.S. President Donald Trump and Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu on January 28, 2020, at a cafe in the West Bank city of Hebron

Le plan de paix de Trump auto-qualifié de deal du siècle a été un révélateur de profondes fractures. Il y a d’abord celles connues entre Israël et la Palestine et puis celles qui laissent apparaître des lésions symptomatiques dans les pays arabes. La proposition unilatérale proposée par Trump et Netanyahou aux Palestiniens est une négation de la création de deux Etats comme attesté par la ligne verte. Mais qu’à cela ne tienne, le président américain jouit d’une toute puissance et a décidé de soutenir son ami Bibi. Tous les deux jouent leurs prochains mandats et ces alliances arrangent les deux parties, alors pourquoi s’en priver ? 

Mais en dehors de ces calculs électoraux cette triste histoire permet de repenser la notion de « pays arabes » et redessine les contours non seulement des cartographies mais surtout des imaginaires.  

Le plan rejeté immédiatement par l’Autorité palestinienne a été suivi par une réaction de l’ONU qui plaide, toujours, pour deux Etats « « vivant côte à côte en paix et sécurité dans des frontières reconnues sur la base des lignes définies en 1967 ». 
Côté arabe, l’Algérie et la Tunisie ont tout de suite condamné l’accord du siècle contrairement au Maroc dont le Ministre des Affaires étrangères déclarait « apprécier les efforts constructifs de paix déployés par l’administration américaine actuelle, en vue de parvenir à une solution juste, durable et équitable au Proche-Orient ». Une réaction qui n’a pas plu au Marocains et qui a été suivie d’actions. En effet, d’impressionnantes manifestations ont eu lieu au Maroc notamment à la capitale Rabat où quelque 10 000 personnes ont rejeté le plan de paix à la sauce américaine ! Sévèrement critiquée à l’intérieur et aussi à l’extérieur du pays, le

Maroc a été mis au banc des accusés lorsqu’on a appris, quelques jours plus tard, par voie de presse israélienne que derrière le deal du siècle américain un autre deal était en discussion entre le Maroc et Israël : Le soutien du Maroc pour le plan Trump conditionnerait un appui américain dans le conflit du Sahara occidental marocain. Stupeur des uns et exhortation des autres. Le Maroc semble changé de posture vis-à-vis de la question palestinienne ou du moins place le conflit du Sahara en dessus de toute autre considération diplomatique. Mais cette position ne peut être sans conséquence pour un pays qui abrite le Comité Al-Qods.

Le roi continuera-t-il à présider la structure panarabe qui a pour but de préserver le caractère arabo-musulman de la Ville sainte de Jérusalem ? Et puis autre chose : le Maroc continueras-t-il à prélever la taxe Palestine qui selon une enquête de middle East Eye régénère quelque 6,6 millions d’euros et qui ne vont pas forcément dans les poches des Palestiniens ? Ces questions poursuivront forcément la monarchie chérifienne et auront besoin de réponses tôt ou tard !  

Sous d’autres cieux arabes, les réactions sont mi-figue, mi-raison d’Etat. L’Egypte penche pour une reprise de négociations mais toujours sous les auspices de l’oncle Sam ! En effet, le gouvernement Al-Sissi appelle à « examiner de manière attentive la vision américaine », une façon diplomatique pour ne pas « se mouiller ». L’Egypte a tout intérêt à ne pas fâcher son voisin israélien et elle n’est pas la seule.

L’Arabie-Saoudite dit « apprécier » les efforts de Trump. Jusque-là rien de choquant, le président américain soutient Mohammed ben Salmane et un rapprochement entre Israël et Ryad s’est manifesté déjà en 2018 et depuis quelques temps, l’ennemi commun iranien a fait des deux pays, de grands alliés. 

Mais reconnaître Israël doit-il forcément passer par une négation de la Palestine ? Quoi qu’il en soit, le plan Trump révèle que les gouvernements arabes sont plus proches d’Israël que de leurs propres peuples.