Borrell fait le bilan de sa visite à Moscou et la Russie est "surprise"
Le haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell, a exprimé dimanche sa profonde inquiétude face au refus des autorités russes d'engager un dialogue "plus constructif" avec l'Union européenne.
"Les autorités russes n'ont pas voulu saisir l'occasion d'avoir un dialogue plus constructif avec l'UE. C'est regrettable et nous devrons en tirer les conclusions (...) Il appartiendra aux États membres de décider des prochaines étapes, et oui, celles-ci pourraient inclure des sanctions", a-t-il déclaré dans un message posté sur son compte Twitter à son retour d'un voyage à Moscou la semaine dernière. Pour la première fois, Borrell a ouvert la porte à l'activation de la règle européenne récemment approuvée qui permet d'imposer des sanctions pour les violations des droits de l'homme, à l'instar de la loi américaine Magnitisky. Si des sanctions devaient être imposées, la décision devrait être prise à l'unanimité sur proposition des États membres.
La Russie a été "surprise" par le bilan du haut représentant de sa rencontre avec le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, car il estime qu'il diffère de celui qu'il a fait à Moscou vendredi dernier.
"C'est avec surprise que nous avons pris connaissance de l'évaluation faite par M. Borrell des résultats de la visite, qui diffèrent fortement de ses déclarations lors de la conférence de presse à Moscou", a déclaré aujourd'hui le ministère des affaires étrangères à l'agence de presse officielle russe TASS.
Les dirigeants européens se réuniront le 22 février pour tirer les conclusions de la mission effectuée par M. Borrell et décider des mesures à prendre face au rejet par le Kremlin des demandes de libération du chef de l'opposition Alexey Navalny et à l'expulsion de trois diplomates européens lors de la rencontre entre M. Borrell et le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov.
L'affaire Navalny a été la dernière pierre d'achoppement dans les relations entre le bloc de l'UE et Moscou, d'abord après son empoisonnement, puis pour son arrestation à son retour d'Allemagne où il avait reçu un traitement médical. Borrell a appelé la Russie à libérer le leader de l'opposition, qui devra purger deux ans et huit mois de prison pour une vieille affaire, ainsi que d'autres personnes emprisonnées pour avoir protesté contre le gouvernement russe.
"Bien sûr, nous avons parlé de l'affaire Navalny et des personnes détenues lors des manifestations et j'ai fait part au ministre Lavrov de notre profonde inquiétude et réitéré notre demande d'une enquête impartiale sur son empoisonnement", a déclaré M. Borrell.
Face aux plaintes de l'ancien ministre des affaires étrangères, le chef de la diplomatie russe a contre-attaqué en disant que dans certains pays européens, il y avait également un usage excessif de la force lors de manifestations et des "décisions judiciaires soupçonnées d'être motivées par des raisons politiques". La tension a atteint le point d'attaquer personnellement Borrell sur les politiciens indépendantistes catalans emprisonnés.
"Les leaders indépendantistes catalans sont en prison pour avoir organisé un référendum, une décision que la justice espagnole n'a pas annulée malgré les décisions des tribunaux allemands et belges qui s'y opposent". "Face à cela, l'Espagne a défendu son système judiciaire et a demandé à ne pas douter de ses décisions. C'est ce que nous attendons de l'Occident en termes de réciprocité", a soutenu M. Lavrov, établissant un parallèle avec l'affaire Navalny.
L'autre grand moment de tension lors de la visite de Borrell a eu lieu lors du déjeuner avec Lavrov, lorsque le chef de la diplomatie européenne a appris la nouvelle de l'expulsion de trois diplomates européens - d'Allemagne, de Pologne et de Suède - qui ont été déclarés "persona non grata" accusés d'avoir participé aux manifestations de l'opposition.
Selon les médias, Borrell a fait part à Lavrov de son indignation face à la décision prise par les autorités russes.
Le haut représentant a insisté sur le fait que "l'État de droit, les droits de l'homme, la société civile et la liberté politique" sont essentiels pour construire un "avenir commun" entre la Russie et l'Europe.
Josep Borrell a profité de cette visite pour rencontrer des représentants de l'opposition et des défenseurs des droits de l'homme. En outre, un membre de son équipe a rencontré l'avocat de Navalny.
"Ma rencontre avec le ministre Lavrov et les messages envoyés par les autorités russes lors de cette visite ont confirmé que les relations entre l'Europe et la Russie sont à la dérive. Il semble que la Russie se déconnecte progressivement de l'Europe et considère les valeurs démocratiques comme une menace existentielle". C'est la conclusion du chef de la diplomatie européenne après l'échec de la tentative de jeter des ponts.