L'impact économique des transferts de fonds des migrants en Tunisie

Le président tunisien Kais Saied - AFP/ FETHI BELAID
Dans un contexte de crise économique et de déclin du tourisme, les envois de fonds des migrants s'affirment comme une source essentielle de devises et de soutien à la région

Les autorités tunisiennes comptent sur la croissance continue des envois de fonds des migrants, qui ont dépassé le secteur du tourisme en importance économique ces dernières années. En 2023, les envois de fonds des Tunisiens atteindront 2,7 milliards de dollars, selon la Banque mondiale et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Ces envois de fonds sont une source vitale de devises et permettent aux familles de maintenir leur pouvoir d'achat malgré l'inflation, qui est passée de plus de 9 % à 7,2 % depuis l'année dernière.

Le logo du Fonds monétaire international est visible à l'intérieur du siège à la fin des réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale à Washington - REUTERS/YURI GRIPAS

Les experts pressent le gouvernement d'accélérer les réformes et d'impliquer davantage les expatriés dans le développement économique, compte tenu de la nécessité d'attirer les investissements pour consolider l'économie du pays. Selon la Banque centrale de Tunisie, les transferts de fonds en devises des expatriés ont augmenté de 3,5 % en 2024, totalisant 3,1 milliards de dinars (1 milliard de dollars) au 10 juin, contre 3 milliards de dinars (983 millions de dollars) à la même période l'année dernière. Ces transferts, ainsi que les revenus du tourisme, contribuent à maintenir les réserves de change du pays, qui s'élèvent à 24,36 milliards de dinars (7,85 milliards de dollars), soit l'équivalent de 112 jours d'importations de marchandises.

Comme le rapporte Al Arab, la communauté tunisienne à l'étranger, estimée à plus de 1,8 million de personnes, représente 15 % de la population totale de la Tunisie, la majorité résidant en Europe. Dans un récent rapport sur les migrations et le développement, la Banque mondiale note que la Tunisie est l'un des principaux bénéficiaires des envois de fonds au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, se classant au sixième rang en 2023. Les envois de fonds ont aidé l'économie tunisienne à surmonter plusieurs crises, notamment la pandémie de COVID-19 et les mesures exceptionnelles prises par le président Kais Saied en juillet 2021.

Le directeur régional de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, Othman Belbeisi, lors du Forum arabe visant à lutter contre le trafic de migrants et à promouvoir des voies de migration sûres et régulières à Tunis, le 21 mai 2024 - AFP/ FETHI BELAID

L'expert économique Bassam Al-Nifer a souligné l'importance des transferts de fonds dans la relance de l'économie et l'apport de ressources monétaires, notamment face à la difficulté d'obtenir des financements budgétaires de la part d'institutions internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI). Al-Nifer a souligné que les transferts de fonds comprennent à la fois les transferts en espèces et en nature, les transferts en nature atteignant 1,161 milliard de dinars (374,5 millions de dollars) en 2023.

La fréquence quotidienne et continue des transferts est également significative : en 2023, 25,3 millions de dinars (8,4 millions de dollars) ont été enregistrés quotidiennement durant les 251 jours ouvrables pour les banques. Ces transferts, convertis en dinars à l'arrivée, ne sont pas retirés du pays et sont principalement utilisés pour la consommation, bénéficiant à la fois à l'Etat et aux familles.

Un homme montre des billets de dinars tunisiens après avoir retiré de l'argent à un distributeur automatique en Tunisie - REUTERS/JIHED ABIDELLAOUI

Mohsen Hassan, ancien ministre du Commerce et professeur d'économie à l'Université de Tunis, reconnaît que les transferts de fonds augmentent le pouvoir d'achat et contribuent au service de la dette extérieure, qui a considérablement augmenté en 2024. Hassan a expliqué que l'environnement d'investissement en Tunisie comporte des obstacles qui découragent les expatriés d'investir dans leur pays, même si l'on espère que les futures réformes de la législation sur les changes encourageront davantage d'investissements.

En fin de compte, les transferts de fonds des Tunisiens à l'étranger sont essentiels pour l'économie du pays, car ils fournissent des devises et soutiennent les familles, bien qu'il y ait des défis importants à relever pour canaliser ces transferts vers des investissements productifs qui stimuleront le développement économique à long terme.