Jules Verne et la technologie
À la fin de l'année 1872, Jules Verne a publié son roman "Le tour du monde en 80 jours" dans le journal Le Temps. L'histoire que nous trouvons dans ses pages commence la même année et dans la maison où vit le personnage principal, un gentleman britannique appelé Phileas Fogg, accompagné de son assistant Jean Passepartout. Une sorte de Don Quichotte et de Sancho, mais dans un style plus raffiné, avec la même agitation à la recherche de l'aventure, bien que certains aient commencé dans les plaines de la Mancha et que d'autres aient décidé de franchir les frontières. Motifs et motivations, voilà ce qui les a poussés à partir en voyage, tout comme les moyens, puisque dans ce cas notre Rocinante bien-aimée n'avait rien à voir avec les éléphants, les trains ou les traîneaux qu'utilisaient l'Anglais et son compagnon. N'oublions pas non plus que Cervantès a écrit son chef-d'œuvre en 1605, et que les siècles ne passent pas en vain.
Les œuvres complètes de Jules Verne ont toujours fait partie de l'étagère de la maison familiale. De beaux livres à la reliure rouge soignée qui, avec le temps, ont dû passer sur d'autres étagères et dans d'autres mains. On a toujours dit de cet auteur qu'il était un visionnaire, un homme inquiet qui était en avance sur son temps par son intelligence et son imagination et que beaucoup de ce qu'il a écrit comme de la pure science-fiction - ce n'est pas pour rien qu'il est considéré comme l'un des pères de ce genre - s'est avéré être une réalité avec le temps.
En pensant aux milliers d'avions qui sillonnent le ciel chaque jour, aux trains qui circulent, aux énormes paquebots et à leurs navires de croisière, à ces sous-marins dont il parlait dans ses Vingt mille lieues sous les mers, aux millions de dollars qu'il faut dépenser pour aller sur la lune... je me suis souvenu de cet auteur et de ses idées imaginaires, et, accessoirement, de mon enfance. Car je me demande si cet illustre aventurier et voyageur, car il en fut un dans sa vie, si en avance sur son temps, aurait été surpris par la vitesse à laquelle le monde technologique, la numérisation, le métavers, l'intelligence artificielle... avancent. Et ma réponse serait non. Peut-être que si sa naissance avait été retardée de quelques décennies, ses livres nous parleraient de cette révolution qui nous rend un peu fous, du moins ceux d'entre nous qui ne sont plus si jeunes. Combien de jours le protagoniste anglais, membre du Reform Club, parierait-il qu'il ferait le tour du monde si l'on situait cette histoire aujourd'hui ? Comme il y a des gens pour tout, il y a aussi un record Guinness en ce sens : trois jours, une heure, cinq minutes et quatre secondes. Les protagonistes d'un tel exploit en décembre dernier étaient deux Indiens, un record détenu par un Émirati en 86 heures et 46 minutes par rapport aux 73 des nouveaux conquérants.
Bref, la capacité de l'homme à avancer et le vertige qu'elle produit sont incroyables, mais une chose est sûre : malgré le temps qui passe, c'est un plaisir de lire Jules Verne.