Le message de Mohammed VI au Sommet Afrique pour l'océan : un leadership réaffirmé
L'être humain est avant tout un habitant de la terre ferme
- Les océans et leurs défis géopolitiques
- La nécessité pour l'Afrique de s'exprimer sur son destin maritime
- Le message royal : pouvoir discursif et leadership réaffirmé
C'est pourquoi il a baptisé notre planète « Terre » plutôt que « Mer », même si la majeure partie de sa surface est recouverte d'océans et de mers. Tout au long de l'histoire des civilisations, l'opposition entre la terre et la mer s'est profondément ancrée dans l'imaginaire humain, façonnant la manière dont les hommes perçoivent leur environnement et leur place dans le monde. La terre, perçue comme un espace stable, délimité par des frontières et soumis à une autorité politique, incarne le territoire familier et contrôlé, tandis que la mer, vaste étendue en mouvement et sans limites visibles, symbolise l'inconnu, le danger et le mystère.
Cette dichotomie a nourri des sentiments ambivalents : fascination et crainte, curiosité et respect, qui se reflètent dans les mythes, les légendes et les récits épiques, tels que « L'Odyssée » d'Homère, mais aussi les aventures maritimes de Sinbad le Marin dans les contes des « Mille et Une Nuits », qui illustrent cette dualité où la mer est à la fois un espace d'aventure et de menace. De plus, dans de nombreuses cultures, la mer est conçue comme un monde parallèle, source de vie, mais aussi de forces surnaturelles, renforçant cette dualité imaginaire entre le monde terrestre réconfortant et le monde marin mystérieux et parfois hostile. Ainsi, cette opposition terre/mer transcende la simple géographie pour devenir un élément fondamental de la construction symbolique et culturelle des civilisations humaines.
Les océans et leurs défis géopolitiques
Tout au long de l'histoire, les océans ont toujours été le théâtre des relations de pouvoir entre les nations. De l'Antiquité aux guerres mondiales, en passant par les empires de la Chine impériale, les expéditions vikings, la colonisation européenne et la guerre froide, ils ont constamment reflété les dynamiques de pouvoir et constitué des espaces stratégiques de conquête pour les grandes puissances.
Aujourd'hui, les océans restent le théâtre de rivalités géopolitiques, notamment avec la montée en puissance de la Chine face à la domination américaine sur les mers. Ces vastes étendues maritimes représentent un véritable enjeu en termes de richesse, d'abord en tant que principal corridor du commerce international et moteur de la mondialisation, puis en raison des ressources halieutiques qu'elles abritent, indispensables à la sécurité alimentaire de nombreuses populations à travers le monde.
De plus, les fonds océaniques recèlent d'importantes réserves d'hydrocarbures et de minerais précieux, essentiels aux nouvelles technologies et à la transition énergétique. L'océan revêt ainsi un caractère particulièrement stratégique, constituant un levier de puissance à conquérir et à dominer.
Cette importance croissante s'accompagne d'une militarisation accrue des espaces maritimes, notamment en raison des risques sécuritaires amplifiés par les conflits qui s'y déroulent également. Cependant, les océans restent avant tout un milieu fragile qu'il est impératif de protéger.
Aujourd'hui, l'opposition terre/mer constitue un élément clé de la géopolitique. Elle structure la compréhension des rivalités de pouvoir, des stratégies d'expansion et des formes de contrôle des espaces. Cette opposition ne se limite plus, dans le monde actuel, à une simple dichotomie, mais s'impose comme une opposition structurante qui s'inscrit dans un contexte de transformation, voire de maritimisation du monde. Ainsi, la mer, longtemps perçue comme un espace secondaire, devient centrale dans les enjeux de pouvoir, de sécurité et de développement. Cette évolution s'accompagne d'une hybridation croissante des logiques terrestres et maritimes, rendant la géopolitique contemporaine plus complexe et fluide que jamais.
Les défis maritimes sont devenus une préoccupation majeure pour la communauté internationale à travers plusieurs événements et conférences clés qui visent à structurer la gouvernance des océans et à trouver ensemble des réponses adéquates aux nouveaux défis de la mondialisation, qui a renforcé l'importance des espaces maritimes en faisant des mers les principales voies du commerce mondial et des flux stratégiques (énergie, câbles sous-marins, etc.), d'où la nécessité d'un cadre juridique international et de forums mondiaux sur les défis géopolitiques, économiques, sécuritaires et environnementaux liés aux mers.
Cette prise de conscience progressive des défis maritimes, combinée à des avancées juridiques et diplomatiques importantes, a placé les mers et les océans au centre des préoccupations de la communauté internationale, tant pour la paix et la sécurité que pour le développement durable. C'est dans ce contexte d'urgence climatique, de pressions croissantes sur les océans et de nécessité d'une gouvernance internationale renforcée, que s'est tenue à Nice, du 9 au 13 juin 2025, la 3e Conférence des Nations unies sur l'océan (UNOC3). Co-organisée par la France et le Costa Rica, cette conférence a réuni des États, des organisations internationales, la société civile et le secteur privé afin d'accélérer l'action en faveur de la conservation et de l'utilisation durable des océans, en s'appuyant notamment sur l'objectif de développement durable n° 14. L'événement avait pour objectif d'adopter les « Accords de Nice », un cadre d'engagements ambitieux pour répondre aux défis environnementaux, économiques et sociaux liés aux mers et aux océans.
L'un des moments forts de cette conférence a été le sommet « L'Afrique pour l'océan », coprésidé par la France et le Maroc. Ce sommet stratégique a réuni des chefs d'État, des experts et des acteurs de la société civile autour d'une ambition commune : valoriser les ressources océaniques au service du développement durable du continent africain. L'accent a été mis sur des questions cruciales telles que la gouvernance écologique, la gestion durable des réserves halieutiques, la protection des écosystèmes marins et la recherche de financements pour des infrastructures résilientes. Ce « sommet dans le sommet », coprésidé par Son Altesse Royale la Princesse Lalla Hasnaa, représentante de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, et le président français, Son Excellence M. Emmanuel Macron, a également permis de renforcer les alliances régionales et de promouvoir une coopération Sud-Sud exemplaire, incarnée notamment par l'Initiative Royale Atlantique lancée par le Maroc.
La séance inaugurale du sommet « L'Afrique pour l'océan » a été profondément marquée par la portée et la force du message adressé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. À travers ses paroles, le Souverain a insufflé une vision claire et ambitieuse, plaçant l'Afrique au cœur d'une dynamique de souveraineté, de coopération et de développement durable des espaces maritimes. Son discours, empreint de gravité et d'espoir, a résonné comme un appel solennel à l'unité et à l'engagement collectif, soulignant le rôle stratégique des océans pour l'avenir du continent et la nécessité impérieuse de les protéger et de les valoriser. Ce message royal a ainsi donné le ton d'un sommet placé sous le signe de la responsabilité partagée et du leadership africain.
Le message lu par la princesse Lalla Hasnaa à l'ouverture du sommet revêt une importance capitale, se distinguant comme un texte magistral, à la fois puissant et porteur d'une vision claire. Par son ton solennel et représentatif, il incarne une forte identité africaine, affirmant avec force la place du continent dans la gouvernance mondiale des océans. Ses messages pertinents, son esprit de compromis et sa profondeur stratégique témoignent d'un leadership affirmé, tant continental qu'international, qui appelle à une mobilisation collective autour des enjeux cruciaux de la souveraineté, du développement durable et de la coopération régionale. Ce discours s'impose ainsi comme une référence majeure, illustrant l'engagement du Maroc et de l'Afrique à jouer un rôle central dans la construction d'un avenir maritime commun et responsable.
La nécessité pour l'Afrique de s'exprimer sur son destin maritime
S'adressant aux plus hautes autorités africaines et françaises, et après avoir salué l'engagement personnel d'Emmanuel Macron en faveur des océans, dans le cadre d'une coopération bilatérale et multilatérale, le Roi insiste sur la nécessité pour l'Afrique de s'exprimer pleinement sur son destin maritime, ce qui devrait marquer un tournant vers une plus grande autonomie stratégique et une affirmation de la souveraineté collective.
Le discours s'ouvre sur un diagnostic clair et nuancé : les mers et les océans africains sont à la fois riches et vulnérables, stratégiques mais sous-exploités, porteurs d'espoir mais insuffisamment protégés. Ce paradoxe souligne la nécessité impérieuse de passer d'une simple logique de potentiel à une logique d'appropriation réelle, où l'Afrique s'affirme pleinement comme un acteur souverain de ses espaces maritimes.
Le roi Mohammed VI élargit la perspective en rappelant que l'océan dépasse la seule dimension environnementale. Il est également un pilier fondamental de la souveraineté alimentaire, de la résilience climatique, de la sécurité énergétique et de la cohésion territoriale. Cette approche intégrée met en évidence le rôle central des océans dans la vie quotidienne des populations africaines et dans le développement durable du continent. La réinterprétation stratégique du rôle maritime de l'Afrique préconisée par le Message royal s'articule autour de trois axes :
- La croissance bleue
Le Roi souligne que l'économie bleue n'est pas un luxe, mais une nécessité stratégique. Il met en avant des secteurs prometteurs – aquaculture durable, énergies renouvelables offshore, industries portuaires, biotechnologies marines, tourisme responsable – qui doivent être envisagés comme des chaînes de valeur, avec des investissements significatifs et des normes adéquates. La mise en œuvre de la stratégie nationale marocaine, incarnée par des projets portuaires emblématiques tels que Tanger Med, illustre cette ambition.
- La coopération Sud-Sud et l'intégration régionale
Le message insiste sur la dimension collective du défi maritime. Il ne suffit pas de partager un océan, il faut le gérer et le défendre ensemble. Le Roi appelle à une coordination africaine renforcée pour optimiser les chaînes de valeur, sécuriser les routes commerciales et garantir une répartition équitable des richesses océaniques. Il souligne également la nécessité d'une voix africaine unifiée sur la scène océanique internationale.
- Les synergies atlantiques pour une efficacité maritime
Le roi Mohammed VI souligne l'importance stratégique de la façade atlantique africaine, longtemps négligée. Il présente l'Initiative des États africains atlantiques comme un cadre innovant de dialogue, de sécurité collective et d'intégration économique. Cette initiative vise également à intégrer les pays sans littoral du Sahel en leur offrant un accès maritime structurant, notamment à travers des projets tels que le gazoduc africain atlantique.
Le message royal : pouvoir discursif et leadership réaffirmé
Le message se termine sur une note d'espoir et de mobilisation collective. L'océan est présenté comme un lien et un horizon commun, un espace à gérer pour la paix, la stabilité et le développement. Le Roi rappelle que l'Afrique est plus forte lorsqu'elle parle d'une seule voix et affirme l'engagement résolu du Maroc, avec ses espaces maritimes, à jouer un rôle moteur dans cette dynamique continentale.
Cette vision royale promeut clairement le passage d'une logique de simple potentialité – où les ressources maritimes africaines restent largement inexplorées et sous-estimées – à une logique d'appropriation effective, fondée sur la maîtrise souveraine et la valorisation durable des richesses. Ce changement de paradigme est présenté ici comme un impératif stratégique pour le continent, afin de transformer ses vastes espaces océaniques en véritables leviers de développement économique, social et environnemental. Il s'agit non seulement de sécuriser les ressources halieutiques, énergétiques et minérales, mais aussi de renforcer les capacités africaines en matière de gouvernance maritime, d'innovation technologique et d'intégration régionale. Cette appropriation est donc considérée comme une condition sine qua non pour que l'Afrique affirme pleinement son rôle de puissance maritime et tire un bénéfice concret et durable de son patrimoine océanique.
Un discours politique dans un contexte international pourrait constituer un outil puissant pour affirmer un leadership. Il devrait permettre au leader de se positionner clairement, d'inspirer confiance, de mobiliser des soutiens et de montrer sa capacité à diriger et à décider. Les principaux éléments qui contribuent à consacrer un leadership affirmé à travers un discours politique consistent, en premier lieu, à adopter une posture claire et confiante, exprimée sur un ton ferme et assuré, calme et déterminé, qui reflète la maîtrise du sujet et la confiance en ses capacités ; ensuite, de transmettre un message structuré et cohérent qui présente des idées précises, bien articulées et sans ambiguïté ; et enfin, d'exposer clairement des objectifs qui démontrent que l'on sait où l'on va, en enchaînant logiquement des arguments rigoureux qui renforcent la crédibilité du discours et touchent à la fois la raison et le cœur de l'auditoire.
Confiance, engagement, clarté de vision, maîtrise des enjeux, langage fédérateur et appel aux valeurs : le message de Sa Majesté le Roi Mohammed VI au Sommet Afrique pour l'océan se distingue ainsi par sa puissance discursive et sa structure argumentative claire, alliant à la fois une analyse lucide, une ambition affirmée et un pragmatisme concret. Il propose une vision globale et intégrée des défis océaniques africains, articulée autour de la croissance bleue, de la coopération régionale et de la valorisation stratégique des espaces atlantiques. Par son ton, sa portée et ses propositions concrètes, ce discours s'impose comme une référence majeure du leadership africain en matière de gouvernance maritime, appelant à une mobilisation collective pour un avenir durable et souverain des mers et des océans du continent.