Lettre ouverte à la ministre de la Défense, Margarita Robles, la tranquillité qui donne le change

Margarita Robles n'est pas affiliée au PSOE, mais a participé à la campagne pour les élections générales de juillet 2023 en figurant sur la liste des candidats à la députation pour Madrid - PHOTO/PSOE

Votre Excellence Madame la magistrate et ministre de la Défense, numéro un de la carrière judiciaire dans la 27e promotion des juges et procureurs et titulaire depuis juin 2018 du portefeuille qui englobe les forces armées de l'Espagne. 

  1. L'occasion perdue 
  2. Éviter la presse pour ne pas donner son point de vue 

Je vous écris cette lettre en raison de l'immense douleur que je ressens lorsque je réalise que vous acceptez et soutenez les termes du pompeusement nommé Projet de loi organique d'amnistie pour la normalisation institutionnelle, politique et sociale de la Catalogne, qui a été approuvé par la session plénière du Congrès le 14 mars dernier. 

Les apparitions de Margarita Robles dans les commissions de défense du Congrès et du Sénat sont très rares, par rapport à ce qui se passe dans d'autres pays, par exemple en France - PHOTO/Congreso Diputados

Une haute réglementation étatique qui, au point 1 de ses articles, stipule que "sont amnistiés les actes de responsabilité pénale, administrative ou comptable réalisés dans le cadre des consultations menées en Catalogne (...) et les actions dans le contexte du soi-disant processus d'indépendance catalane".

Un texte qui protège comme amnistiées les actions "même si elles ne sont pas liées aux consultations susmentionnées ou si elles ont été réalisées après leur célébration respective (...) dans l'intention de revendiquer, promouvoir ou obtenir la sécession ou l'indépendance de la Catalogne, ainsi que celles qui ont contribué à la réalisation de ces objectifs". Un bel exemple de l'égalité des Espagnols devant la loi. Il ne reste plus qu'à ajouter... et deux oeufs à la coque !!!! 

Ces derniers mois, elle a évité les rencontres avec les journalistes qui suivent les questions de défense afin de ne pas répondre à leurs questions sur la loi d'amnistie - PHOTO/MDE Rubén Somonte

L'occasion perdue 

Il y a quelques mois, j'ai voulu croire que vous n'alliez pas vivre le Horcas Caudinas de rester dans un gouvernement qui cautionne "la finalisation de l'exécution des sentences et des processus judiciaires qui affectent toutes les personnes, sans exception, qui ont participé au processus d'indépendance".  

Innocent de ma part, j'en suis venu à penser que vous alliez profiter du départ de l'exécutif de la première vice-présidente et ministre de l'Économie, Nadia Calviño, qui a quitté le gouvernement à la fin du mois de décembre pour occuper le poste de présidente de la Banque européenne d'investissement. Vous aviez alors une occasion en or de ne pas avoir à baisser la tête face à l'outrage qui se produisait et dont vous aviez une connaissance directe. 

Lors d'événements officiels et à chaque fois qu'elle s'approche d'un micro, elle répète à l'envi "Je suis fière des Forces armées", un soniquete apprécié, mais déjà plus qu'amorti - PHOTO/MDE

En tant que haut fonctionnaire, versé dans le droit, ayant été juge à la Cour suprême et membre du Conseil général du pouvoir judiciaire, j'ai supposé que votre honneur personnel et votre prestige professionnel, dont vous vous targuez tant, l'emporteraient. Accompagner Nadia Calviño dans son départ du cabinet était pour elle une grande opportunité de quitter le ministère de la Défense par la grande porte et d'éviter d'être complice de la dégradation de la politique espagnole promue par le gouvernement auquel elle appartient. 

Mais je me suis trompé dans mon évaluation. Je crains que la récompense que vous espérez obtenir de la part du président Sánchez et le maintien de votre profil public déjà en demi-teinte n'aient été plus importants. Vous l'avez d'ailleurs fait savoir le 13 mars, lors de la séance de contrôle du gouvernement au Congrès. À la question d'un député qui voulait connaître votre opinion sur la loi d'amnistie un jour avant son adoption, vous avez répondu que vous étiez "fier de faire partie du gouvernement", ce qui, sans répondre à la question, résumait le camp dans lequel vous vous trouviez. 

Dans l'affaire des écoutes du CNI, il a d'abord défendu Paz Esteban puis l'a laissée aux pieds des chevaux.  Sur la photo, Paz Esteban, Robles et Esperanza Casteleiro, lors de l'inauguration de cette dernière - PHOTO/MDE Rubén Somonte

Éviter la presse pour ne pas donner son point de vue 

J'ai pu constater qu'au cours des cinq derniers mois, vous avez évité de rencontrer les journalistes qui suivent les questions de défense. La raison ne pouvait être que d'éviter les questions et surtout les réponses. Vous avez préféré fuir plutôt que de donner votre avis sur la loi d'amnistie, que vous avez contournée par tous les moyens à votre disposition, en vous couvrant d'un demi-sourire tiède et de votre cohorte de proches collaborateurs.   

Vous, Excellence, pour quatre mots que vous prononcez, trois sont pour dire "je suis fier des forces armées". Il est évident que les militaires qui vous écouteront seront satisfaits. Mais à tout le moins, lassés. C'est un refrain fatigué que vous répétez chaque fois que vous prenez la parole lors d'un événement officiel, lorsque vous êtes approché par un micro de radio ou de télévision, ou lors des rares occasions où vous vous présentez devant les commissions de la défense du Congrès ou du Sénat. 

Le 13 mars, en réponse à une question d'un député, elle a répondu qu'elle était "fière de faire partie du gouvernement" - PHOTO/PSOE

Vous avez déjà souligné vos priorités lorsque vous avez laissé le secrétaire d'État et directeur du Centre national de renseignement, Paz Esteban, aux pieds des séparatistes catalans. C'était à l'occasion de la mise sur écoute autorisée des séparatistes qui auraient voulu porter atteinte à l'ordre constitutionnel. Quelques heures plus tôt, vous aviez défendu Paz Esteban, que je ne connais pas. Puis vous l'avez sacrifiée à deux reprises, la seconde fois lorsqu'elle a été contrainte d'afficher un léger sourire le jour de son remplacement en mai 2022.    

Je vous rappelle que, comme vous le savez, il y aura un jour où Pedro Sánchez cessera d'être président du gouvernement et où ses ministres actuels quitteront leurs postes respectifs. Mais votre déshonneur politique, celui de tous, du premier au dernier... restera.