Plus qu'un parent, Haitham El Zobaidi, notre ancrage et notre boussole
Haitham, l'icône de notre famille, nous a quittés après un long et acharné combat contre une maladie impitoyable. Il l'a supportée avec la dignité sereine d'un croyant, ferme et sans se plaindre, sans jamais laisser ceux qui l'entouraient entrevoir le poids de sa souffrance. Avec la grâce qui le caractérisait, il a caché sa douleur à tous, sauf à quelques amis de confiance, déterminé à ne pas accabler ni alarmer ses proches. Même dans ses moments les plus vulnérables, Haitham ne cherchait pas la compassion, mais évitait d'inquiéter les autres.
J'ai connu Haitham toute sa vie, depuis son enfance, son adolescence et son âge adulte. Et pourtant, les mots me manquent pour décrire toute son ampleur. Dans notre famille, il était non seulement admiré, mais vénéré. Une présence exceptionnelle, la voix du calme et du discernement dans les moments de discorde, une force silencieuse qui nous unissait. Sa présence à toute réunion lui conférait une aura de sérénité et de sagesse. Il était plus qu'un parent, il était notre boussole. De son vivant, il a forgé notre unité ; dans la mort, il laisse un silence que seuls le souvenir et la prière peuvent tenter de combler.
La générosité de Haitham était sans limite. Il donnait instinctivement, sans prétextes ni excuses, et ne s'arrêtait jamais pour se demander si sa générosité serait reconnue. Son soutien s'étendait aussi bien à ses amis qu'aux inconnus ; pour lui, tous méritaient la même attention. Je me souviens de son ami intime et collègue, M. Karam Nama, qui a un jour parfaitement saisi son essence : « Haitham travaillait d'une main, tandis que de l'autre, il nourrissait les autres ». Cette image, simple mais profonde, en dit long sur l'essence même de sa personne : attentif aux besoins des autres, généreux sans compter, se mettant toujours en retrait.
Dès son plus jeune âge, il s'est distingué par son intelligence, sa perspicacité et une longueur d'avance sur ses camarades. Il impressionnait autant ses professeurs que ses camarades par la clarté de son esprit, la profondeur de sa compréhension et la confiance sereine qui accompagnait sa pensée. Cette promesse précoce n'a fait que croître, à mesure que l'enfant surdoué devenait un penseur et un leader émérite.
L'une des choses qui m'a toujours impressionné était son amour profond pour le Maroc, son peuple, son patrimoine, sa vie intellectuelle. Il en parlait non pas comme un étranger, mais comme quelqu'un qui en comprenait la profondeur. Il admirait l'ouverture et la richesse de la culture marocaine, sa place durable dans la pensée arabe et son esprit fier mais ouvert sur le monde. Pour lui, le Maroc offrait un modèle d'équilibre entre enracinement et modernité, tradition et ouverture.
Même lorsque la maladie a progressé, nous sommes restés en contact régulier. Chaque fois que je lui demandais de lui rendre visite, il souriait et répondait avec douceur : « Bientôt, si Dieu le veut... après la fin du traitement ». Toujours plein d'espoir, toujours protégeant les autres de la vérité de sa douleur. Son cœur était immense, son esprit lumineux, son moral inébranlable. Quel genre d'homme peut supporter autant de souffrances avec autant de dignité ? Il n'a jamais laissé la maladie le définir. Il est resté, jusqu'à la fin, lucide, aimable et serein.
Je l'ai vu pour la dernière fois en octobre dernier, pendant une brève période de stabilité. Dix jours que je chéris aujourd'hui. Nous avons parlé des moments marquants de la vie, partagé des réflexions profondes et ri, oui, même ri. Bien qu'affaibli, il ne s'est pas plaint une seule fois. Lorsque je l'ai encouragé à se reposer, il a répondu avec sérénité et assurance : « Je ne me fais pas d'illusions. Je sais à quoi je suis confronté. Mais je le combats en travaillant ». Fidèle à sa parole, il a continué à se lever à 5 heures du matin, à passer des appels internationaux, à lire, à écrire, à réfléchir.
Nous avons longuement discuté des bouleversements dans la région, de l'état de la culture arabe et de sa conviction profonde qu'elle avait encore beaucoup à offrir. Pour lui, le travail était une forme de résistance silencieuse. Même dans les conversations sérieuses, son humour ironique ne le quittait jamais. C'était la marque d'une âme généreuse et sincère.
Je lui ai demandé un jour s'il avait abandonné son ancien passe-temps, la collection de timbres, sous le poids de la vie. Il a souri profondément, comme s'il venait de découvrir quelque chose de précieux. « Non, a-t-il répondu, je n'ai pas oublié. Cela vit toujours en moi. » Puis, sans un mot, il s'est levé et nous a guidés à travers ses archives privées. Album après album, classés par ordre chronologique, méticuleusement sélectionnés. Il s'est arrêté sur plusieurs d'entre eux, racontant les histoires derrière des timbres spécifiques comme s'il s'agissait d'histoires vivantes. Ce qu'il nous a montré ce jour-là n'était pas une collection : c'était la mémoire, l'intelligence, la curiosité et l'attention rendues visibles.
Il a également parlé de son admiration pour le Dr Amer Hassan Ali, le médecin qu'il avait rencontré à l'hôpital. Il m'avait déjà raconté cette histoire, mais cette fois-ci, il l'a partagée plus en détail. Une histoire pleine de grâce et de gratitude, qui pourrait à elle seule inspirer un roman.
Haitham incarnait véritablement les valeurs du dialogue et de la compréhension. Il n'a jamais considéré la différence comme une menace, mais comme une occasion de rencontre, d'échange et d'enrichissement.
Il n'a pas été une présence éphémère dans nos vies. Il a laissé une empreinte, un héritage. Aujourd'hui, nous le pleurons avec des mots, mais il reste vivant dans nos pensées, dans son œuvre et dans l'amour qu'il nous a si généreusement donné.
Il croyait en un journalisme qui jette des ponts entre l'Orient et l'Occident, entre la culture arabe et le monde. Il a cherché à créer des espaces de dialogue en lançant des plateformes multilingues en arabe, anglais, espagnol et turc, non seulement comme moyens de communication, mais aussi comme réservoirs de connaissances, fenêtres sur le monde arabe présentées avec dignité et profondeur. Pour Haitham, la représentation n'était pas un slogan. C'était une responsabilité.
Il a été un pionnier de la transformation numérique dans les médias arabes. En 2000, bien avant que l'internet ne fasse partie de la vie quotidienne dans la région, il a lancé Middle East Online (MEO) en arabe et en anglais. Ce fut l'un des premiers projets numériques arabes indépendants et il a jeté les bases d'une nouvelle ère de journalisme arabe ouvert et doté d'une vision globale.
Au cœur de cette vision se trouvait Al Arab, le journal qu'il a contribué à revitaliser en collaboration avec son ami et collègue de longue date, le journaliste Mohamed El Houni. Ensemble, ils ont créé une plateforme fondée sur le professionnalisme, la clarté et la sophistication culturelle. Sous la direction de Haitham, Al Arab est devenu l'une des premières voix arabes à l'étranger à s'exprimer avec raison, à expliquer sans excuses et à présenter les problèmes arabes avec passion et assurance.
Le Dr Haitham a également donné de nombreuses conférences sur l'importance de la transformation numérique au XXIe siècle dans divers forums culturels et médiatiques. Il a exhorté à rester à la page, non seulement sur le plan technologique, mais aussi sur les plans intellectuel et institutionnel, convaincu que ceux qui possèdent les outils modernes d'expression ont également le pouvoir d'influencer et de façonner le changement.
Haitham a toujours pensé de manière innovante. Il a examiné les événements non seulement dans une perspective actuelle, mais avec une vision qui transcendait le moment présent. Il a anticipé les résultats de manière peu conventionnelle, en observant les événements sous des angles que peu de gens auraient envisagés. Il a combiné des outils d'analyse avancés, une pensée critique, une logique d'ingénieur, une perspective de physicien, la perspicacité d'un historien et une connaissance approfondie du contexte culturel complexe de la région. Il déconstruisait les complexités avec une clarté méthodique, ne se contentant jamais de la surface, plongeant toujours dans les profondeurs pour rechercher le vrai sens des événements.
Et ainsi, dans un moment de calme solennel, où les grands esprits reposent, le corps du Dr Haitham El Zobaidi a été enterré dans sa dernière demeure. Mais il n'a pas quitté nos souvenirs ni nos cœurs. Par la volonté divine, un olivier a poussé près de sa tombe, ce qui est improbable dans cette région. Ce n'était pas un accident botanique fortuit, mais un symbole impossible à ignorer : un olivier solitaire à cet endroit, mais dont la présence était profonde. Comme s'il avait poussé pour transmettre un message : ici repose un homme qui a vécu pour la paix, qui a consacré son esprit à l'amour et dont l'héritage transcende les frontières, les langues et les cultures.
D'innombrables souvenirs restent gravés dans nos cœurs, et des dizaines d'actes et de moments nobles que nul texte ne saurait contenir restent gravés dans nos esprits. Car Haitham n'a pas été une présence éphémère dans nos vies, il a laissé une empreinte, une marque. Nous le pleurons aujourd'hui avec des mots, mais il reste en nous, dans notre esprit, dans nos pensées et dans tout ce qu'il nous a donné.
Adieu, Haitham, toi qui nous as appris que les plus grands ne partent jamais, car leur héritage perdure.
Le Dr Khairi El Zobaidi est rédacteur en chef de l'Arab World English Journal.