Le Président Saïed livre la Tunisie au “Pouvoir” algérien
En accueillant officiellement le leader des séparatistes Polisario, Brahim Ghali, qui est accusé d’être à la solde d’Alger, le président tunisien, Kaïs Saïed, a franchi la ligne rouge avec le Maroc, une nation qui considère la question du Sahara occidental comme une cause nationale sacrée.
Le Maroc a rappelé son ambassadeur en Tunisie le vendredi 25 août 2022, après que le président tunisien Kaïs Saïed ait reçu le chef du Polisario, un groupe séparatiste soutenu par l'Algérie qui cherche désespérément à obtenir l'indépendance du Sahara occidental, un territoire sur lequel le Maroc règne depuis dix siècles et qu'il considère comme sien depuis sa libération du colonialisme espagnol en 1975.
Le Maroc a déclaré que la décision de la Tunisie d'inviter Brahim Ghali (qui est accusé par des particuliers et des ONG de viol, de crimes contre l'humanité et d'être le cerveau derrière l'assassinat de dizaines de pêcheurs espagnols dans les mers des îles Canaries dans les années 1980) à un sommet japonais sur le développement de l'Afrique que Tunis accueille ce week-end, était "un acte grave et sans précédent qui blesse profondément les sentiments du peuple marocain". Le tollé et les réactions des Marocains partout dans le monde ont été énormes et très fortes : des milliers de personnes ont utilisé les plateformes de médias sociaux pour dénoncer le geste inamical d'une nation par ailleurs amicale, liée au Maroc par de forts liens historiques, politiques et culturels.
La question du Sahara occidental est un sujet très sensible pour les Marocains et une question de vie ou de mort pour la plupart d'entre eux. La majorité d'entre eux considèrent qu'elle fait partie de leur tissu national et de leur histoire et qu'elle est le prisme à travers lequel ils considèrent et évaluent leur relation avec le monde extérieur.
Ce qui explique la colère des Marocains, tant du gouvernement que de l'opinion publique, c'est que le geste du président Kaïs Saïed n'est pas un événement isolé ni une gaffe diplomatique accidentelle, mais un point culminant de ce qu'ils considèrent comme des gestes inamicaux depuis son arrivée au pouvoir en 2019. En s'emparant des médias sociaux, les Marocains affirment à juste titre que le Maroc a pris des initiatives sérieuses et sincères pour renforcer la coopération avec la Tunisie dans divers domaines, notamment les messages adressés par le roi Mohammed VI, au président tunisien dans le but de promouvoir les relations bilatérales et de construire l'Union du Maghreb arabe.
Les Marocains évoquent également la manière dont le roi du Maroc s'était rendu en Tunisie en 2016, au lendemain des attaques terroristes contre un musée et une plage dans ce pays d'Afrique du Nord, attaques qui ont mis à genoux le secteur du tourisme, l'un des piliers de l'économie tunisienne. Le roi a fait preuve d'une réelle solidarité avec le gouvernement et le peuple tunisiens. Il a parcouru à pied les rues de Tunis et a pris des photos avec des citoyens ordinaires afin d'envoyer au monde entier le message que la Tunisie était sûre.
D'autres ont dit que le Roi a adressé une invitation au président tunisien à visiter le Maroc, lors de l'appel téléphonique qui a eu lieu entre les dirigeants des deux pays, le 16 janvier 2020, mais cette invitation est restée sans réponse jusqu'à présent. Lorsque la Tunisie avait connu une recrudescence des cas de Covid-19 au cours de l'été 2021, le Maroc a rapidement envoyé des fournitures médicales le 13 juillet 2021 pour aider à soulager la crise.
Malgré tous ces gestes de bonne volonté de la part du Maroc, les Marocains, qui se sont exprimés sur Twitter, Facebook et Instagram, ont noté avec consternation comment, ces dernières années, la Tunisie a émis une série de signaux négatifs et d'attitudes inamicales envers le Royaume du Maroc. Le président tunisien a mis un terme à tous les aspects de la coopération avec le Maroc. L'interaction officielle avec le Maroc a été réduite de façon drastique : aucune visite de ministres ou de fonctionnaires du gouvernement pour des réunions bilatérales ou des événements multilatéraux organisés au Maroc. D'autre part, les Marocains constatent avec consternation une intensification des mouvements officiels dans les deux sens entre Tunis et Alger.
Les Marocains ont été choqués l'année dernière, lorsque la Tunisie a adopté, le 29 octobre 2021, une position négative et inamicale au Conseil de sécurité lors du vote de la résolution n° 2602 sur le Sahara marocain. La position tunisienne, qui contredit la position historique de la Tunisie depuis le début de ce conflit, a été surprenante non seulement pour le Maroc, mais aussi pour la voix arabe au Conseil de sécurité de l'ONU.
Le Gouvernement marocain, les partis politiques marocains et l'opinion publique en général, considèrent que l'invitation et la réception officielle par le président tunisien du leader séparatiste, à l'occasion de l'accueil par la Tunisie du Forum de coopération Japon-Afrique (TICAD), malgré l'objection du Japon, constituent une violation manifeste des processus de préparation et des règles établies, et un acte hostile qui porte atteinte aux relations fortes et solides qui ont toujours lié les peuples marocain et tunisien, normalement unis par une histoire et un destin communs.
Qu'est-ce qui explique l'attitude froide et les gestes inamicaux du président tunisien à l'égard du Maroc ? La plupart des observateurs savent qu'il est sous le charme du régime algérien, dirige par une junte connu sous le nom français de "pouvoir" : une oligarchie de généraux et de fonctionnaires octogénaires qui étouffent la liberté d'expression et de protestation en Algérie, s'engagent dans des marchés "lucratifs" d'armes et de pétrole et tentent d'acheter "l'amitié" des nations frontalières dans le seul but d'isoler son rival de longue date et ennemi juré, le Royaume du Maroc.
Les succès économiques, politiques et diplomatiques du Maroc sont une source d'anxiété, de douleur, de colère, de jalousie, d'envie, de frustration et de courroux parmi ce club corrompu d'oligarques algériens. L'Agence de presse algérienne passe 80 % de son temps à fabriquer des contrevérités sur le Maroc ; les professeurs d'université se sont vus interdire de traiter avec leurs homologues des universités marocaines ; les frontières terrestres sont fermées depuis 1994. L'année dernière, sans crier gare, l'Algérie a coupé ses relations avec le Maroc et a interdit aux avions de ce dernier d'utiliser son espace aérien, en violation des lois internationales sur l'aviation civile. Elle a également suspendu le gazoduc qui passe par le Maroc et qui approvisionne l'Espagne et l'Europe en cette source d'énergie dont elles ont tant besoin. Les oligarques algériens sont prêts à « arsenaliser » le gaz et l'espace aérien et à renoncer aux intérêts du peuple algérien juste pour créer des nuisances au Maroc. Cet été, ils ont préféré que les incendies continuent de brûler les forêts et les maisons algériennes plutôt que de demander de l'aide au Maroc et à l'Espagne, qui possèdent des avions spécialisés dans l'extinction des incendies.
L'armée algérienne emploie des centaines de blogueurs dont le devoir est de diffuser des fake news sur le Maroc. L'ex-ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel avait déclaré, en janvier 2018, que les succès de la compagnie aérienne nationale marocaine (Royal Air Maroc) en Afrique sont dus à son transport de drogue. Le monde entier s'est moqué de lui, mais sa fausse déclaration montre jusqu'où même de hauts responsables, y compris le président Tebboune lui-même, peuvent aller pour vilipender le Maroc. Le complexe national de l'Algérie semble être le Maroc. Il frise l'hystérie nationale et la pathologie collective, surtout au sein de l'élite qui est à la merci des généraux de l'armée.
Il est clair que la Tunisie, affaiblie par la révolution, les attaques terroristes, les conflits politiques et une élite politique inefficace, a fait preuve ces dernières années d'une certaine indulgence à l'égard de l'Algérie et d'un parti pris en faveur de ses vues sur les questions régionales ; ce changement s'est produit tantôt à la suite de pressions et de chantages, tantôt en utilisant l'appât de l'aide financière d'Alger. Le président tunisien a besoin de toute l'aide qu'il peut obtenir pour réaliser son ambition de transformer son régime en une autocratie populiste, comme le montre la Constitution qui vient d'être adoptée et qui donne au président de larges pouvoirs et rend les institutions démocratiquement élues non pertinentes et inutiles.
L'Algérie a accepté de doter la Tunisie d’un prêt à long terme de 300 millions de dollars lors de la visite du président Tebboune à Tunis en décembre 2021. L'Algérie tente d'exploiter la situation politique, économique et sécuritaire de la Tunisie pour entraîner cette dernière dans son orbite, dans une tentative désespérée d'isoler le Maroc de son environnement régional. La signature de la "Déclaration de Carthage" par les présidents algérien et tunisien constitue une étape vers l'enterrement de tout espoir de relance de l'Union du Maghreb arabe. L'Algérie souhaite établir un cadre régional alternatif sans le Royaume du Maroc. Le Pouvoir d'Alger tente d'exploiter la position politique difficile du président tunisien Kaïs Saïed, tant sur le plan intérieur qu'international, en le couvrant de multiples mécanismes d'aide financière, énergétique et humanitaire, dans le but de renforcer l'influence du Pouvoir en Tunisie.
Même en ce qui concerne la crise libyenne, la Tunisie s'est conformée ces dernières années à la position de l'Algérie qui consiste à trouver unilatéralement une solution en Libye en essayant de créer un cadre qui n'inclut que les pays voisins directs de la Libye sans le Maroc. L'intention, bien sûr, a été de saper les efforts sincères du Maroc en Libye et le mécanisme des conférences de Skhirate.
Les stratagèmes, jeux et agitations de l'Algérie sont communs et connus de tous en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient. La Tunisie avait eu toute une histoire de chantage algérien depuis les années soixante. Mais elle a appris à tenir ces desseins à distance tout en cultivant de bonnes relations avec des pays plus modérés et internationalement responsables comme le Maroc, l'Egypte, la Jordanie, l'Arabie Saoudite, les EAU et d'autres. Fidèle à sa tendance putschiste, et en flirtant avec le séparatisme, le président Essaïd livre la Tunisie indépendante sur un plateau d'argent au Pouvoir algérien. Je suis sûr que les Tunisiens n'aiment pas cela. Mais quand ils feront quelque chose à ce sujet, j'espère qu'il ne sera pas trop tard.