"La mémoire de l'oubli", cinquante ans de Médecins Sans Frontières
"Aucune photographie ne peut à elle seule changer la peur, le désespoir ou la pauvreté dans le monde. Mais l'action d'organisations humanitaires telles que Médecins Sans Frontières, accompagnée de photographies, de campagnes et de publications dans les médias grand public, peut provoquer ce changement". Ce sont les mots du Brésilien Sebastiao Salgado, l'un des grands représentants du photojournalisme, qu'il a su élever à la catégorie de l'art, et l'un des grands modèles dont s'est inspiré Juan Carlos Tomasi de Barcelone pour compiler et réunir dans un livre, "La mémoire de l'oubli", les cinquante premières années de l'histoire de Médecins Sans Frontières, une organisation non gouvernementale pionnière dans le travail humanitaire urgent et toujours plus nécessaire.
Le livre, qui a été présenté à la Casa Árabe par l'auteur lui-même, ainsi que par l'ancienne présidente de MSF, Paula Farías, et l'éditeur Leopoldo Blume, est dédié aux dernières victimes de l'organisation : María Hernández Matas, Yohannes Halefom Reda et Tedros Gebremariam Gebremichael, les trois personnes assassinées en Éthiopie en juin 2021 alors qu'elles apportaient une aide précieuse aux habitants du Tigré, dans le cadre de la guerre civile sanglante que cette région mène contre le pouvoir central d'Addis-Abeba.
Plus de 150 photographies, prises au cours des 25 dernières années, composent ce récit graphique, qui parle d'humanité, de dignité, de persévérance, d'empathie, d'une passion pour dépeindre la lumière derrière l'obscurité, et d'une passion pour soulager la souffrance des autres.
Outre Salgado, le livre comprend une sélection de textes de Laura Restrepo, Mar Padilla, Ricardo García Vilanova, Ramón Lobo, Anna Surinyach, Javier Sancho, Lola Hierro, Sergio Ramírez et Mario Vargas Llosa. Tous témoignent personnellement de leur relation avec MSF, et le prix Nobel hispano-péruvien reconnaît qu'il n'aurait jamais pu visiter et parcourir le Congo sans la coopération des travailleurs de MSF, et ainsi réaliser l'immense travail de terrain pour l'un de ses grands romans, "Le rêve du Celte". Il traite de la tragédie des Congolais sous l'administration de Léopold II, à qui les puissances occidentales ont donné ce territoire, dix-huit fois plus grand que la Belgique, sur lequel régnait le monarque, que Vargas Llosa qualifie de "premier génocide de l'histoire".
L'auteur de ce récit photographique, Juan Carlos Tomasi, avoue que la coïncidence d'avoir retrouvé son appareil photo, "mon outil de travail qui a coûté une fortune", après l'avoir laissé sur le parking du Nou Camp, a changé son destin. Et, dès lors, il a compris que son obligation, dans le cadre d'une couverture médiatique humanitaire, est "de montrer ce que nous voyons avec l'intention de changer le cours des rivières d'injustice et de souffrance".
Et, avant de faire ses adieux, il conclut qu'il a "connu, aimé, chéri, ressenti et pleuré pour de nombreuses personnes au fil des ans". C'est l'origine de ces photographies, avec lesquelles j'essaie de raconter, d'expliquer, de ressentir de nombreuses vies et leurs histoires, en essayant d'être cohérent dans mon respect de l'humain".