La France change d'ère avec un centre de gravité flou
- Reino Unido como una puerta de entrada para el abanico del club europeo
- ¿Mélenchon será primer ministro?
Personne n'est plus le même qu'avant la pandémie, l'événement le plus traumatisant que le monde ait connu jusqu'à présent au XXIe siècle. Il fallait s'y attendre car les mêmes cycles de l'histoire l'exposent : quand les choses s'aggravent, il y a la peur ; la crainte ; l'incertitude ; le ressentiment et ce sentiment que tout va mal qui se traduit par l'ostracisme citoyen et le vote de la rage qui veut tout détruire... pour tout changer du haut vers le bas.
En 2017, la France a enregistré un PIB de 2,3 % et en 2023, il a augmenté de 0,9 %, tandis que l'inflation en 2017 était de 1,19 % et en 2023, elle a clôturé à 4,9 % ; et un autre indicateur pertinent : le taux de chômage en 2017 était de 8,6 % et en 2023, il était de 7,6 %.
Emmanuel Macron a remporté les élections de 2017, battant François Hollande et proposant avec son parti "En Marche" une série de politiques centristes visant à faire avancer les questions sociales et à stimuler l'activité économique.
Sept années se sont écoulées depuis lors et le macronisme est mort. Aujourd'hui, la France est profondément divisée, avec une société de plus en plus conflictuelle : économiquement, socialement, idéologiquement et politiquement. Si Macron ne parvient pas à convaincre les partis de gauche, communistes et écologistes de le soutenir, l'avenir de la France sera entre les mains de l'extrême droite.
On récolte ce que l'on sème. La candidate d'extrême droite Marine Le Pen ne cache pas sa satisfaction de voir son parti, le Rassemblement national, mettre la main sur l'olympe du pouvoir. Dans un éditorial, le New York Times note que "le centre s'est effondré aux yeux de Macron" et prévoit que le pays se dirige vers l'ingouvernabilité.
Le premier scénario politique auquel Macron pourrait être confronté, à l'issue du second tour des élections législatives du dimanche 7 juillet, est de co-gouverner avec un premier ministre autre que celui de son parti et d'ouvrir ainsi un gouvernement dit de cohabitation. Autrement dit, Macron en tant que président ne tiendrait qu'à un fil, avec un premier ministre d'extrême droite ou d'extrême gauche et une Assemblée nationale très fragmentée dans laquelle son parti serait la troisième ou la quatrième force.
Macron perdra probablement son jeune premier ministre, Gabriel Attal. La France est une république constitutionnelle semi-présidentielle et le pouvoir exécutif est partagé entre le président et le premier ministre. Si Macron ne parvient pas à conclure un pacte avec la nouvelle législature pour conserver le gouvernement, il perdra son premier ministre et sera très probablement acculé à une motion de censure, ce qui entraînera la convocation d'élections générales.
Les résultats des élections législatives du dimanche 30 juin ont déjà montré "per se" la division rupturiste de la société française ; combien les positions sont divisées entre une génération plus âgée qui a voté pour le Nouveau Front Populaire, qui se présente comme une coalition anti-fasciste, et les "millennials" qui ont voté pour Le Pen et son Rassemblement National d'extrême-droite. Les jeunes de la génération Z, âgés d'une vingtaine d'années, sont également très radicalisés et beaucoup d'entre eux sont des adeptes du parti d'ultra-gauche La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, membre du Nouveau Front Populaire. Mélenchon a déclaré à plusieurs reprises qu'il souhaitait devenir le nouveau premier ministre de la France.
Et, bien qu'ils soient aux antipodes l'un de l'autre, l'histoire montre toujours qu'un gouvernement d'extrême droite est aussi mauvais qu'un gouvernement d'ultra gauche, car tous deux suivent toujours la même ligne : plus de pouvoir, plus de contrôle et moins de libertés.
L'électorat français subit une pulvérisation malsaine résultant d'une polarisation interne, favorisée par une série de questions acrimonieuses qui ont dégradé la coexistence et réduit la qualité de vie des personnes vivant en France.
Pour Le Pen et son Rassemblement national, la faute en revient aux politiques d'immigration laxistes qui ont conduit à un afflux d'immigrants qui n'ont apporté à la France qu'insécurité, criminalité et misère. La France est faite pour les Français, affirme le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, un jeune homme de 29 ans aux talents d'orateur.
Au premier tour des élections législatives, le Rassemblement national est sorti vainqueur avec 34 % des voix, suivi par le Nouveau Front populaire avec 28,1 % des voix et, en troisième position, "Ensemble" du président Macron avec 20,3 %.
Les enjeux sont cruciaux : la gouvernabilité de la France, la paralysie à l'Assemblée nationale des budgets et des propositions de Macron (577 membres de l'Assemblée nationale seront renouvelés), la possibilité de convoquer des élections législatives anticipées et même l'incendie social dans les rues.
La partie la plus progressiste de la France s'unit pour stopper net la montée de l'extrême droite qui hante la France depuis octobre 1972, date à laquelle Jean-Marie Le Pen, le père de Marine, a fondé le Front national pour l'unité française.
La clé est entre les mains du Nouveau Front populaire, une maxi alliance qui reprend le nom déjà utilisé en France entre 1936 et 1938, lorsqu'il luttait aussi contre l'expansion du fascisme. Un cycle politique qui a fini par dominer une grande partie de l'Europe et qui a donné naissance à des gouvernements tels que le nazisme en Allemagne, le fascisme de Benito Mussolini en Italie ou le franquisme en Espagne.
Seul ce nouveau Front populaire peut faire face à l'ultra-droite française, dont Le Pen est si friande, puisqu'elle s'est personnellement chargée de la qualifier et de prétendre qu'il s'agit d'une "droite modérée".
Il en va de même pour Giorgia Meloni en Italie. La Première ministre qui appartient aux Frères d'Italie et qui répète à gauche et à droite qu'"il n'y a pas de place en Italie pour les racistes et les antisémites". Le Pen et Meloni représentent l'image de l'autochtone local dans lequel beaucoup se voient (ou voudraient se voir) : blond, blanc, beau et avec des yeux colorés.
Qui peut arrêter les aspirations des "lepénistes" ? Sans aucun doute, le Nouveau Front Populaire, qui regroupe des partis de gauche (de tous horizons), à commencer par l'ultra-gauche de La France Insoumise ; s'y sont ajoutés le Parti Socialiste aux accents sociaux-démocrates, le Parti Communiste Français et les Verts du parti Ecologistes.
Ce n'est pas la première fois qu'ils réalisent un pacte de convenance : ils l'ont fait en 2022 lorsque Macron s'est présenté pour un nouveau mandat de cinq ans. Lors de ces élections, ce pacte a obtenu 131 députés, et ils ont été en partie responsables d'empêcher la majorité absolue que Macron a obtenue lors de sa première victoire électorale en 2017, lorsqu'il a battu François Hollande.
Le Royaume-Uni comme porte d'entrée pour les fans des clubs européens
Mujtaba Rahman, responsable de la politique européenne à Eurasia Group, réfléchit à l'idée que si l'électorat français veut quelque chose de nouveau, comme c'est généralement le cas, Le Pen sera sa seule véritable option.
Lors de ces élections législatives, le Rassemblement national verra également sa force législative augmenter, passant de 88 députés à l'Assemblée nationale à un nombre qui pourrait doubler.
Les accusations constantes de Mélenchon contre Le Pen, sa famille et son parti ne semblent pas non plus lui faire beaucoup de mal. Le leader de l'ultra-gauche insiste sur le fait que Marine est un loup déguisé en agneau, qu'elle est "autoritaire et xénophobe", que sa famille a côtoyé les nazis et a collaboré avec le régime de Vichy (de 1940 à 1944), et souligne que son parti, le Rassemblement national, est très proche du Kremlin et laisse même entendre que le Kremlin pourrait lui avoir apporté une contribution financière.
Mme Le Pen soutient le dictateur russe Vladimir Poutine et a déclaré à plusieurs reprises qu'elle n'enverrait pas d'armes à l'Ukraine et qu'elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin à la guerre dès que possible.
À cet égard, Rahman a écrit dans Politico que si Le Pen était élue présidente, elle mènerait au mieux la France vers cinq années de dérive et de troubles, tant sur le plan interne que dans ses relations avec l'UE.
"Au pire, elle pourrait sortir la France de l'alliance occidentale, initiant un processus qui pourrait diviser l'UE, au moins dans sa forme actuelle", remarque-t-il.
Il y a beaucoup de choses en préparation, dans la politique économique, dans la politique migratoire, dans la politique sociale, dans les droits LGBTI, dans la position de l'État français vis-à-vis de diverses valeurs progressistes et dans la position internationale de la France vis-à-vis de son soutien à Poutine, de son intervention dans l'invasion de l'Ukraine, de même vis-à-vis du Hamas et d'Israël et de sa position dans les organisations internationales telles que l'OTAN, le G7 et l'UE. Le Pen est nationaliste et n'accepte pas l'ingérence de l'UE.
Mélenchon sera-t-il Premier ministre ?
L'autre polarisation fait rage dans les rues françaises. À Paris, les marches antifascistes mobilisées par Jean-Luc Mélenchon de La France Insoumise prennent chaque jour plus d'ampleur. "C'est eux ou nous", a déclaré le vétéran de la politique, qui fêtera ses 73 ans.
Cependant, les autres partis de gauche, communistes et écologistes avec lesquels il est allié au sein du Front national ne veulent pas de lui comme premier ministre. Une situation qui rendra les négociations difficiles pour le nouveau gouvernement.
Les chemins entre les deux camps sont mauvais pour Macron : si c'est l'extrême droite de Le Pen qui remporte un pourcentage significatif de législateurs à l'Assemblée nationale, Macron devra accepter Jordan Bardella, un homme d'extrême droite, au poste de premier ministre. Non seulement il sera encore plus jeune qu'Attal, mais il imposera également son programme anti-immigration à l'Élysée.
D'ores et déjà, le Rassemblement national a annoncé qu'il limiterait l'accès aux postes clés dans les différents domaines du gouvernement et dans le secteur public aux ressortissants français nés en France.
Et si c'est l'ultra-gauche Mélenchon qui s'avère être le nouveau premier ministre, c'est également mauvais pour Macron. Parmi les propositions de la gauche radicale figurent une réforme du système électoral pour une plus grande proportionnalité, une augmentation du salaire minimum, un nouvel impôt sur les grandes fortunes, la gratuité des fournitures et des repas scolaires, ainsi que la retraite à 60 ans.
Par ailleurs, en matière de politique internationale, ils demandent la reconnaissance de l'Etat de Palestine, un embargo sur les armes à destination d'Israël et, en ce qui concerne la guerre en Ukraine, la France Insoumise s'engage à poursuivre l'envoi d'une aide militaire, mais sans que la France n'intervienne directement dans le conflit. Leurs idées sont également nationalistes et eurosceptiques.
L'analyste Marc Bassets écrit dans El País que la France, berceau d'une idée de l'Europe des droits de l'homme et des Lumières, doit décider si elle met au pouvoir l'extrême droite eurosceptique et nationaliste ou si elle fait face à sa montée irrésistible avec une coalition hétérogène allant de la gauche radicale à la droite modérée. Une coalition "Frankenstein".
Bien sûr, pour Macron et ses politiques centristes, le coût sera énorme. À l'heure actuelle, la balle du pouvoir est disputée dans un combat de chiens entre l'ultra-droite "lepéniste" et l'ultra-gauche de Mélenchon. Et ce n'est certainement pas une bonne nouvelle pour l'avenir immédiat de la France.