Trump sous les feux de la rampe
Le fait que l'ancien président américain Donald Trump soit accusé d'avoir violé sept lois fédérales et fasse face à 37 chefs d'accusation distincts est sans aucun doute la nouvelle politique la plus importante aux États-Unis. C'est la première fois que cela se produit alors que, de surcroît, l'inculpé aspire à réoccuper la Maison Blanche.
À peine les accusations portées contre Trump par le procureur spécial, Jack Smith, étaient-elles connues qu'il remontait dans les sondages parmi la foule hétéroclite des candidats aux primaires du parti républicain. Trump cumule près de 50% des intentions de vote, soit plus que tous ses autres rivaux réunis, y compris son ancien vice-président, Mike Pence (5%), et l'actuel gouverneur de Floride, Ron de Santis (12%).
Le Parti démocrate s'efforce de rappeler que personne n'est au-dessus des lois, tandis que l'entourage du président Joe Biden dément catégoriquement que des instructions aient été données à la justice à l'égard de Trump. Ce dernier a accentué son habituel statut de victime, se déclarant l'objet d'une persécution acharnée pour l'écarter de la course à la présidence, et accuse à son tour l'actuel occupant de la Maison Blanche d'avoir en sa possession, éparpillés en divers endroits, des documents classifiés aussi top secret que les siens.
Il convient de préciser que l'Espionage Act, dans son chapitre sur la rétention non autorisée d'informations relatives à la Défense nationale, définit de manière exhaustive tous les documents qui ne peuvent être en possession de personnes non autorisées. Dans le cas de Trump, et une fois qu'il aura retrouvé un statut de citoyen normal après avoir quitté la Maison Blanche, ces documents doivent être remis aux Archives nationales, qu'il s'agisse d'actes, de livres de code, de livres de signaux, de croquis, de photographies ou de négatifs photographiques, de plans, de cartes, de modèles, d'instruments, d'appareils, de notes ou d'informations relatives à la défense nationale, "dont le détenteur a des raisons de penser qu'elles pourraient être utilisées au préjudice des États-Unis ou au profit d'une nation étrangère".
Cette loi ne présuppose pas une hypothétique intention de manipuler ces informations à des fins fallacieuses, et encore moins de les fournir à une puissance ennemie, le simple fait de les détenir dans un lieu non autorisé est une condition suffisante pour qu'un tribunal prononce une condamnation. La découverte des nombreuses boîtes contenant ces documents secrets et très secrets à la résidence de Trump à Mar-a-Lago, associée aux demandes non satisfaites du FBI de les mettre à la disposition des Archives nationales, constitue un acte d'accusation extrêmement grave, d'autant plus que l'équipe du procureur Smith affirme que Trump, ainsi que son assistant personnel et confident de longue date Walt Nauta, également inculpé, ont tenté de dissimuler les documents aux enquêteurs fédéraux.
La comparution de Trump à Miami, prévue pour le mardi 13 juin, commencera à dessiner les contours de l'affaire qui, d'une manière ou d'une autre, aura un impact sur la longue campagne électorale. Dès lors, les candidats et le parti républicain lui-même devront prendre position sur la possibilité qu'un Trump jugé et vraisemblablement condamné redevienne l'homme le plus puissant des États-Unis et le leader du monde, du moins en Occident. C'est une possibilité inédite, mais que la Constitution américaine n'interdit pas, qu'un citoyen dans sa situation, même condamné mais élu par la majorité de ses concitoyens, puisse devenir le premier magistrat de la nation.
Cette situation est d'autant plus singulière que l'aile la plus extrémiste du Parti républicain n'a pas été désactivée et que ses nombreux soutiens parmi les citoyens n'ont pas montré de signes de fléchissement. Certes, la justice suit son cours et les premières condamnations ont déjà été prononcées pour l'assaut du Capitole, une action dans laquelle l'impulsion de Trump semble avoir été évidente. Le résultat est que le pays est non seulement divisé mais profondément fracturé, et cet épisode peut contribuer à creuser encore plus le fossé.