Et Colau a ramassé son fusil

tel aviv

Inmaculada Colau, Ada depuis son époque de militante acharnée et actuelle mairesse de Barcelone, a décidé de rompre les relations avec Israël, et accessoirement aussi le jumelage qui lie depuis 2008 la ville catalane à Tel Aviv, la capitale économique d'Israël. La dame a pris cette décision par décret, évitant ainsi de la soumettre à l'assemblée plénière du gouvernement municipal lui-même, arguant qu'elle donnait ainsi suite à la pétition que 4 135 signataires lui avaient adressée à cet égard.

Le fait que Mme Colau tienne le bâton municipal à Barcelone, où elle ne dispose que de 10 conseillers sur un total de 41, est un privilège qu'elle doit aux 10 conseillers du Parti socialiste (PSC), une majorité relative qui a également été rendue possible par l'ancien Premier ministre français, Manuel Valls, qui a facilité l'accord grâce à la force des six sièges remportés par sa coalition Barcelona pel Canvi-Ciutadans.  

Valls, après avoir retrouvé sa patrie et retrouvé l'amour, a considéré que son aventure politique ratée en Espagne était terminée et est rentré en France à la recherche d'honneurs politiques qui semblent aujourd'hui presque impossibles. Son ancien Parti socialiste français est désormais une relique sans perspective de réapparition. En léguant Ada Colau à la population de Barcelone, ses citoyens ont assisté à la détérioration d'une ville qui était autrefois la plus prospère, ouverte et cosmopolite d'Espagne. Le fait que 1,2 million de crimes aient été signalés l'année dernière pour une population de 1,6 million d'habitants est révélateur : un manque de sécurité aggravé par une saleté croissante, une fiscalité quasi confiscatoire qui décourage les investisseurs potentiels de s'installer, une hostilité croissante envers l'un des poumons économiques traditionnels de la ville, le tourisme, et un record olympique de squat. Les mafias se déchaînent tandis que la Guardia Urbana et les Mossos se plaignent d'avoir les mains liées et de ne pas pouvoir agir face aux perturbations continues de l'ordre public. Cette énumération tristement exhaustive est l'œuvre d'Eva Parera, conseillère municipale et candidate à la mairie pour la nouvelle formation appelée Valents.

Israël et sa capitale économique Tel Aviv sont les champions du monde de la création d'entreprises émergentes, les start-ups si vous préférez le nom anglo-saxon. Et Mme Colau ne voit pas de meilleur moyen de favoriser les relations économiques avec le pays du Moyen-Orient qui nous ressemble le plus en termes de valeurs démocratiques que cette rupture brutale. Et elle le fait en violation de l'article 149 de la Constitution espagnole, qui donne à l'État, et non aux provinces ou aux villes, une compétence exclusive en matière de relations internationales. En réalité, cette dernière sortie s'inscrit dans une ligne répétée du séparatisme catalan, dont les "ambassades" à l'étranger ont alloué des ressources considérables à la promotion des fameux procés et au discrédit de l'Espagne, dont la Catalogne fait partie, dans le processus.

Ada Colau justifie la rupture avec Israël par le fait que Barcelone ne partage pas l'apartheid qu'Israël pratique selon elle. Cette assimilation au régime établi en Afrique du Sud entre 1948 et 1991 est, pour le moins, une grossière manipulation de la réalité. Comme le rappelle Gabriel Albiac, citant les récits de Maxwell Coetzee, il s'agissait d'"un système hermétique de séparation raciale entre les populations, où le Parlement et le Gouvernement étaient construits sur la suprématie exclusive des Blancs, et où la population indigène n'avait pas accès aux institutions de l'État".

Les actions de Mme Colau s'inscriraient plutôt dans la lignée du BDS, le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël, dans lequel il n'est pas difficile de trouver l'influence morale et financière de l'Iran.

Le ministère israélien des Affaires étrangères et la Fédération des communautés juives d'Espagne (FCJE) s'accordent à dire que cette mesure unilatérale prise par décret est regrettable. Il ne serait pas juste de considérer que l'ensemble de Barcelone a sombré dans un antisémitisme crasse. La mairesse le sait si bien qu'elle n'a même pas voulu en discuter avec les 31 conseillers qui n'appartiennent pas à son parti, soit les trois quarts des forces politiques du conseil municipal, censées représenter au moins les trois quarts de la population de Barcelone.

Ce dernier devrait contester une décision personnelle qui place la capitale catalane, évidemment involontairement, parmi les judéophobes, et donc la Catalogne et l'Espagne. En bref, le fait que cette dame puisse faire ce qu'elle veut et que tout le pays en paie les conséquences ne devrait pas rester impuni.