"Symbiose" entre le terrorisme et les médias
Introduction
Dans quelle mesure l'information fournie par les médias sur le terrorisme est-elle réelle ? Faut-il interdire la diffusion d'images, de vidéos ou même d'informations sur des attentats ou des individus radicalisés ? Les médias profitent-ils aux organisations terroristes ?
Le terrorisme a aujourd'hui acquis un rôle particulièrement important dans la politique nationale et internationale, en plus de sa présence continue dans les médias, notamment en ce qui concerne les attaques contre les civils. La population, victime d'un état de terreur, exige une information rapide qui réponde à ses préoccupations sur le danger environnant, ce qui conduit les médias à tomber dans des informations qui ne sont pas tout à fait correctes ou qui conduisent à de simples spéculations, et donc, à de fausses nouvelles.
Traiter un sujet aussi sensible que le terrorisme exige des journalistes experts en la matière, d'aller au fond des choses, de faire de bons jugements de valeur, d'éviter le sensationnalisme et le prosélytisme. Laisser les exercices d'enquête aux forces et organes de sécurité, et se concentrer uniquement sur la fourniture des informations dont ils disposent une fois leur véracité vérifiée. Il est difficile de ne pas prendre position face à de tels actes de violence, mais l'impartialité étant l'un des piliers du journalisme, cette position possible ne doit pas être notoire au moment d'écrire les faits. Il est compréhensible de montrer un certain rejet du terrorisme, sans tomber dans la morbidité.
Comme l'a établi l'avocat français Antoine Garapon, les médias sont plongés dans un grand dilemme : si, d'une part, en informant, ils deviennent des messagers involontaires du message du terrorisme et de ses exécutants, d'autre part, l'autocensure pourrait être considérée comme un lien possible avec ces organisations ou intérêts politiques, c'est-à-dire qu'elle engendrerait des soupçons et des accusations, tout en perdant sa légitimité.
Compte tenu de ces données, il convient de se demander si l'importance accordée par les médias au terrorisme est disproportionnée, étant donné que les médias doivent être fidèles à la réalité, ne pas rechercher la morbidité ou le sensationnalisme dans leurs informations, et respecter les véritables valeurs du journalisme1.
La couverture du terrorisme est un véritable défi pour les médias. Ils doivent rendre compte en temps réel et mettre à jour rapidement sans tomber dans de fausses accusations ou dans la partialité. Ces erreurs sont dévastatrices pour les communautés stigmatisées, ouvrant le débat sur la question de savoir si les autorités devraient cacher des informations aux médias, si le "spectacle" et la "tornade" médiatique après un attentat devraient être supprimés au profit de la répression de ces fautes.
Les attentats terroristes servent de prétexte pour mettre en lumière des préjugés sociaux de nature politique, sociale, économique ou autre, en courant le risque de généralisations, condamnant des communautés entières.
La fonction informative est déformée par la force de la morbidité, l'exaltation de la haine (dans ce cas envers les groupes terroristes) ou même les nuances politiques. Déchaîner une large réaction d'alarme soit par la spectacularité des faits, soit par celle accordée par les médias ou par un paradigme purement politique, exagérer la réalité à la recherche du déchaînement d'une demande d'ordre et de normalisation sociale de la part de la population2.
Il a été prouvé que grâce aux médias et à leur publicité à l'égard des actes violents de ces groupes radicaux, des individus du monde entier ont été inspirés à commettre leurs propres actes. En outre, c'est un moyen d'élargir leurs exigences, en entrant pleinement et irrémédiablement dans le domaine du domaine public. En d'autres termes, l'accent est mis sur "plus la violence est grande, plus l'impact médiatique est important et donc plus les répercussions sociales sont importantes", ce qui répond à l'objectif du terrorisme3.
Il convient de mentionner les fausses informations diffusées par les médias, à caractère totalement sensationnaliste plutôt qu'informatif, étant considérées comme véridiques par la réputation de la source sans être remises en question ou réfutées par le téléspectateur. À cet égard, Internet a la particularité que les réseaux sociaux tels que Twitter ou Facebook contrôlent le contenu qui est publié, en censurant et en éliminant tout contenu offensant, faux ou incitant à l'apologie (comme c'est le cas du magazine Dabiq ou Jihadology)4.
Malgré la nature dramatique de toute attaque sur le sol occidental, la réalité de ces attaques est différente. Selon l'indice mondial du terrorisme pour 2015, établi par l'Institut pour l'économie et la paix (IEP), depuis 2000, ces attentats en Occident n'ont représenté que 2,6 % du total, avec un total de 3 659 morts, par rapport à ceux du Moyen-Orient, de l'Asie centrale et de l'Afrique. De plus, contrairement à ce que nous pensons, le terrorisme djihadiste n'est pas le plus grand acteur, 80 % des victimes proviennent d'actions violentes menées par des acteurs liés à des organisations d'extrême droite, des nationalistes, des sentiments antigouvernementaux et d'autres formes de suprématie.
Selon l'Indice mondial du terrorisme 2015, la plupart des décès en Occident dus à des attaques terroristes ne représentent pas plus de 0,5 % du total. L'année 2014 a été consolidée comme l'année ayant connu le plus grand nombre d'attentats et de décès, coïncidant avec la création du soi-disant État islamique, avec plus de 32 000 morts (soit le double des chiffres de l'année précédente), mettant en évidence en chiffres l'Irak avec 9 929 morts, l'Afghanistan avec 9 233 et le Nigeria avec 9 213.
Cependant, malgré ces données, des groupes djihadistes tels que Boko Haram, Daesh ou Al-Qaeda considèrent l'Occident comme le moyen le plus efficace d'implanter et de propager leur idéologie par la terreur5.
En 2015, l'attentat contre le magazine Charlie Hebdo a eu lieu à Paris, avec 12 morts. Pour rapporter les faits, quelques heures après l'attentat, la RTVE (choisie comme exemple), écrit en plus d'une page les faits en détail, ouvrant la nouvelle en citant François Hollande : "Attaque terroriste d'une barbarie exceptionnelle".
Il définit ensuite les événements comme un "massacre" et joint une image dans laquelle l'un des individus, Kalachnikov à la main, abat une personne sans défense sur le sol, les bras levés, avec la légende : "Vengeons le prophète". Seulement dans les premières lignes, plusieurs failles sont évidentes : le dramatisme et l'exagération, la morbidité et la pertinence de la coupure djihadiste, exposant la communauté musulmane.
L'actualité se poursuit avec une deuxième section intitulée "Les criminels en fuite", un titre qui, après une première lecture, suscite la panique, suivi de : "C'est un massacre". Cette section se termine par la vidéo enregistrée depuis un appartement voisin dans lequel on peut entendre les coups de feu et voir les individus. Il est suivi de deux autres sections contenant des informations complémentaires6.
A titre de comparaison, un article écrit par le journal EL MUNDO sur l'un des attentats survenus au Nigeria en 2019 : "Au moins 65 morts dans un attentat de Boko Haram sur un cortège funèbre au Nigeria". La nouvelle commence par la phrase suivante : "Au moins 65 personnes ont été tuées". Dans ce cas, on utilise "mort" au lieu de "tué" comme dans la précédente nouvelle. Les faits sont décrits dans un paragraphe de six lignes7.
On peut observer la pertinence donnée à un attentat dans lequel 12 personnes sont tuées contre une autre de plus de 65, ce qui montre l'influence géographique de chaque pays et de la société victime, l'ampleur des faits n'étant pas aussi pertinente que l'origine des victimes elles-mêmes.
On peut cependant dire que la nouvelle la plus appropriée est celle qui concerne l'attentat au Nigeria, en évitant le sensationnalisme, le drame et surtout, la diffusion de la peur.
Amanda Pérez, criminologue et analyste du terrorisme international. SEC2CRIME.
- Alsina, M. R. (1989). Medios de comunicación y terrorismo : apuntes para un debate. Anàlisi : Quaderns de comunicació i cultura(12), 101-110.
- Code pénal. (n.d.). Código Penal. Espagne : Anaya.
- Institut pour l'économie et la paix. (n.d.). Indice du terrorisme mondial 2015 : MESURER ET COMPRENDRE L'IMPACT DU TERRORISME. p. 111.
- Losada, C. (n.d.). Le terrorisme et les médias (I). L'oxygène de la publicité. Les Lumières libérales(33).
- Maiduguri. (28 juillet 2019). Au moins 65 personnes tuées à Boko Haram lors de l'attaque d'un cortège funèbre au Nigeria. EL PAIS.
- Marin, J. L. (18 novembre 2015). Qui est touché par le terrorisme ? CTXT bêta.
- Marthoz, J.-P. (2017). Terrorisme et médias : un manuel pour les journalistes (Mirta Lourenço ed.). Paris, France : UNESCO.
- Ramirez, C. (janvier 2019). Symbiose entre les médias et le terrorisme. Université de Tel-Aviv, 5.
- Reina, J. M. (18 mars 2019). Le terrorisme djihadiste et son traitement dans les médias. Consulté sur Crimipedia : http://crimina.es/crimipedia/topics/terrorismo-yihadista-tratamiento-los-medios-comunicacion/
- RTVE.es . (15 janvier 2015). Au moins 12 personnes ont été tuées par balles dans un magazine français menacé pour avoir publié des caricatures de Mahomet.