L´arrêt de la Cour suprême : refuser la nationalité espagnole aux Sahraouis est une erreur historique
Il y a quelques jours, nous avons appris que le plénum de la chambre civile de la Cour suprême, selon l'arrêt 207/2020 du 29 mai 2020, a considéré que le Sahara occidental ne faisait pas partie de l'Espagne aux fins de la règle accordant la nationalité à tous les Sahraouis résidant sur le territoire du Sahara occidental jusqu'au départ de l'Espagne du territoire. Malgré le fait qu'il s'agissait d'une colonie convertie en province, numéro 53, par décret présidentiel du 10 janvier 1958, selon la législation alors en vigueur, le Sahara était à toutes fins utiles un territoire national, puisqu'il avait ce statut de province.
Cette décision a suscité une controverse autour de la question, tant par les parties concernées que par l'évaluation qui peut en être faite. Il convient de noter que l'arrêt a été soutenu par le vote individuel de trois juges en désaccord avec la Cour suprême, à savoir les juges Mme. M.ª Ángeles Parra Lucán, M. Antonio Salas Carceller et M. Rafael Sarazá Jimena. Cela signifie également que le Sahraoui qui s'est vu refuser la nationalité espagnole par la Cour suprême, après avoir été reconnu par le tribunal des îles Baléares, pourrait faire appel devant la Cour constitutionnelle et même devant la Cour de Strasbourg. Ces trois juges soutiennent que la loi de 1975 qui a légalisé le retrait de la métropole, et le décret de 1976 qui l'a sanctionné, ne peuvent être appliqués rétroactivement. Ce dernier décret donnait aux Sahraouis un an pour opter pour la nationalité espagnole. Mais cette mesure, selon le vote particulier, n'était pas valable, non seulement parce qu'elle était inapplicable sous l'administration marocaine (il est entendu qu'en raison des obstacles bureaucratiques que ces demandeurs pouvaient trouver dans le nouveau scénario), mais aussi parce qu'elle signifiait les priver de la citoyenneté pour une raison qui n'était pas prévue par le code civil de l'époque. Par conséquent, ces trois juges considèrent que le décret de 1976 ne devrait pas priver les Sahraouis d'une nationalité qu'ils avaient déjà.
À cet égard, dans le cas d'un recours en protection devant le Tribunal constitutionnel, ce dernier pourrait se fonder sur l'annulation des effets de la loi de 1975 précitée et du décret de 1976, en demandant leur annulation. Il ne faut pas oublier que le décret utilisé par la Cour suprême pour le non-attribution de la nationalité aux Sahraouis, se heurte à l'actuel article 11.2 de la Constitution actuelle, qui stipule qu'« aucun Espagnol d'origine ne peut être privé de sa nationalité ». En ce sens, le vote particulier de la juge Mme.M.ª Ángeles Parra Lucán dans son vote dit : « L'arrêt attaqué ne viole pas l'article 17.1.c) du CC et, au contraire, il procède à une interprétation du droit interne de la nationalité qui est conforme aux principes internationaux qui font partie de notre système (articles 10 et 96 CE) et qui reconnaissent le droit d'avoir une nationalité dès la naissance. L'arrêt attaqué repose également sur une interprétation unitaire souhaitable de l'ordre juridique, puisqu'il tient compte de la doctrine de la troisième chambre de ce Tribunal suprême qui, aux fins de la reconnaissance du droit d'opter pour la nationalité espagnole pour la période réduite d'un an de résidence pour les personnes nées sur le territoire espagnol, a établi à plusieurs reprises que les personnes nées au Sahara occidental lorsque celui-ci était sous autorité espagnole doivent être considérées comme étant nées sur le territoire espagnol ».
D'autres controverses sont également apparues à la suite de l'arrêt de la Cour. Il ne faut pas oublier qu'en 1975, lorsque l'Espagne a quitté le territoire, environ 75 000 personnes vivaient au Sahara occidental, qui avaient des cartes d'identité, des passeports espagnols et un livret de famille en cours de validité, et qui pouvaient prétendre à des postes de fonctionnaire dans l'administration et même au combat dans les rangs de l'armée. De même, ils ont eu leurs propres représentants dans les Cortes de Régime et ont même pu voter lors du référendum sur la loi organique de l'État de 1966. D'autre part, un nombre considérable d'entre eux avaient participé à la guerre civile et ont perdu la vie lors du concours.
Compte tenu de tout ce qui précède, on peut se demander quel message nous transmettons aux enfants ou descendants des Sahraouis nés sur le territoire, après que ce verdict soit connu, et l'image que l'Espagne donne à travers lui. Le sentiment d'impuissance que peuvent éprouver tous les fonctionnaires, militaires, policiers territoriaux, etc., et leurs familles respectives, qui ont servi sous le mandat des autorités espagnoles pendant la période coloniale espagnole pour le meilleur fonctionnement et le développement de la province alors reconvertie en Espagne.
(L'article 17.1.c) du Code civil reconnaît la qualité de « né en Espagne de parents étrangers, si tous deux n'ont pas de nationalité ou si la législation de l'un d'eux n'attribue pas de nationalité à l'enfant ». Ce statut devrait donc être appliqué d'autant plus à ceux des parents sahraouis espagnols. Comme le veut le cliché, les décisions des tribunaux doivent être respectées, surtout celles qui émanent de la Cour suprême. Mais cette phrase, outre qu'elle est surprenante, nous pouvons difficilement la partager et nous pourrions même mettre en doute sa moralité, car elle est déloyale envers ceux qui ont consacré leurs journées à travailler pour ce pays sous son administration.
S'il est vrai que, sous l'administration coloniale, ce sont les composantes du Front Polisario qui ont été les premières à rejeter la présence de l'Espagne et son attachement national, il est également vrai qu'après leur départ, ce sont elles qui ont été les plus intéressées à vouloir adopter la nationalité espagnole. Malgré le fait que, dans leurs déplacements hors des camps, ils le font avec des documents algériens.
Mais, au-delà de cela, à qui profite cette décision ? Partant du principe que généralement les arrêts profitent et nuisent, dans ce cas nous trouvons le paradoxe que cet arrêt de la Cour suprême a nui à tout le monde (c'est-à-dire à la population sahraouie) et n'a profité à personne. Il s'agit d'une des rares occasions où, dans le contexte de la question en cause, il y a eu une plus grande unanimité et un plus grand consensus au Sahara entre toutes les parties concernées par ce différend, aussi inconciliables soient-elles, car la décision a été rejetée par toutes les parties. En bref, cette décision n'est que préjudiciable aux Sahraouis, qu'ils vivent ou résident à l'endroit qu'ils décident aujourd'hui.
La situation devient particulièrement pénible lorsque le grief comparatif de l'Espagne par rapport aux autres peuples se présente. Un cas récent et paradigmatique est celui des Sépharades, les descendants des Juifs espagnols expulsés de la péninsule par les Rois Catholiques. En 2015 et après pas moins de cinq siècles, l'exécutif de Mariano Rajoy leur a rendu la nationalité espagnole en vertu d'une série de conditions difficiles à remplir compte tenu du temps écoulé, mais qui ont néanmoins été remplies. Au contraire, le cas sahraoui, beaucoup plus proche de nous, est sans cesse confronté à des obstacles pour accéder à ce même droit.
Conformément à la loi de 2015 sur l'octroi de la nationalité espagnole aux Séfarades originaires d'Espagne, ils disposaient d'un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de cette loi pour formaliser leur demande, délai qui a été prolongé d'un an par le Conseil des ministres et qui a pris fin le 1er octobre 2019. Enfin, un total de 132 226 Juifs d'origine séfarade ont demandé la citoyenneté dans les quatre années dont ils disposaient, bien qu'il y ait eu une dernière prolongation couvrant toute l'année 2020.
La question dichotomique qui sépare les deux cas est que l'un provient d'une décision politique, comme dans le cas des Séfarades, qui tente de réparer un outrage historique, et l'autre, non moins injuste, provient d'une décision judiciaire. En ce sens, la seule façon de corriger ce préjudice comparatif serait de rechercher un cadre juridique, par le biais de modifications législatives, comme cela pourrait être le cas avec la réforme du code civil, comme dans l'affaire séfarade. Lorsque ceux-ci n'ont pas dû renoncer à leur nationalité d'origine, puisque le décret royal qui leur a accordé la nationalité espagnole a été approuvé après la réforme du code civil effectuée en ce sens par la loi 12/2015.
Un examen final de l'arrêt susmentionné pourrait remettre en question les critères que la Haute Cour a pu suivre pour le promulguer en vue de « déprovincialiser » une région d'un territoire considéré comme national, comme c'était le cas jusqu'en 1975, et si elle pouvait fournir une jurisprudence pour d'autres cas éventuels. On peut se demander ce qui se passerait si, par exemple, dans 40 ans, un territoire était séparé de l'Espagne, ce qui arriverait à ceux qui sont nés sur ce territoire, et si cela entraînerait une sorte d'incertitude juridique à cet égard pour ces citoyens. Tout cela compte tenu de l'interprétation particulière que notre plus haute instance judiciaire a faite de cette affaire.
Le peuple sahraoui mérite une reconnaissance conforme à son histoire. Nous ne pouvons pas maintenant fermer les yeux et généraliser la question sous prétexte d'apatridie, après plus d'un siècle de colonialisme espagnol. Bien que leur situation actuelle exige l'attention du monde afin de résoudre la division d'un peuple et de parvenir à sa réunification, ce que nous préconisons depuis plus d'une décennie au sein du Forum des Canaries sahraouies, nous ne devons pas oublier que les droits acquis avec l'Espagne par ce peuple ne doivent pas être contournés. Ce n'est que de cette manière que nous pourrions mettre fin à une situation anormale et clairement injuste, où il est inconcevable que des citoyens nés dans la 53e province de notre pays ne puissent pas aujourd'hui avoir la nationalité espagnole en raison d'un développement historique dans lequel ils ne pourraient pas intervenir.