Être Européens, être citoyens

European Parliament

Il y a un peu plus de deux ans, j'ai eu la chance d'être le rapporteur du rapport du Parlement européen sur l'application des dispositions du traité relatives à la citoyenneté de l'Union. En le rédigeant, j'étais particulièrement conscient que la citoyenneté européenne est l'un des textes législatifs les plus importants adoptés après la création de l'Union.

Comprenons toutefois que peu de décennies se sont écoulées depuis l'adoption de la citoyenneté européenne - en 1992 - et son entrée en vigueur. L'Union a été créée après la Seconde Guerre mondiale pour garantir la paix et bénéficier de la richesse économique d'un marché plus ouvert, pour avoir la masse pour commercer avec les autres, mais la liberté de circulation, la liberté de pouvoir étudier, de vivre dans toute l'Union, n'est pas quelque chose d'aussi simple que de déplacer une marchandise.

Nous avons des droits de citoyenneté européenne associés à la citoyenneté de nos États membres, et cela nous donne un certain nombre de droits électoraux supplémentaires, des droits consulaires, entre autres droits directs, mais la mise en œuvre pratique montre des déficits. C'est pour cette raison que j'ai considéré que la grande question est d'achever le succès de la citoyenneté européenne en la plaçant - avec ses droits - au cœur du système politique.

Dans le rapport, nous avons adopté comme germe pour l'avenir la proposition de compilation du droit dérivé, afin de voir les trous dans le modèle actuel et d'élaborer un statut de la citoyenneté de l'Union qui fournirait au citoyen les outils et les connaissances nécessaires pour se placer au centre. Le statut reviendrait à rassembler dans un seul texte les droits spécifiques des citoyens et les libertés fondamentales consacrés par les différentes règles et la jurisprudence de l'UE.

Lorsque le rapport a été adopté, nous approchions de la fin de la précédente législature. Depuis lors, nous avons dû faire face à la situation existentielle la plus critique depuis le début du projet européen, et le fait est que nous avons su dans notre propre chair ce que la non-Europe aurait signifié. Ce que cela aurait signifié de nous affronter comme des bateaux à la dérive dans une terrible tempête océanique. D'une manière générale, nous nous en sortons parce que les mécanismes de liquidité du système, de soutien mutuel et de vaccins ont été mis en place de manière commune.

Les temps que nous vivons, certes, ont apporté du chagrin, notamment pour les centaines de milliers d'Européens qui sont morts, mais ils ont aussi servi à montrer une force qui était jusqu'à présent dans l'ombre des succès économiques de l'Union. Cette force a été de montrer qu'elle a la capacité de protéger les citoyens et de proposer des solutions fondées sur la solidarité et de faire passer l'intérêt commun européen avant tout autre.

C'est le moment de continuer à tirer sur ce fil et de présenter aux citoyens des arguments convaincants en faveur de l'adoption et de l'amélioration de ce que nous avons. 

En 2019, j'ai parlé aux collègues de la commission des affaires constitutionnelles des enfants d'aujourd'hui. Je les ai encouragés à penser que le costume réussi de la citoyenneté européenne d'aujourd'hui serait petit au moment où ils seraient grands. Qu'il ne s'agissait pas de nous, mais d'eux. Nous savons qu'il y a des trous dans ce panier et nous avons une chance d'empêcher ce que nous avons réalisé de s'y glisser. La Conférence sur l'avenir de l'Europe est en cours et, à l'instar d'un festival d'été, elle offre de nombreuses scènes aux citoyens européens, notamment aux plus jeunes, pour contribuer et s'exprimer. 

C'est la première grande occasion de faire avancer la recommandation faite dans le rapport sur la citoyenneté et de demander que le statut devienne une réalité. L'article 25 du TFUE constitue le cadre pour la mise en œuvre d'initiatives concrètes et la consolidation des droits et libertés spécifiques détenus par le citoyen, et aucune réforme majeure n'est nécessaire pour l'élaborer.

La loi n'est pas en phase avec la réalité. Il y a des lacunes, il y a des déficits et il est nécessaire de donner une portée réelle à certaines de ces libertés.

Je fais référence, par exemple, à la nécessité de réfléchir au droit de vote et d'éligibilité des citoyens aux élections européennes et municipales. Il est crucial que leur valeur soit correctement comprise si nous voulons des démocraties saines et solides. Il est nécessaire que les personnes déplacées ne soient pas privées du droit de vote parce que des obstacles bureaucratiques les empêchent d'exercer leur droit de vote, ou le rendent pratiquement impossible, comme cela a été détecté.

Il est également important d'intégrer de nouveaux moyens d'exercer une citoyenneté active, la politique, qui est la clé pour construire des sociétés beaucoup plus inclusives, plus prospères, plus responsables, avec moins de risque de tentation de populisme excluant. Les idéologies nationalistes et populistes ne sont jamais inoffensives, parce qu'elles empoisonnent le véritable noyau des démocraties : nos esprits, parce qu'elles rendent de plus en plus difficile la gestion des désaccords, qui est la façon de faire face aux défis et de générer des espaces publics où des réponses et des accords acceptés par de larges majorités sont possibles. Et parce que le dogmatisme politique excluant conduit toujours à une réduction des droits, à la discrimination et aux préjugés.

Notre responsabilité est de proposer des améliorations qui apportent également des solutions concrètes lorsqu'il s'agit de compléter ce que signifie la citoyenneté européenne. 

La liberté de circulation des personnes est consacrée, c'est vrai, mais elle présente des limites importantes dans son application ; il est temps de la compléter et de promouvoir des programmes européens qui nourrissent les possibilités de mobilité des jeunes. Il est également temps de résoudre les problèmes que pose notre société actuelle et qui ne sont pas couverts par la loi : la citoyenneté européenne numérique, le curriculum européen commun, etc.

Ce travail doit être effectué sans ambiguïté ni timidité. Un statut adapté à ce que la société européenne exige aujourd'hui peut être un moyen très efficace d'améliorer la qualité de nos systèmes démocratiques et de faire en sorte que ce soient les citoyens qui soient les gardiens de cette qualité. Il est également essentiel de renforcer nos institutions démocratiques afin que la corruption ne prenne pas racine dans les structures qui nous gouvernent et nous dirigent. Notre objectif doit être d'empêcher les États démocratiques de connaître une fragmentation et un recul du bien commun.

Maite Pagazaurtundúa, député européen.