Le canal de Suez cherche à se repositionner comme une route sûre et rentable

Conteneurs sur un navire, appartenant à Ocean Network Express (ONE), traversant le canal de Suez à Ismailia, en Egypte - REUTERS/MOHAMED ABD EL GHANY
Après la diminution de la menace houthiste dans la région de la mer Rouge 
  1. Défis économiques et tensions régionales
  2. Changement de cap : repositionner le canal de Suez comme une route sûre et rentable
  3. Importance du canal

Le canal de Suez, artère maritime vitale qui relie la Méditerranée à la mer Rouge, a lancé une offre de remboursement de 15 % pour les porte-conteneurs de 130 000 tonnes ou plus. Cette initiative s'inscrit dans le cadre d'un ensemble de mesures visant à inciter les grandes compagnies maritimes à reprendre le trafic sur cette route stratégique, dans un contexte où la menace terroriste houthie dans la région de la mer Rouge s'est considérablement atténuée. 

Défis économiques et tensions régionales

L'escalade des tensions a commencé en septembre 2023, lorsque les Houthis, un groupe insurgé chiite soutenu par l'Iran qui contrôle le nord-ouest du Yémen, ont lancé une série d'attaques contre des navires commerciaux et des navires de guerre dans la mer Rouge. Leurs actions, qui visaient principalement des navires liés à Israël et à ses alliés, ont été revendiquées dans le cadre d'une campagne de soutien à la cause palestinienne. À ce jour, des attaques ont été perpétrées contre des dizaines de navires commerciaux et plus de 170 navires militaires américains. 

En conséquence, en 2024, les recettes du canal de Suez ont chuté de 61 %, tombant à 3,991 milliards de dollars, contre un record de 10,25 milliards l'année précédente. Cette chute brutale a contraint une grande partie du trafic maritime à rechercher des itinéraires alternatifs. On estime que plus de 90 % des porte-conteneurs qui traversaient habituellement le canal ont choisi de contourner le continent africain par le cap de Bonne-Espérance, un itinéraire considérablement plus long et plus coûteux. 

Cargo traversant le canal de Suez - PHOTO/FILE

Changement de cap : repositionner le canal de Suez comme une route sûre et rentable

Après le récent accord de cessez-le-feu entre les États-Unis et le groupe houthi, et grâce à de nouvelles mesures mises en œuvre pour regagner la confiance des grandes compagnies maritimes, le canal de Suez commence à montrer des signes de reprise. 

Au cours des derniers mois, l'Autorité du canal de Suez (SCA) a intensifié ses négociations avec les principales compagnies maritimes, notamment des géants tels que CMA CGM et Maersk. 

Le président de la SCA, Osama Rabie, a exhorté les compagnies maritimes à reprendre le trafic sur la route égyptienne. Lors d'une conférence au siège de l'Autorité à Ismaïlia, Rabie a déclaré : « J'appelle tous les ambassadeurs à faire savoir à leurs compagnies maritimes que la mer Rouge est désormais sûre. La dernière attaque des Houthis remonte à l'année dernière. Je ne vois aucune raison de s'inquiéter ».

Selon Rabie, depuis février, 264 navires au total ont changé de cap pour retourner dans le canal de Suez au lieu d'emprunter la route alternative du cap de Bonne-Espérance. Il a également souligné une « légère amélioration » des indicateurs de navigation au cours du mois de mars, avec une augmentation de 2,4 % du nombre de navires par rapport à janvier. « Je ne vois aucune justification pour que les navires empruntent la route du cap de Bonne-Espérance, car cela implique des heures supplémentaires de navigation, des salaires plus élevés pour l'équipage, des coûts supplémentaires de carburant et davantage d'émissions polluantes », a déclaré M. Rabie. Il a également assuré que, malgré la crise, « la navigation dans le canal de Suez n'a pas été interrompue un seul jour ». 

Afin de renforcer cette reprise, la SCA a annoncé une réduction de 15 % des droits de transit pour les porte-conteneurs d'un poids net égal ou supérieur à 130 000 tonnes, mesure qui restera en vigueur pendant 90 jours. Cette initiative vise à « encourager les grandes compagnies maritimes » à revenir sur cette route stratégique, car ces navires transportent généralement des cargaisons comprises entre 120 000 et 200 000 tonnes. 

Toutefois, le risque d'une aggravation de la situation reste présent. En mai, les Houthis ont réitéré leur intention de reprendre les attaques contre tout navire lié à Israël. Ces derniers jours, les tensions croissantes entre l'Iran et Israël, ajoutées à l'intervention militaire des États-Unis, ont ravivé les menaces du groupe yéménite, qui met désormais en garde contre d'éventuelles attaques contre des navires américains.

Réservoirs de gaz d'une usine près du golfe de Suez sur la route du désert près du Caire - REUTERS/AMR ABDLLAH DALSH

Importance du canal

Depuis son inauguration en 1869, le canal de Suez est un point crucial pour les puissances occidentales, car il constitue un lien indispensable entre l'Europe et ses colonies et marchés en Asie et en Afrique. 

Dans les années 1950, Gamal Abdel Nasser, inspiré par la nationalisation du pétrole en Iran menée par Mohammad Mossadegh, a décidé de nationaliser le canal, qui était jusqu'alors sous contrôle français et britannique. La réponse des puissances européennes fut rapide et sans appel : en pleine guerre froide, la France et le Royaume-Uni, sans en informer ni se coordonner avec les États-Unis, s'allièrent secrètement avec Israël pour reprendre le contrôle du canal par une intervention militaire. Cet événement marqua un tournant historique, illustrant la grande importance géopolitique et économique de cette infrastructure. 

Aujourd'hui, cette importance demeure, même si le contexte international a changé. Environ 12 % du commerce mondial transite par le canal de Suez, ce qui représente près de 30 % du trafic mondial de conteneurs, transportant plus de 1 000 milliards de dollars de marchandises par an. En termes d'hydrocarbures, le canal transporte environ 7 à 10 % du pétrole mondial, soit près d'un million de barils de pétrole par jour, ainsi qu'environ 8 % du gaz naturel liquéfié.