Gregorio Prieto
Le 18 février 1990, le roi Juan Carlos Ier de l'époque a inauguré le musée Gregorio Prieto à Valdepeñas (Ciudad Real). La beauté de cet événement est que le peintre de La Mancha a pu profiter de ce moment attachant. Derrière cette initiative se trouvait sa Fondation qui, aujourd'hui, plus de 30 ans plus tard, et présidée par María Concepción García-Noblejas, n'a pas hésité à sauter dans le train de la modernité et à remodeler la belle maison du XVIIe siècle qui abrite le grand héritage de cet artiste universel.
Les deux années nécessaires à la restauration de cet espace qui abrite quelque 5 000 pièces de Gregorio Prieto lui-même et de sa collection privée (Picasso, Vázquez Díaz, Alberti...) en valaient la peine. Le musée expose quelque 400 peintures, dessins et photographies et conserve des archives plus qu'intéressantes avec des documents tels que des lettres, ces beaux mots écrits à la main qui nous font rarement sourire lorsque nous ouvrons la boîte aux lettres, car la technologie nous a fait oublier ces bonnes habitudes.
Gregorio Prieto, artiste de 1927, a côtoyé, rencontré et s'est lié d'amitié avec les écrivains et les peintres de l'époque. Imaginez pouvoir lire la correspondance avec le prix Nobel Vicente Aleixandre, Rosa Chacel, Teresa León, Luis Cernuda, Federico García Lorca, Maruja Mallo, María Zambrano, Concha Espina, Paco Nieva... Non, n'imaginez pas car ce rêve peut devenir réalité.
Cette terre de vignes, de moulins à vent, ceux qu'il a tant défendus, et de braves gens, parfois oubliés et immortalisés grâce à la plume de Cervantès et de son noble chevalier, a vu naître de grands artistes. Ses paysages, ses couchers et levers de soleil, ou je ne sais quoi encore, font vibrer les cœurs sensibles et les esprits agités. Et voici l'un de nos personnages les plus marquants : avant-gardiste, novateur, provocateur, cultivé, audacieux, solitaire... Fier de ses origines de La Mancha malgré un déménagement précoce à Madrid et vivant, dans les années 20, ses jours et ses nuits parisiennes, ses aventures et ses mésaventures, ses passions et ses déceptions. Paris, Rome, Londres...
Exil volontaire, retour dans les années 50. Formation, découverte, voyages, désamour, ombres et lumières... Regardez ses tableaux, ses couleurs, ses paysages, ses mannequins, ce qui se disait et ne se disait pas... Il volait comme un oiseau libre et faisait, comme il le disait lui-même, ce qui lui plaisait.
La personne qui connaît le mieux Prieto est peut-être l'historien de l'art Javier García-Luengo, qui a passé des années à faire des recherches sur son œuvre, son homosexualité et son érotisme reconnus à travers ses tableaux à une époque où c'était un tabou et un crime, sa religiosité, sa personnalité, son évolution picturale, son influence... Grâce à des gens comme lui, avec enthousiasme et dévouement, l'auteur renaît.
Gregorio Prieto est décédé à l'âge de 95 ans le 13 novembre 1992. Il a vécu dans la résidence Nuestra Señora de la Consolación de sa ville natale, prise en charge par les Sœurs de la Charité. À l'époque, Francisco Creis a écrit un article dans le journal Lanza dans lequel il affirmait que ce musée était "l'un des meilleurs exemples de générosité et d'amour pour un peuple et pour la culture d'une région comme La Mancha". Puisse cette générosité continuer à se répandre dans le monde pour que son nom ne se perde pas dans l'oubli.