États-Unis et Philippines, crise dans les relations bilatérales

Reunión bilateral del presidente filipino Rodrigo Duterte con el presidente estadounidense Donald Trump en noviembre del año pasado sobre las negociaciones de libre comercio

Les relations bilatérales entre la République des Philippines et les États-Unis semblent entrer dans une nouvelle période d'incertitude. Le 11 février, le président des Philippines, Rodrigo Duterte, a engagé les procédures de résiliation de l'accord sur les forces de visite qui régit la présence et la rotation des troupes américaines déployées dans le pays depuis plus de 20 ans. Bien que Duterte ait tenté, depuis son arrivée au palais de Malacañang, de concevoir une politique plus indépendante à l'égard des États-Unis, ce mouvement est sans doute le plus audacieux, car il met en péril une relation fondamentale en termes de Défense et de Sécurité pour le pays.

Les liens entre les Philippines et les États-Unis sont basés sur une série d'accords bilatéraux de longue date. Le principal et le plus ancien est le traité de défense mutuelle de 1951, qui constitue la structure de base de l'alliance. Après l'abrogation de l'accord de base en 1991, les forces militaires américaines ont quitté le pays jusqu'à l'entrée en vigueur de la VFA en 1999. Par conséquent, la résiliation de cet accord ramènera la relation bilatérale à l'état où elle était il y a 20 ans, compromettant à la fois les exercices militaires conjoints (Balikatan) et le transfert des renseignements nécessaires pour combattre les groupes d'insurgés sur le territoire philippin. Ce dernier point est particulièrement important, surtout si l'on considère la crise vécue aux Philippines lors du siège de Marawi en 2017.

Le Visiting Forces Agreement est un élément nécessaire dans le cadre du partenariat entre les États-Unis et les Philippines. Ses clauses réglementent des aspects fondamentaux tels que les facilités d'entrée et de séjour du personnel militaire américain aux Philippines, l'autorisation d'entrée sans passeport et l'acceptation des permis de conduire et des licences de véhicules délivrés par les autorités américaines. Ils permettent également l'entrée de matériel et d'équipement sans devoir payer de droits, de taxes ou d'impôts et l'entrée de navires et d'aéronefs par des procédures plus rapides. Elle régit également la compétence des autorités judiciaires philippines sur les actes commis par le personnel militaire déployé sur l'île. Sans cet accord, les troupes américaines n'ont aucune couverture légale pour rester et opérer dans l'archipel et seraient forcées de se retirer dans d'autres bases en dehors du territoire philippin, ce qui diluerait sérieusement le traité de défense mutuelle de 1951.

Si l'accord est si important, alors pourquoi cette situation s'est-elle produite ? Depuis que Rodrigo Duterte a remporté les élections, il est clair pour tout le monde qu'il a essayé de forger une politique étrangère plus indépendante que ses prédécesseurs, et l'une de ses initiatives les plus controversées a été d'essayer de rapprocher des pays comme la Chine, avec laquelle il existe un différend territorial dans la mer de Chine méridionale. Malgré les menaces constantes de mettre fin aux accords de défense bilatéraux, le dernier élément déclencheur de la décision semble avoir été la décision américaine de refuser un visa au sénateur Ronald Dela Rosa. Il a été élu par Duterte au poste de chef de la police nationale philippine et est considéré comme le concepteur de la politique anti-drogue de Duterte qui a été critiquée par les Nations Unies et par les groupes de défense des droits de l'homme. L'action américaine a été perçue comme une attaque personnelle et a servi de prétexte pour entamer le processus de résiliation de l'accord.

Les réactions des États-Unis ont été rapides. Le président Trump n'y a pas beaucoup réfléchi en soulignant les économies d'argent que le retrait des troupes américaines entraînerait. Toutefois, le secrétaire à la défense Mark Esper a qualifié cette action de malheureuse et de pas dans la bonne direction. 

La vérité est que la notification de la résiliation de l'accord par les Philippines a déclenché un compte à rebours de 180 jours. Pendant cette période, les parties devront décider quel type de relation elles souhaitent à l'avenir, en bref, si Duterte est déterminé à abandonner les accords de défense avec les États-Unis ou s'il s'agit d'une manœuvre pour renégocier l'accord à des conditions plus avantageuses pour les Philippines.

Si un accord satisfaisant pour les deux parties n'est pas conclu en août, les conséquences pour la région seront inquiétantes. Tout d'abord, la présence américaine en mer de Chine méridionale (l'une des zones critiques pour la sécurité internationale et un foyer possible de conflit) sera réduite en devant retirer ses troupes des Philippines et en entravant les opérations aériennes et navales dans la région. De plus, sans la VFA, les autres accords (le traité d'aide mutuelle et Enhanced Defense Cooperation Agreement) resteront lettre morte sans la présence de troupes, de navires et d'avions américains dans le pays. Deuxièmement, et en conséquence de ce qui précède, la présence de la Chine dans la zone de la mer de Chine méridionale sera étendue, ses opérations facilitées et sa position, contraire au droit international, renforcée. Enfin, la capacité des forces armées et de la police à lutter contre les groupes islamistes et insurgés se détériorera clairement sans le déploiement des forces spéciales et sans le soutien d'équipements de renseignement, de surveillance et de reconnaissance.

Au bout du compte, les actions du président Rodrigo Duterte sont conformes à son intention de parvenir à une plus grande indépendance vis-à-vis des États-Unis en tenant les promesses qu'il a faites pendant la campagne électorale et pendant son mandat. Cependant, tant l'opinion favorable de la population philippine envers les Etats-Unis, les liens des forces armées des Philippines avec les Etats-Unis, que la fin de son mandat dans 2 ans peuvent rendre ce changement éphémère et le retour à la situation antérieure. Sinon, il est très probable que les Philippines passent simplement d'une situation de dépendance à une autre.