Les restrictions à l'exportation imposées par l'Inde aggravent la crise mondiale du blé
L'invasion de l'Ukraine par la Russie - le "grenier de l'Europe" - a mis en péril la sécurité alimentaire internationale. Les deux pays sont deux des plus grands exportateurs de blé au monde et les principaux piliers de la stabilité alimentaire dans des régions comme l'Afrique du Nord.
La guerre entrave la culture du blé en Ukraine et rend difficile la sortie du pays des navires chargés de céréales. D'autre part, les sanctions imposées à Moscou rendent les exportations russes impossibles. À cet égard, des pays africains comme le Sénégal ont appelé l'Occident à lever ces sanctions par crainte d'une grave crise alimentaire sur le continent.
Si cette crise a des répercussions mondiales, les Nations unies et d'autres organisations internationales ont prévenu que la guerre en Ukraine touchera plus durement les régions les plus vulnérables. L'ONU souligne que l'Afrique de l'Ouest et des pays comme le Yémen, l'Afghanistan et l'Éthiopie seront les premiers à ressentir "l'ouragan de la famine".
Pour cette raison, certains pays sont apparus comme des alternatives possibles pour atténuer la crise alimentaire mondiale. L'un de ces pays était l'Inde, deuxième producteur mondial de blé après la Chine. Toutefois, les récentes décisions du gouvernement indien ont douché les espoirs de l'Inde.
En mai, l'Inde a interdit les exportations de blé "avec effet immédiat" afin de garantir la consommation intérieure dans un contexte mondial critique. Toutefois, le gouvernement indien a déclaré qu'il autoriserait les ventes aux pays voisins ou à d'autres pays vulnérables qui "ne peuvent pas accéder à un approvisionnement suffisant en blé", comme l'explique un communiqué de la Direction générale du commerce.
L'Inde, bien qu'étant le deuxième producteur mondial de blé, ne représente qu'un pour cent du commerce mondial de blé, car elle en conserve une grande quantité pour son usage domestique. L'année dernière, par exemple, elle a produit 109 millions de tonnes, mais n'a exporté qu'environ 7 millions de tonnes, selon l'AFP.
Mais la guerre en Ukraine a tout changé. Le monde a tourné ses yeux et ses espoirs vers le pays asiatique, dans l'espoir qu'il augmente ses exportations de blé. Même le Premier ministre Narendra Modi a proposé de contribuer à couvrir la pénurie mondiale de blé, montrant ainsi sa volonté de "nourrir le monde". Mais la situation économique du pays, à l'approche des élections présidentielles, a modifié les bonnes intentions de Modi, qui cherche désormais à protéger le bien-être de ses citoyens.
Selon un responsable indien cité par Reuters, "la hausse des prix généraux a suscité des inquiétudes quant à l'inflation et c'est pourquoi le gouvernement a dû interdire les exportations de blé". Les effets de la guerre en Ukraine, comme la hausse des prix du carburant et d'autres biens, ont entraîné une inflation intérieure en Inde allant jusqu'à 7,79 %, la plus élevée depuis mai 2014, note France24.
New Delhi tente d'assurer la consommation intérieure non seulement en raison des conséquences de la guerre en Ukraine, mais aussi en raison d'une forte vague de chaleur qui a endommagé la récolte de blé du pays. Ce contretemps météorologique, qui a fait grimper la température à 47 degrés Celsius, a obligé le gouvernement à réduire les estimations de production d'au moins 5 %.
Malgré la situation critique du pays, les dirigeants du G7 ont critiqué la décision de l'Inde lors de leur récente réunion en Allemagne. "Si le monde entier commence à imposer des restrictions à l'exportation ou à fermer des marchés, la crise va s'aggraver", a déclaré le ministre allemand de l'Agriculture, Cem Özdemir, lors d'une conférence de presse à Stuttgart, cité par l'AFP. "Nous appelons l'Inde à assumer sa responsabilité en tant que membre du G20", a ajouté Özdemir.
Malgré la condamnation internationale de cette décision et la hausse des prix du blé, l'Inde va plus loin et limitera les exportations de farine de blé à partir du 12 juillet avec le même objectif : assurer la consommation intérieure. "Les perturbations de l'approvisionnement mondial en blé et en farine de blé ont créé de nombreuses fluctuations de prix et des problèmes potentiels liés à la qualité", a déclaré la Direction générale du commerce.
Dans le but d'obtenir des importations de blé, une délégation yéménite se rendra en Inde la semaine prochaine. Au cours de cette visite, le gouvernement yéménite tentera de conclure un accord pour importer du blé d'Inde, a déclaré à Reuters le ministre du Commerce et de l'Industrie, Mohammed Al-Ashwal.
Al-Ashwal a également prévenu que les stocks de "nourriture stratégique" du Yémen dureront jusqu'à la fin du mois d'août. Le pays de la péninsule arabique est en proie à une guerre sanglante depuis 2014, qui a entraîné la plus grave crise humanitaire de la planète. Toutefois, le ministre yéménite est optimiste avant son voyage en Inde. "De grands progrès ont été réalisés concernant l'accord avec le gouvernement indien sur la levée des interdictions d'exportation de blé vers le Yémen", a-t-il déclaré.
L'Inde n'est pas la seule à imposer des restrictions sur les exportations de certains aliments. Fin avril, l'Indonésie a suspendu les ventes d'huile de palme à l'étranger pendant un mois. La nation insulaire est le premier producteur mondial d'huile de palme, représentant 60 % de la production mondiale. Jakarta, comme New Delhi, privilégie la consommation intérieure dans un contexte de hausse des prix, de pénuries et de craintes de troubles sociaux.
Fin mai, un autre pays d'Asie du Sud-Est a bloqué une partie de ses exportations. La Malaisie, afin de sécuriser le marché intérieur, a suspendu les exportations de poulets vivants. Cette situation est particulièrement préoccupante pour Singapour, qui importe un tiers de son poulet de Malaisie.