Le Maroc, la Mauritanie et le nouveau Sahel

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Le chef du gouvernement marocain, Aziz Ajanuch, et son homologue mauritanien, Mohamed Ould Bilal, réunis à Rabat en 2022

Ce n'est plus un secret pour personne, le Royaume du Maroc cherche à aider le G5 Sahel et à donner un nouveau souffle à ce projet. Les bases de ce projet en perte de vitesse sont fragilisées par le fait que plusieurs de ses membres ont souffert corps et âme des conséquences de l'instabilité politique causée par les coups d'État, les groupes terroristes, l'ingérence russe et les confrontations politiques, sociales et économiques qui divisent leurs sociétés.

Le Maroc tente de sauver le projet du G5 Sahel de la désintégration finale à travers une initiative annoncée par le Roi Mohammed VI lors du dernier anniversaire de la Marche Verte, dont la base déclarée se concentre sur l'économie et un partenariat de développement bénéfique pour les pays du Sahel et pour le Maroc.

En outre, des intentions et des objectifs explicites tournent autour de ce cadre annoncé, y compris le désir du Maroc d'ouvrir une fenêtre atlantique pour le commerce avec les pays africains du Sahel et l'effort persistant de Rabat pour jouer le rôle de point de liaison et de pont entre l'Afrique et l'UE et les États-Unis.

Il n'est pas non plus caché que les Marocains s'efforcent d'intégrer les ports du sud dans le cycle économique africain et les conséquences politiques de cette intégration en confirmant le caractère marocain de ces régions. Cela n'a pas été du goût du Front Polisario, qui a publié un communiqué mettant en garde contre le danger de la nouvelle approche marocaine en matière de sécurité dans la région.

S'agissant de la nouvelle vision marocaine pour la région, il est facile de déduire du contexte géopolitique que le Maroc, qui a su se présenter comme un partenaire "mature" pour les Européens, s'emploie à convaincre les Européens et les Américains de sa capacité à jouer le rôle d'une "alternative douce" pour combler le vide français au sein des cercles de pouvoir dans certains pays sahéliens. 

Pour illustrer et expliquer cela par un petit exemple, le holding marocain AKWA Group a pris le contrôle de Total Mauritanie, filiale de la marque française, comblant ainsi le vide français.

Parmi les autres objectifs de la vision marocaine, l'annonce du Maroc d'ouvrir sa façade atlantique aux pays du Sahel et du Sahara, dont le Niger, le Tchad, le Burkina Faso et le Mali, pourrait constituer une sorte de réponse à la route Algérie-Mauritanie en cours de finalisation et qui fait craindre à Rabat que cette route ne devienne un passage commercial parallèle et concurrent du col de Guerguerat.

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La DGSN du Maroc. -Le chef de la DGSN, Abdellatif Hammouchi, avec le directeur général de la Sûreté nationale mauritanienne, Meshgharou Ould Sidi Leghweizi

 A la lumière de ces développements, la question se pose : où est la Mauritanie dans tout cela ? Il n'est pas exagéré de dire qu'elle est le premier pays à être visé par les derniers développements qui l'entourent.

Il ne fait aucun doute que nous sommes face à une "Mauritanie désorientée" dans un contexte de changements dramatiques que connaît la région et qui tente de s'en sortir avec le moins de pertes possibles, ainsi que d'éviter de payer le prix pour s'être alignée et positionnée dans le jeu des équilibres dans la région en essayant toujours de maintenir une neutralité positive et prudente, semblable dans sa difficulté à marcher sur une corde raide, avec laquelle cette position exige une rapidité dans le mouvement et un calcul précis des étapes à franchir. 

Mais lorsque vient le "Zarg afam Lajiam", comme on le dit souvent dans le hassani pour désigner des situations où le danger approche, il est bon de prêter attention à la nature du positionnement à travers de nouvelles options. Parmi celles-ci, la recherche et l'exploration d'approches qui contribuent à renforcer la neutralité positive de la Mauritanie en vue d'éviter à tout prix les scénarios qui pourraient nuire aux intérêts politiques et économiques vitaux du pays qui résulteraient des scénarios futurs.n outre, il faut travailler à maintenir les équilibres avec les pays et à mettre sur la table les priorités de la Mauritanie en fonction de sa situation géographique et en tenant compte de ses intérêts stratégiques.

Pour ce faire, la Mauritanie devra repenser globalement sa position dans la région et développer de nouvelles approches pour traiter avec son voisinage au Maghreb et en Afrique en renforçant ses structures internes pour faire face aux réalités et variables externes non conventionnelles que connaîtra la région.

Ce pays, que de nombreux analystes européens décrivent comme le "seul survivant" de l'instabilité dans la région du Sahel, devra sans aucun doute mesurer les limites de la sécurité et des dangers et prendre la bonne décision avant que la neutralité positive ne se transforme en un état de neutralité négative et d'opportunités perdues.

Mohamed Lamine Khattary. Journaliste et analyste mauritanien