La France charge Macron de recommender un pays fracturé

Emmanuel Macron, presidente de Francia

Les électeurs français ont de nouveau voté avec leur tête au second tour de la présidentielle, alors qu'ils l'avaient déjà fait avec leurs viscères au premier, et ont accordé leur confiance à Emmanuel Macron pour un nouveau quinquennat à l'Elysée. Sa victoire sur la candidate national-populiste Marine Le Pen montre la fracture du pays, où tout le paysage humain qui le compose a subi une profonde transformation.

L'antagonisme stabilité-incertitude ; riche pauvre; ville-campagne; éduqués-analphabètes (même numériques) ; fonctionnaires et salariés au chômage et sans perspectives, dessine les grandes lignes de la fracture, que le président redirigé devra cicatriser et suturer.


L'ensemble de l'Union européenne respire, pour qui la contribution de la France au gigantesque projet de construction est tout simplement fondamentale, à tel point que si Le Pen avait triomphé et par conséquent mis en œuvre son programme, l'UE serait définitivement entrée dans l'histoire comme un grand rêve malheureusement frustré. Cependant, si la victoire de Macron à ces élections devenait impérative, ce n'était rien de plus que la condition sine qua non pour s'attaquer à ce qui va être une tâche vraiment gigantesque. Et la première étape sera de vérifier aux législatives de juin prochain, véritable troisième tour de ces présidentielles, jusqu'où va le populisme installé de part et d'autre du centrisme libéral de Macron. Car, tant à droite qu'à gauche de La República en Marcha (LRM), les partis qui garantissaient la modération et l'alternance ont disparu, aussi bien les Républicains (LR) que le Parti socialiste (PSF).


Issu des deux extrêmes radicaux désormais en ascension, le chef de file de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon aspire même à remporter les élections législatives, au point d'avoir prévenu Macron que dans ce cas il exigerait d'être nommé Premier ministre. Ce serait un scénario d'affrontement insoutenable, pas pour assumer une cohabitation président-premier ministre, dont le tumultueux précédent avec François Mitterrand et Jacques Chirac serait désormais vu comme un radeau de pétrole et ne ressemblerait en rien à l'hypothétique entre Macron et Mélenchon, tel est l'abîme sur les questions essentielles qui sépare les projets des uns et des autres, à commencer par l'UE, puisque dans ce chapitre l'insurgé a la même volonté que Le Pen de la faire sauter.

Poutine, l'autre perdant des élections françaises


Macron a peu de temps pour entreprendre son programme de réformes reportées ou à moitié terminées, mais surtout il a à peine un mois et demi pour convaincre, même si ce sont ceux qui ont voté pour lui désormais le nez couvert ou selon la théorie du moins de mal possible, qu'il peut vraiment ouvrir une porte d'espoir pour eux. Ce ne sera pas facile du tout, car même un peuple aussi rationaliste que les Français s'est installé dans une sorte de malaise éternel, une plainte constante qui fait aussi obstacle aux tentatives de modernisation des structures et des institutions.


Il est facile d'exacerber les esprits du nationalisme le plus rance en faisant appel aux gloires et grandeurs passées, et en désignant l'étranger ou l'immigré comme l'obstacle qui empêche la réédition des splendeurs impériales. C'est pourquoi Macron devra faire étalage de ses qualités de persuasion accréditées pour constituer une équipe avec ce qu'il y a de plus précieux et d'utilisable entre le socialisme sédentaire et le néo-gaullisme, et démontrer efficacement que la France sera européenne et un moteur essentiel de l'UE ou ne sera pas.


Outre la défaite de Le Pen, un autre perdant doit également être inscrit aux élections présidentielles françaises. C'est Vladimir Poutine, le président russe, qui n'a pas su faire entrer à l'Elysée ce qui allait clairement être son cheval de Troie pour faire sauter l'UE, dont les Vingt-sept prennent de plus en plus conscience que la volonté impérialiste du Kremlin Elle ne se contenterait pas du Donbass et de toute la frange sud de l'Ukraine, pas même d'imposer sa volonté dictatoriale et criminelle à une Ukraine déjà dévastée et martyrisée.