Salman Rushdie : "Les fatwas ont servi au pouvoir iranien à exercer une forme de terreur"

En 1989, Djavad Laridjani, ancien secrétaire aux « droits de l'Homme » au sein du pouvoir judiciaire iranien, avait qualifié les fatwas, après celle de l’ayatollah Khomeini, fondateur de la république islamique d’Iran, contre Salman Rushdie, de « nouveau type de pouvoir ». « Jusqu'à présent, on pensait que le pouvoir politique devait être défini en fonction du pouvoir militaire et économique. Mais la fatwa de l'Imam a montré que la source du pouvoir politique est autre que ces deux sources ; la principale source du pouvoir est d'influencer la volonté des gens », avait-il affirmé dans le journal Etélaat le 17 Février 1994. Issue des dogmes religieux médiévaux, cette théorie est antérieure à l'ère capitaliste ; elle ne peut donc tenir dans le siècle contemporain que si elle s'impose à l'époque actuelle par la tromperie, sous le nom d'islam, par la terreur, le meurtre, la répression et le crime.
Afin d'augmenter l'efficacité de sa fatwa et d'inciter le plus haut niveau de cruauté dans ses forces, l'Ayatollah Khomeini avait déclaré : « Le maintien du système est un devoir obligatoire », signifiant par là que le maintien de la République islamique était plus important que tout autre engagement. Si nous allons au bout de cette idée, le régime peut donc commettre n'importe quel crime au nom de l'islam. Du massacre en 1988 de près de 3 000 prisonniers politiques, dont plus de 90 % étaient des moudjahidines du peuple (OMPI, mouvement de résistance armée au régime de la République islamique d'Iran favorable à la démocratie), àl'exécution de dizaines de milliers de femmes musulmanes dont certaines enceintes, appartenant à ce mouvement. Et c’est toujours au nom de l'islam que Khomeini avait émis une fatwa commandant de violer les prisonnières politiques avant leur exécution.
L'Iran est l'un des pays où les détournements astronomiques de fonds dans les hautes sphères du pouvoir sont des pratiques courantes. Le Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI), figurant sur la liste noire de l'Union Européenne et des États-Unis, dispose d’au moins la moitié de l'économie du pays. Elle contrôle tous les ports en Iran et a recours à la contrebande avec la Chine et d'autres états entraînant par là même la destruction de la production nationale. Cette force se révèle être de surcroît la force répressive la plus criminelle à l'intérieur du pays et la garantie de l’exportation du terrorisme hors des frontières.
Quelques mois après avoir accepté le cessez-le-feu dans la guerre avec l'Irak le 18 juillet 1988, Khomeini émettait une fatwa prenant Salman Rushdie pour cible. L’objectif de cette fatwa était double ; inspirer la force motrice du terrorisme et susciter une réaction éclipsant l’échec flagrant du guide suprême dans la guerre. Au nom de l'islam et de la guerre contre les infidèles, le régime des Mollahs n’hésite pas à faire exploser, à détruire, à tuer, à assassiner et à prendre des otages comme on le présume au Liban et en Argentine. Le but ? Obtenir des rançons et valider une stratégie macabre bénéficiant en outre des largesses de la politique d’apaisement menée par les pays occidentaux vis-à-vis de l’Iran.
« L'ère de la tromperie au nom de la religion et l'utilisation du « nouveau type de pouvoir » arrivent à leur terme. »
Ce régime a œuvré pour éliminer toute personne s’étant soulevée contre le dictateur Bachar El Assad. Pourtant, le dictateur Syrien est loin d’adhérer au dogme religieux prôné par les chiites iraniens. Il fallait donc trouver un motif, forcément fallacieux. Selon le pouvoir en Iran, l’intervention en terres syriennes servait uniquement à défendre le sanctuaire de Zainab, la petite-fille du Prophète. Qassem Soleimani, dirigeant de la force Qods et principal responsable des massacres en Syrie, est également celui qui a permis l’intervention Russe dans cette guerre, pour mener des frappes aériennes contre des populations sans défense.
Les meurtriers et terroristes envoyés par l’Iran sont tous intégrés au sein de bataillons nommés « parti de Dieu », « Soldat de Dieu », etc. C'est « un nouveau type de pouvoir », qui abuse du nom d’une religion n’approuvant en rien ces pratiques inhumaines.
« L’Histoire refuse le fascisme au nom de Dieu. »Durant les soulèvements récents, le peuple iranien a scandé à Khamenei et au gouvernement des mollahs : « Vous avez utilisé l'islam comme un outil pour humilier le peuple. » La fatwa odieuse contre Salman Rushdie lancée par Khomeiny en février 1989 et approuvée par son successeur Khamenei le 15 octobre 2015, est une démonstration du fait qu’en Iran, l'islam et son prophète sont utilisés comme un outil par les dirigeants pour préserver le système, quel qu’en soit le prix.
Mais la situation explosive de la société iranienne, les crises qui l'entourent de toutes parts et la colère du peuple contre la dictature religieuse, ont montré que l'ère de la tromperie au nom de la religion et l'utilisation du « nouveau type de pouvoir » arrivent à leur terme. La succession des soulèvements, des manifestations et autres protestations populaires, et ce malgré la répression toujours plus forte et l’augmentation sans précédent du nombre d’exécutions, y compris publiques, sont le signal d’une prise de conscience globale. Ces exactions, ainsi que la montée du terrorisme exporté par le pouvoir iranien au nom de la religion ne peuvent empêcher l'Histoire de s’écrire. Et l’Histoire refuse le fascisme au nom de Dieu.
Hamid Enayat, politologue iranien vivant en Europe
Article publié sur Marianne.net