Tensions géopolitiques et énergie

gasoducto magreb

La rivalité entre l'Algérie et le Maroc nous affecte directement en termes d'approvisionnement en gaz. Ce qui se passe de l'autre côté de notre frontière est extrêmement pertinent et, en général, tend à être minimisé. A la crise des flux migratoires irréguliers s'ajoute désormais l'incertitude sur l'approvisionnement en énergie. Le problème est que la concession du gazoduc qui traverse le Maroc, connu sous le nom de gazoduc "Maghreb-Europe", expirera le 1er novembre 2021.

Les causes de cette dépendance stratégique, qui touche également le Portugal, ne sont pas seulement géopolitiques. Ils sont également le résultat d'une réglementation nationale déficiente du marché de l'énergie, qui est influencée par les réglementations européennes.  

Tout porte à croire que l'Algérie ne renouvellera pas la concession accordée au Maroc pour permettre au gaz algérien de traverser les frontières de son voisin jusqu'au continent européen, moyennant une redevance. Le chiffre pourrait être de 7 à 8 % du volume de gaz qui traverse son territoire.  

Pour des raisons historiques, économiques et politiques, les mauvaises relations entre Rabat et Alger ont des conséquences pour Madrid, dont la diplomatie est contrainte de rechercher constamment des équilibres et de satisfaire des demandes, malgré le coût politique. La réalité qui explique tout cela est que la frontière de nos voisins est l'une des plus militarisées au monde.

L'Algérie est le principal soutien du Front Polisario et l'indépendance du Sahara occidental est une question vitale pour la souveraineté du royaume alaouite. Pour cette raison, les États-Unis ont reconnu la souveraineté de Rabat sur le Sahara en échange de l'établissement par le Maroc de relations avec Israël. Les contrats pour les grands programmes d'armes et de systèmes terrestres, navals et aérospatiaux sont importants et expliquent la présence de l'industrie de la défense russe, chinoise et américaine.

L'Espagne est très dépendante du gaz naturel algérien, une matière première stratégique qui arrive par deux gazoducs : le "Medgaz", qui arrive directement par la mer Méditerranée, et le gazoduc "Maghreb-Europe", déjà mentionné. C'est l'arrivée de l'hiver qui accélère l'incertitude. L'hiver dernier, après la tempête Filomena, le prix de l'électricité a atteint des sommets, et nous continuons de constater des augmentations, pratiquement tous les jours. Environ 50 % de l'électricité produite est d'origine renouvelable, et donc de production nationale, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour parvenir à une économie 100 % électrifiée.

La dépendance à l'égard des combustibles fossiles (75% de la demande) implique une vulnérabilité pour nos intérêts et, par conséquent, un besoin constant d'alliances et d'équilibres avec les producteurs, un marché que l'on sait en transformation et qui a besoin de s'assurer des revenus. Le Nigeria en est un bon exemple.

Avec la fermeture du gazoduc Maghreb-Europe, l'Espagne et le Portugal perdent une voie d'approvisionnement essentielle et il ne suffira pas d'augmenter l'offre de 10 milliards de mètres cubes par an. Et ce qui n'arrive pas par voie terrestre doit arriver par bateau, ce qui augmente le prix du gaz et de l'électricité. Cela fait des routes maritimes une question prioritaire pour la sécurité nationale.

La présence de la Chine est pertinente car elle est également un acheteur de gaz naturel algérien. La nécessité de relancer sa demande intérieure et sa production industrielle après la pandémie, ainsi que la transformation du modèle énergétique par le remplacement du charbon, feront tout pour mener sa position de client majeur. La stratégie OBOR atteint le port d'Algésiras, mais aussi l'Algérie.  

Du point de vue de l'Union européenne, il convient d'ajouter que l'augmentation de la demande n'a pas été suivie par l'offre, et que les pays d'Europe du Nord ont subi des restrictions à l'approvisionnement en gaz en provenance de Russie. Dans ce contexte, il est compréhensible que la France ait qualifié sa capacité nucléaire d'"énergie verte", une décision qui exprime l'énorme fossé entre le récit idéologique du changement climatique et les besoins réels.

L'Espagne est un pays riche en ressources pour l'exploitation des énergies renouvelables, un secteur qui représente 1% du PIB. L'aspiration à la neutralité énergétique ne peut être le résultat d'un récit idéologique, mais d'une capacité crédible et d'une planification stratégique réaliste. La dépendance énergétique vis-à-vis du monde extérieur est un fait et cela implique de s'attaquer aux réformes, de développer des technologies et d'établir des mesures pour protéger nos intérêts souverains.