Le Maghreb attend un nouveau gouvernement en France

Vue de l'Assemblée nationale à Paris - REUTERS/SARAH MEYSSONNIER
Contrairement aux alertes lancées par les médias et les différentes associations culturelles, sociales et économiques, tant en France qu'en Europe et dans les pays du Maghreb, les régimes en place au Maghreb n'ont pas considéré que les différents scénarios de l'issue des élections législatives en France allaient provoquer un séisme dans les relations entre les pays du Maghreb et l'ancien colonisateur français. 

Les intérêts des États vont au-delà des alliances électorales et des compromis gouvernementaux. La France, en tant qu'ancien colonisateur de l'Afrique du nord et deuxième puissance européenne, a des intérêts forts qui la lient au Maghreb et auxquels elle ne peut et ne veut pas renoncer. 

Il est vrai, cependant, que la possibilité d'une majorité absolue ou relative pour le parti de Jordan Bardella et du Rassemblement National de Marine Le Pen, avec la cohabitation conséquente avec le président Emmanuel Macron, qui garderait de toute façon la barre du navire, promettait d'avoir un impact sur les questions sociales, migratoires, religieuses, culturelles et d'ordre public qui sont importantes pour les relations bilatérales de ces pays avec leur ancienne métropole. Cependant, aussi irritantes que soient les mesures politiques qui seraient prises par un éventuel gouvernement de la droite nationaliste, ou dans le cas actuel de la gauche radicale du Nouveau Front Populaire, les intérêts de l'État continueront à prévaloir. 

Dans les pires moments de tension de ces dernières années entre le gouvernement français et les gouvernements algérien, marocain, tunisien et mauritanien, il n'a jamais été question de suspendre les relations diplomatiques. Il y a eu des moments de tension, avec même le rappel des ambassadeurs respectifs pour consultation, mais il n'a jamais été question de rompre les relations. 

La toile d'intérêts que la France a tissée avec l'Afrique du nord va de la signature d'accords et de traités bilatéraux à tous les niveaux, aux relations institutionnelles, politiques, militaires, financières et de sécurité. Dans l'ensemble, il s'agit de relations "gagnant-gagnant", car même si les dirigeants maghrébins sont parfois très critiques à l'égard de ce qu'ils considèrent comme des avantages mutuels inégaux, les accords sont mutuellement avantageux. 

Les capitales maghrébines, en particulier Alger et Rabat, gèrent habilement leurs relations avec des tiers (la Russie ou la Chine dans le cas de l'Algérie, et les États-Unis dans le cas du Maroc) afin d'exercer des pressions et d'obtenir de meilleurs avantages dans leurs luttes avec la France. Mais ni Moscou ni Washington ne peuvent déloger Paris dans son ensemble, pour des raisons linguistiques, historiques et géopolitiques. 

Le prochain gouvernement français et sa composition ministérielle seront donc scrutés de près par les dirigeants maghrébins : le futur premier ministre se rendra-t-il d'abord à Rabat, ou bien à Alger, ou encore organisera-t-il une réunion extraordinaire du Forum 5+5 pour qu'aucun de ses alliés ne se sente discriminé ? La question franco-maghrébine dépasse les ambitions de pouvoir politique des protagonistes du "suspense".