Maduro jouit d'une très bonne santé politique
Nicolás Maduro ne s'est pas présenté à Brasilia pour la cérémonie d'investiture du président Lula da Silva. Il a décliné sa participation à la dernière minute, alors que ses services avaient indiqué qu'il serait présent pour sceller la réouverture des relations entre le Brésil et le Venezuela, rompues sous la présidence de Jair Bolsonaro. Malgré son absence physique, Maduro a été l'autre grand protagoniste de la journée. Il venait de sortir vainqueur absolu de la bataille inégale qu'il mène depuis 2015 contre l'opposition vénézuélienne, dont les dirigeants et les leaders peinent à survivre en exil, comme les six millions de citoyens qui se sont déversés dans le monde, principalement dans les pays voisins d'Amérique latine.
En cette fin d'année, trois des dix partis qui composent l'opposition persécutée et largement hors-la-loi ont décidé d'évincer Juan Guaidó, qui s'était autoproclamé en janvier 2019 président en exercice du Venezuela. Acción Democrática (AD), Un Nuevo Tiempo (UNT) et Primero Justicia (PJ) sont parvenus à la conclusion que Guaidó n'avait pas seulement échoué à réaliser l'essentiel de sa mission, à savoir chasser Nicolás Maduro du pouvoir, mais qu'il avait également perdu le soutien des pays qui l'avaient initialement soutenu dans sa tâche de déloger le chavisme.
En fait, Guaidó s'est presque exclusivement construit sur la reconnaissance du président des États-Unis de l'époque, Donald Trump, un soutien qui a évidemment poussé quatre douzaines d'autres pays, dont les plus importants de l'UE, à s'inscrire dans le sillage imposé par l'ami américain. Ce soutien a permis à Guaidó d'accéder à une grande partie des actifs du Venezuela à l'étranger, notamment ceux de Citgo, la filiale de Petróleos de Venezuela (PDVSA) aux États-Unis, et de contrôler les 2 milliards de dollars d'or déposés à la Banque d'Angleterre au nom de la Banque centrale du Venezuela.
Fort de ce soutien, Guaidó a nommé 35 ambassadeurs dans autant de pays, ce qui a entraîné un conflit correspondant, tant avec les États hôtes, qui ont dû choisir entre les ambassadeurs nommés par Maduro et ceux nommés par le président intérimaire, ou adopter des solutions de tolérance diplomatique. Aujourd'hui, ces 35 ambassadeurs ont été démis de leurs fonctions, et la seule alternative est de chercher leur vie ailleurs dans le monde, car s'ils rentraient au Venezuela, ils iraient directement en prison, accusés de toute la gamme des crimes qui accompagnent l'usurpation d'une fonction publique de représentation étrangère.
Le régime chaviste a réprimé avec une dureté extraordinaire toutes les manifestations citoyennes que Guaidó et ses alliés de l'opposition avaient poussées pour renverser Maduro. Des milliers d'arrestations, suivies de tortures cruelles et de pas mal d'exécutions extrajudiciaires, ont fini par éteindre la résistance de ceux qui ont compris qu'ils n'avaient que deux voies : fuir le pays à la recherche d'un abri et de l'espoir d'un horizon meilleur, ou se conformer activement au chavismo-madurismo, dont l'aide sociale pour la subsistance exige toujours la contrepartie de la gratitude sous forme de soutien et de collaboration aux manifestations et aux actions qui réaffirment le régime.
La crise énergétique déclenchée par Vladimir Poutine en Ukraine a considérablement modifié la position des États-Unis, dont le président Joe Biden a fait de Maduro "le paria mondial devenu l'interlocuteur furtif de Washington". Au sein même de l'Union européenne, le président français Emmanuel Macron a fait un bras d'honneur à Maduro en le saluant avec effusion dans les couloirs de la COP27 à Charm el-Cheikh. Ce fut le signal de départ pour les autres partenaires de l'UE qui avaient reconnu Guaidó de se précipiter pour rétablir une normalité politico-diplomatique avec la dictature bolivarienne.
Le rétablissement des relations avec la Colombie voisine, suite à l'arrivée au pouvoir de Gustavo Petro, et la mise en place d'une table de dialogue, aujourd'hui interrompue, au Mexique entre le régime chaviste et l'opposition, ont finalement renforcé Nicolás Maduro et rendu Guaidó, qu'il a promis de mettre en prison au plus vite, absolument inutile.
Le président vénézuélien est donc au zénith de son pouvoir, qu'il partage évidemment avec les militaires, dont les commandants sont bien placés ou intégrés dans tous les secteurs économiques du pays. Maduro, que de nombreux gouvernements ayant reconnu Guaidó ont qualifié de "président illégitime", se représentera une nouvelle fois aux élections. L'opposition, qui a toujours eu beaucoup de mal à trouver un candidat unique, prépare des primaires dans ce sens. Elle aspire à trouver un tel leader électoral consensuel et à ce que les élections soient supervisées par des observateurs internationaux afin de garantir leur équité.
Même si cela devait se produire, il faudrait que beaucoup de choses changent dans le contexte international pour que le Chavismo abandonne le pouvoir. Maduro règne sur un pays dont le taux de pauvreté est gigantesque (90 %). Il sera encore plus fort s'il parvient à reprendre des actifs étrangers et à amener la société américaine Chevron et d'autres multinationales étrangères à réinvestir au Venezuela et à moderniser son industrie pétrolière en difficulté et ses systèmes de production obsolètes. Quant au processus électoral, les experts et les théoriciens de la doctrine bolivarienne savent déjà comment rendre impossible à un candidat de l'opposition de siéger au palais de Miraflores à Caracas.