Les leçons des victoires du Maroc à la Coupe du monde au Qatar 

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Quelles leçons les Marocains, les Arabes et les Africains doivent-ils tirer des succès de l'équipe nationale marocaine ? Cette question part du fait que le football n'est pas seulement un sport, mais aussi une question sociale aux dimensions politiques et culturelles profondes, dont l'examen et l'analyse peuvent nous aider à comprendre la réalité actuelle et à agir en conséquence.

La base pour briller dans le sport est , bien sûr, la capacité technique, la compétence athlétique et la forme physique. Sans elles, il ne peut y être question d'aptitude au travail d'équipe, ni de culture de "la niyya" ou du "rida parental", les notions cultureelles phares l'entraîneur marocain Walid Regragui. L'équipe nationale marocaine, qui est composée d'éléments qui jouent à l'étranger comme dans le pays, a de l'expérience, de la sophistication et du professionnalisme ; néanmoins, les compétences techniques seules ne suffisent pas. Le travail acharné, l'entraînement, la concentration, la persévérance et un mode de vie rigoureux sont également importants pour rester en forme.

Toutes ces choses constituent la base de la pyramide sans laquelle il n'est pas possible de passer aux niveaux supérieurs. L'entraîneur marocain Regragui a souligné que la technique à elle seule ne suffit pas si elle n’affecte pas le résultat final. Vous pouvez prendre possession du ballon et faire montre de nombreuses prouesses artistiques, mais ce qui compte sont les résultats. L'art pour l'art n’est pas acceptable auprès de l'équipe de Regragui. Il n'y a pas d'art à posséder le ballon sans marquer de but, tout comme il ne servait à rien de faire de la rhétorique en politique à l'heure de l'élan nationaliste arabe, si cela n'était pas couronné de victoires et de réalisations sur le terrain.

En revanche, ce que l'entraîneur et l'ensemble de l'équipe de football ont démontré, c'est que les compétences techniques nécessitent également des compétences en matière de travail d'équipe. Le dribble individuel est inutile, sauf pour sa contribution aux efforts de l’équipe. La condition physique et l’art de garder les adversaires dangereux sont également nécessaires pour soutenir la capacité de l’équipe à défendre et à contre-attaquer ; le travail d’équipe donne plus de force et d'efficacité aux compétences individuelles. Le débat charismatique, qui a occupé une grande partie de la pensée politique et des pratiques de gouvernance en Afrique et dans le monde arabe pendant des décennies, s'est davantage concentré sur le génie individuel solitaire que sur l'action collective pour atteindre des objectifs sociaux et politiques collectifs. Dans ce contexte, le changement n'est pas seulement souhaitable, mais essentiel pour obtenir le décollage souhaité. La leçon des Marocains au Qatar est on ne peut plus clair : le travail d’équipe finit toujours par payer.

En outre, Regragui et les joueurs marocains au Qatar ont une foi inébranlable et une nouvelle philosophie de l'impossible tirée de la culture marocaine et arabe authentiques. La foi est la foi en soi, la foi en l'équipe et la foi en la patrie, le tout dans le cadre d'un sentiment religieux profond représenté par la gratitude envers le Créateur et l'humilité devant Lui. Cette croyance complexe en la capacité de l'individu à faire face aux difficultés multiplie énormément les capacités collectives, ce qui a contribué à l'éclat du Maroc et des joueurs marocains au Qatar.

Rapprocher la réalité d'un rêve doit commencer par une forte croyance en soi, dans la société, dans le pays, et dans la capacité à remercier Dieu pour ses bienfaits. Ces bénédictions récompensent le serviteur persévérant et sincère dans son travail. C'est ce que l'Islam avait édicté il y a quatorze siècles, bien avant le concept de Beruf de Max Weber, une forme  «d’appel» ou «vocation» qui fait référence à la pratique de la maîtrise de soi systématique dans la poursuite d'objectifs constants chez les protestants fondateurs du capitalisme, selon le sociologue Allemand.

Pour les Marocains, "niyya" signifie que le travail n'est pas correct, aussi parfait soit-il, s'il n'est pas accompagné de "l'exécution de l'intention" ("dir niyya", disent-ils). Cet aspect spirituel est essentiel pour donner un sens plus profond à l'expérience humaine.

Quant au « rida des parents", elle est la bénédiction de ceux-ci pour ce que font les enfants et leur prière pour leur réussite. C'est-à-dire leur capacité à être l'objet de la satisfaction des parents. Le secret ne réside pas dans l'obtention de la satisfaction, mais dans la disposition psychologique à y croire, à agir en conséquence et à se consacrer à l'obtenir et à en prendre soin. Il s'agit d’une notion psychologique et culturelle complexe qui requiert la volonté des parents d'exprimer leur satisfaction et la volonté des enfants de faire de cette satisfaction un phare pour eux dans leur travail et leur vie.

En guise de conclusion, les réalisations des héros marocains au Qatar nous incitent à réfléchir aux leçons à tirer de cette belle histoire. La leçon de base est que l'impossible n'est ni arabe ni africain s'il y a de la volonté, si une vision claire se précise chez tout le monde, si l'intérêt du groupe prime sur celui des individus, et si la croyance devient forte dans la capacité des individus et des groupes à créer des surprises et des grandes réalisations.

La dimension culturelle est essentielle. Parce que c'est la base sur laquelle les nations productives construisent le travail qui est susceptible de dépasser le sous-développement, vaincre la dépendance et sortir de la pauvreté. La gloire et le succès au foot comme dans n’importe quel domaine ouvre le bal pour d’autres exemples de rayonnement. L’épopée de l’espoir est irréversiblement généreuse et prometteuse.

Article publié originellement dans Asharq al-Awsat