À quoi sert un roi ?

Le roi Charles III lors d'une cérémonie à Windsor, en Angleterre - PHOTO/Sergeant Donald C Todd via REUTERS
C'est Farouk, le dernier roi d'Égypte, qui, lorsqu'il fut renversé en 1952, prédit qu'« un jour, il ne resterait plus que cinq rois dans le monde, les quatre de la carte et celui d'Angleterre »

Pour l'instant, et bien que plusieurs monarchies aient disparu depuis, celles qui subsistent continuent généralement à remplir leur mission principale : symboliser l'unité du pays qu'elles gouvernent.

Charles III, actuel monarque du Royaume-Uni, est également celui de 14 des 56 pays qui composent le Commonwealth, la communauté de nations créée en 1949, à laquelle ont adhéré les pays qui ont accédé à l'indépendance après avoir fait partie de l'Empire britannique. Parmi ses membres et l'un des 14 qui reconnaissent le monarque anglais comme leur chef d'État, le Canada, l'un des premiers à s'être émancipé de la tutelle de Londres, ce qu'il a obtenu en 1867 après l'approbation par la reine Victoria de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. L'article 9 de sa loi constitutionnelle reconnaît le pays comme une monarchie, incarnée par le monarque britannique, qui désigne un gouverneur général comme représentant.

Bien qu'il soit établi que le rituel d'ouverture des législatures au Canada soit présidé par le roi, à l'image de ce qui se passe au Royaume-Uni, ce rituel n'a été accompli que deux fois : la première en 1957, lorsque Elizabeth II a inauguré le Parlement canadien, et cette semaine même, en 2025, lorsque son fils Charles III l'a fait, accompagné de la reine Camilla.

Si les destinataires évidents du discours d'une demi-heure du roi étaient les députés élus lors des dernières élections, le gouvernement dirigé par le Premier ministre Mark Carney et, bien sûr, le peuple canadien, il y avait un autre destinataire principal : le président des États-Unis, Donald Trump, qui n'a pas encore renoncé à ses ambitions d'annexer le Canada et d'en faire le 51e État de l'Union.

Le discours du monarque ayant été en grande partie rédigé par le gouvernement canadien lui-même, comme c'est le cas à Londres, Charles III s'est réaffirmé comme symbole de l'identité canadienne en proclamant son admiration pour celle-ci, qu'il a exprimée en anglais et en français, les deux langues officielles du pays, soulignant en outre que «cette identité unique est reconnue dans le monde entier pour son courage et son sacrifice dans la défense de ses valeurs, ainsi que pour la diversité et la bonté de ses citoyens ».

En tant que chef de l'État, bien que dépourvu de pouvoirs exécutifs, Charles III a reconnu les députés comme les représentants légitimes des communautés qui peuplent le deuxième plus grand pays du monde, derrière la Russie, mais devant les États-Unis, la Chine et le Brésil. Le monarque a ainsi souligné « l'extraordinaire richesse des cultures, des langues et des perspectives » de la fédération canadienne.

« Le vrai Nord est fort et libre » est la devise d'un pays dont le nom dérive du mot iroquois « kanata », qui désigne un village ou un ensemble de huttes. Cette devise a renforcé, avec cette visite, le souverainisme du pays et son attachement au roi, symbole et incarnation de sa force institutionnelle. C'est le Premier ministre Mark Carney, qui a également été gouverneur de la Banque d'Angleterre entre 2013 et 2020, qui a proposé à Charles III d'inaugurer la législature canadienne, après la réunion qu'il a eue dans le Bureau ovale de la Maison Blanche avec Donald Trump. Carney a rétorqué au président que le Canada ne serait jamais une étoile de plus sur le drapeau américain. Ce à quoi Trump a répondu « ne jamais dire jamais ».

Aujourd'hui, Charles III est venu dire à Trump que le Canada a déjà un chef d'État, ce que le roi lui répétera à Londres s'il accepte l'invitation que le monarque lui a officiellement adressée dans une lettre remise en mains propres par le Premier ministre britannique Keir Starmer.

Les médias nationaux reconnaissent que la visite du roi a permis, entre autres, aux forces politiques de gauche de revendiquer la solidité de leur monarchie parlementaire comme un refuge institutionnel face aux menaces sans précédent qui viennent de l'extérieur. D'autant plus que Charles III lui-même a qualifié la période actuelle de « moment critique » pour la défense de concepts tels que « la démocratie, le pluralisme, l'État de droit, l'autodétermination et la liberté ».