La violence prend le pas sur la démocratie en Équateur

AP/DOLORES OCHOA - Manifestations en Équateur

L'assassinat de Fernando Villavicencio, le plus connu des six candidats en lice pour les élections présidentielles du 20 octobre en Equateur, illustre une fois de plus l'emprise de la criminalité liée au narcotrafic sur certains pays d'Amérique latine. 

La puissance économique du trafic de drogue et de son exportation vers les États-Unis et l'Europe a raison des lois et des défenseurs des autorités démocratiques qui, malgré leur bonne volonté, échouent dans leurs tentatives d'imposer l'ordre. Beaucoup de politiciens bien intentionnés savent qu'ils ont perdu.

PHOTO/AFP/RODRIGO BUENDIA - Fernando Villavicencio

"Les trafiquants de drogue contrôlent tout, parfois avec des millions et souvent en recourant à la violence, qui après tout leur coûte moins cher", disait récemment un sociologue mexicain, exprimant son pessimisme quant au pouvoir que la drogue est en train de gagner dans une guerre sans quartier, qui laisse des victimes, impose des décisions, se joue de l'indépendance de la justice et n'hésite pas à corrompre, terroriser et tuer. Les politiques et surtout les journalistes qui osent dénoncer sont les boucs émissaires. 

Le président équatorien Guillermo Lasso, qui a tenté en vain d'amener ce pays traditionnellement pacifique à mettre fin à cette fusion de gangs criminels, les maras, qui sèment la violence et imposent l'absence de contrôle à une population soumise, est arrivé à un point où il ne pouvait plus supporter la situation. 

PHOTO/PRESIDENCIA ECUATORIANA/BOLIVAR PARRA - Le président équatorien Guillermo Lasso, qui fait l'objet d'une procédure de destitution au Congrès pour corruption présumée, a publié mercredi un décret dissolvant le corps législatif

Seul président à diriger un gouvernement conservateur au milieu des républiques sandinistes et des régimes démagogiques, il a choisi de démissionner, de dissoudre le parlement et de convoquer des élections six mois à l'avance afin que les électeurs eux-mêmes puissent élire quelqu'un de plus apte que lui à rétablir la paix.

L'atmosphère politique équatorienne est depuis longtemps empoisonnée par l'ombre de l'ancien président Rafael Correa, condamné à huit ans de prison pour corruption et vivant depuis en Belgique, où il continue de profiter de la popularité qu'il a laissée derrière lui pour compliquer la stabilité recherchée par ses successeurs. 

Lors des élections qui se tiendront dans neuf jours, la candidate qui le représente, Luisa González, devrait être la favorite des six candidats qui s'affronteront dans les urnes. L'un d'entre eux, Fernando Villavicencio, journaliste chevronné qui a pris des risques face au chaos, ne figurait pas parmi les favoris et a pourtant été assassiné pour avoir critiqué le trafic de drogue.

A la fin d'un meeting où il dénonçait une nouvelle fois la situation dans laquelle est tombée la société équatorienne, des hommes armés lui ont tiré trois balles dans la tête, le tuant en quelques secondes. À plusieurs reprises, il avait répété, en dénonçant les criminels qui le menaçaient, qu'il n'avait pas peur. Il vivait sous la menace 24 heures sur 24 et disposait d'un garde du corps que l'on accuse aujourd'hui d'avoir été inefficace en ne le protégeant pas. Un doute de plus dans la controverse que cette triste nouvelle a éveillée. 

Le président Lasso, qui reste en fonction jusqu'à l'élection de son successeur, a déclaré l'état d'urgence et les cinq autres candidats ont suspendu leur campagne.

L'un des assassins a été abattu par des agents de sécurité et est décédé quelques heures plus tard, tandis que six complices ont été arrêtés. Selon la police, tous les six sont colombiens, ce qui prouve que les cartels de la drogue ont leurs propres organisations internationales pour compliquer davantage leur persécution. 

Le président mexicain a rapidement nié que les auteurs de l'attentat appartenaient à l'un de ses cartels, mais la réalité montre que les cartels mexicains ont une expérience considérable en matière d'assassinat, en particulier de journalistes qui dénoncent leurs agissements.