L’Iran et l’instrumentalisation du crime organisé et du terrorisme d’État : une diplomatie de l’ombre

Alejo Vidal-Quadras, cofondateur du parti Vox - REUTERS/ ANA BELTRAN
Le recours à des groupes criminels ou mafieux fait partie des méthodes bien établies du régime iranien pour atteindre ses objectifs politiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays
  1. Un historique bien documenté d’assassinats d’opposants en Europe
  2. La France en ligne de mire

Le récent acte d’accusation établi dans l’enquête par un juge d’instruction espagnol sur la tentative d’assassinat d’Alejo Vidal-Quadras, ancien vice-président du Parlement européen, en apporte une illustration éclairante :

« Les suspects ont été mandatés par des acteurs anonymes pour se venger de l’engagement politique de M. Vidal-Quadras en faveur de la Résistance iranienne, et pour adresser un avertissement clair au gouvernement espagnol ainsi qu’à l’Union européenne : ne soutenez pas les mouvements de résistance qualifiés de terroristes par Téhéran. »*

Cette tentative d’élimination physique est directement liée à ses prises de position, notamment en tant que soutien de premier plan du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) et de sa principale composante, les Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI).

« Entre 1999 et 2014, il siégea au Parlement européen et milita pour le retrait du CNRI et de l’OMPI de la liste des organisations terroristes. Il joua également un rôle clé dans la protection des membres de l’OMPI résidant au camp d’Achraf en Irak. » *

L’OMPI et le CNRI ont été retirés des listes noires, en Europe en 2009 et aux Etats-Unis en 2012, suite à des décisions de justice des tribunaux compétents. 

En 2022, le ministère iranien des Affaires étrangères plaça officiellement, l’homme politique espagnol, sur sa liste noire, l’accusant de soutenir le terrorisme. Le 14 novembre 2023, l’agence Fars, affiliée au Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI), écrivait :

« La République islamique a averti formellement les pays hébergeant des groupes qualifiés de terroristes que l’accueil de l’OMPI et d’autres groupes similaires aurait de graves conséquences. (…) À propos de l’attentat contre Vidal-Quadras, une source bien informée a déclaré : "Le gouvernement espagnol ferait mieux de ne pas jouer le jeu des Moudjahidine." »

Pourtant, le régime des mollahs a une longue histoire du terrorisme et est considéré, entre autres, par le Département d’Etats des Etats-Unis comme le numéro un mondial du terrorisme d’Etat.

Un historique bien documenté d’assassinats d’opposants en Europe

Le régime iranien a une longue tradition d’opérations secrètes à l’étranger, allant du harcèlement et de l’intimidation à l’assassinat ciblé de ses opposants. Plusieurs centaines de cas en sont documentés, voire jugé en justice.  Plusieurs pays européens en ont été le théâtre, à part d’autres coins du monde même l’Amérique latine. Parmi les plus récents

  • Pays-Bas : En 2017, Ahmad Mola Nissi, opposé au régime, (a été assassinés à La Haye. En réaction, les Pays-Bas ont expulsé deux diplomates iraniens, et l’Union européenne a imposé des sanctions au ministère iranien du Renseignement. 
  • Danemark : En 2018, après la découverte d’un projet d’attentat visant des responsables du groupe séparatiste arabe ASMLA, le Danemark a rappelé son ambassadeur de Téhéran.
  • France : En juin 2018, un diplomate iranien basé à Vienne a été arrêté pour avoir planifié un attentat à la bombe contre le rassemblement annuel du CNRI près de Paris. Lui et trois complices ont été arrêtés dans différents pays européens, puis condamnés par un tribunal belge à de lourdes peines comme 20 ans pour le « diplomate ».

En mai et juin 2023, le siège d’une association soutenant l’opposition iranienne à Saint-Ouen-l’Aumône en Val d’Oise a été la cible de deux attaques : l’une par balles, l’autre au cocktail Molotov.

Selon les services de renseignement britanniques, au moins dix complots iraniens visant à enlever ou à tuer des dissidents en sol britannique ont été mis en échec.

La France en ligne de mire

Lors d’une conférence de presse, le général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées françaises, a alerté sur les menaces posées par l’Iran, notamment à travers le terrorisme d’État et la diplomatie des otages.

Dans le même esprit, Shirin Ardakani, avocate franco-iranienne de Cécile Kohler — citoyenne française actuellement détenue en Iran —, a déclaré :

« Il y a toujours un soupçon de négociations souterraines dont l’opinion publique ne connaîtra jamais les détails. Les otages sont souvent libérés sous couvert de motifs humanitaires, mais il est évident que le régime iranien exerce une pression stratégique sur les ressortissants étrangers pour en tirer des avantages immédiats. » 

*Extrait de l'acte d'accusation officiel, faisant suite à l’enquête judiciaire sur la tentative d’assassinat d’Alejo Vidal-Quadras.