Les experts se demandent si le mouvement cède aux pressions extérieures ou s'il s'agit d'un changement de stratégie militaire et de sécurité

Amendements constitutionnels pour permettre à l'armée algérienne d'intervenir à l'étranger

PHOTO/REUTERS - Une photo d'archive montre des soldats algériens montant la garde à l'usine à gaz de Tiguentourine à In Amenas, à 1600 km au sud-est d'Alger

Les amendements proposés à la Constitution algérienne, y compris une disposition permettant à l'armée de participer à des missions à l'étranger contrairement au dogme militaire précédent, viennent d'être rendus publics. Cette initiative coïncide avec l'intention du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, de se saisir du dossier du Sahara, ouvrant ainsi de nombreuses attentes d'un éventuel accord qui ont jusqu'à présent échoué ces dernières années en raison de l'attitude de l'establishment militaire responsable du conflit avec le Maroc.

Sur la base du projet publié par la présidence algérienne, l'armée pourra agir en dehors des frontières du pays. Cette mesure a surpris à la fois l'opinion publique et les partis politiques, qui pendant des décennies étaient habitués à un discours très différent sur les tâches et les règles d'engagement de l'armée.

Selon les nouveaux amendements, le président algérien peut consulter le parlement avant d'autoriser l'armée à participer à des missions en dehors des frontières du pays. Ce serait un changement majeur dans l'approche des questions militaires et diplomatiques. Ce pays du Maghreb, riche en pétrole, s'est toujours abstenu d'envoyer des forces armées pour des missions en dehors de ses frontières, conformément aux termes de la Constitution.

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Cependant, ces dernières années, l'Algérie a subi de fortes pressions pour impliquer son armée dans des tâches de sécurité militaire à l'étranger, en particulier dans des missions anti-terroristes dans la région. La France et les États-Unis ont tous deux appelé Alger à se joindre à la guerre régionale contre le terrorisme et le crime organisé.

La position de l'Algérie a conduit le pays à subir une série de revers diplomatiques et stratégiques, surtout après l'implication militaire de la France dans la lutte contre les groupes djihadistes au Mali, avec lequel l'Algérie partage de longues frontières. L'Algérie est absente de l'opération Barkhan menée par la France contre les insurgés maliens depuis 2012. Il a également été absent de la force anti-terroriste africaine, qui comprend cinq contingents africains travaillant sur les questions de sécurité dans la région du Sahel et du Sahara avec l'aide de la France.

L'Algérie a été marginalisée par son refus de permettre à ses unités militaires de se déployer en dehors de ses frontières territoriales, conformément à la Constitution du pays.

Raisons du changement de doctrine

La nouvelle étape prévue par l'Algérie soulève des questions sur ses motivations. Certains l'ont interprétée comme une capitulation devant les pressions extérieures, tandis que d'autres y ont vu un changement dans la stratégie militaire et sécuritaire du pays adoptée par les principaux dirigeants pour faire face aux menaces croissantes aux frontières orientales et méridionales de l'Algérie avec les événements en Libye et au Mali. Les projets d'amendements suggèrent également un changement dans la perception de la sécurité de l'Algérie, car ils donneraient à l'armée d'autres options que celle d'attendre qu'elle batte en retraite face aux menaces venant de l'intérieur des frontières du pays.

La question n'a jusqu'à présent suscité aucune réaction significative, peut-être parce que tout le monde est préoccupé par la pandémie actuelle. Le soutien de l'armée algérienne est susceptible d'être convoité par les puissances extérieures, étant donné sa position de leader parmi les forces militaires de la région.

Les nouveaux acteurs du pays peuvent être disposés à adopter calmement des amendements qui introduisent un changement majeur dans le dogme militaire, tandis que l'attention se concentre sur d'autres questions plus controversées, comme l'avenir de l'Amazigh au sein de l'identité nationale, la création du poste de vice-président et le rejet de l'Islam politique.

Un nouveau pacte pour les Amazighs

Les amendements proposés suggèrent que la question de la langue amazighe devrait être résolue une fois pour toutes. Cela a surpris ceux qui soutiennent le gouvernement mais s'opposent aux exigences des défenseurs pro-amazighs. Nombreux sont ceux qui considèrent les suggestions sur la question berbère comme une tentative de faire appel aux groupes pro-amazighs pour aider à restaurer la stabilité politique et sociale du pays après plus d'un an de troubles.

Le militant Noureddine Khettal a été l'un des premiers à faire part de sa réaction sur la question, exprimant une forte indignation face à ce qu'il considère comme une "trahison" des fondements politiques posés par le défunt chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaid Saleh. Dans un enregistrement audio publié sur son site officiel, il a demandé à ses partisans de se préparer à faire avorter la nouvelle constitution, exprimant sa déception face à l'attitude de ceux qu'ils ont aidés lors des élections présidentielles de décembre dernier.

Les autorités semblent compter sur la publication des projets d'amendements pour attirer l'attention de la population et gagner son soutien, ou du moins détourner l'attention des protestations de Hirak qui risquent de reprendre à la fin de la crise de santé publique du pays.