La guerre de Trente Ans en Afrique est réactivée
Les deux pays se sont affrontés directement en 1996 et 1998, tandis que depuis 2012, ils s'affronteraient indirectement par l'intermédiaire des rebelles congolais du M23 (Mouvement du 23 mars), soutenus et appuyés par le président rwandais, Paul Kagame, et de l'armée régulière de la RDC, présidée par Félix Tsisekedi.
Les combats font rage dans la région du Kivu, notamment dans la vaste zone autour de la capitale Goma, que les résidents étrangers, notamment américains et britanniques, quittent précipitamment sur ordre de leurs ambassades respectives.
Les affrontements militaires se sont fortement intensifiés après l'échec de la médiation angolaise engagée par l'ONU et l'annulation, en décembre dernier, d'une rencontre directe entre les présidents rwandais et congolais.
Depuis lors, un demi-million de personnes ont fui la région, rejoignant les sept millions de personnes déplacées et réfugiées dans cette zone des Grands Lacs africains, faisant de la crise humanitaire correspondante dans cette région la plus importante au monde, dépassant même celle enregistrée jusqu'à présent par les guerres au Moyen-Orient.
À cet égard, si la Turquie est devenue un acteur important dans les négociations sur l'avenir de la Syrie après le renversement du régime d'Al-Assad, elle aspire également à devenir un acteur important dans cette crise qui s'aggrave en Afrique de l'Est, en proposant sa médiation après l'échec de l'Angola.
Les origines du conflit remontent au génocide rwandais lui-même, et surtout aux fugitifs de ce massacre, qui se sont en grande partie réfugiés dans la partie orientale de ce qui était alors le Zaïre, dirigé d'une main de fer par le dictateur Mobutu Sese Seko.
En 1996, deux ans après le massacre rwandais, Paul Kagame a pris la tête du soutien extérieur apporté par le chef rebelle congolais Laurent Kabila au renversement de Mobutu.
Kagame a affirmé à l'époque que son « seul but » était de poursuivre les Hutus responsables de la mort de 800 000 personnes et de l'exode de deux millions de réfugiés vers le Congo voisin.
Les hostilités se sont poursuivies après la chute de Mobutu, notamment parce que le vaste pays du Congo (2,3 millions de kilomètres carrés, 11 000 kilomètres de frontières avec pas moins de neuf États) a toujours été sujet à des tensions internes entre ses nombreux groupes ethniques.
Dans le même temps, il a servi de sanctuaire à des groupes rebelles luttant pour le pouvoir dans les pays voisins. Tout cela a été aggravé par la présence et l'influence de grandes sociétés étrangères exploitant les immenses richesses du sous-sol congolais.
En conséquence, ce pays, probablement le plus riche potentiellement du continent avec l'Afrique du Sud, n'a pas encore pu construire véritablement son État-nation depuis la proclamation de son indépendance vis-à-vis de la Belgique en 1960.
Après le renversement de Mobutu, les pays qui avaient promu Laurent Kabila lui ont rapidement retiré leur soutien, allant même jusqu'à soutenir, armer et financer les nombreux groupes rebelles qui se sont disputés des régions entières du Congo.
Le Rwanda et l'Ouganda ont même uni leurs forces pour mener une rébellion à grande échelle contre Kabila. C'est ce que l'on a appelé la guerre mondiale africaine (1998-2003), officiellement conclue par les accords de Pretoria.
Depuis lors, des flambées de violence périodiques se sont produites avec des degrés d'intensité variables, la tragédie des réfugiés et des personnes déplacées n'a fait qu'augmenter et, en fin de compte, les luttes pour les vastes ressources naturelles du pays continuent à devenir de plus en plus aiguës, ainsi que d'autres conflits sur la propriété foncière, la réforme du secteur de la sécurité et le conflit ethnico-politique en cours entre le Rwanda, l'Ouganda et le Congo.
À cela s'ajoutent les tensions régionales et mondiales, avec les influences correspondantes du Royaume-Uni et de la Chine, ainsi que celles des grandes entreprises commerciales et industrielles, qui conditionnent, voire dictent directement, les politiques des États concernés.
Le continent, déjà soumis à des tensions au nord et au centre du fait de groupes terroristes djihadistes, a en son cœur tropical l'un des conflits les plus complexes de son existence, impliquant une multitude d'acteurs et d'intérêts qui rendent une solution permanente très difficile.
Au contraire, la projection d'une aggravation des tensions aurait des conséquences géopolitiques importantes, non seulement pour l'ensemble de l'Afrique, mais aussi pour le reste du monde, et en particulier pour le continent européen voisin.