L'incapacité à former un exécutif a encore exacerbé la crise économique du pays

Dernière chance de parvenir à un accord de gouvernement au Liban

REUTERS/SATISH KUMAR - Le Premier ministre libanais Saad Hariri

Le Liban est depuis longtemps un cocktail prêt à exploser. L'urgence de la crise économique et l'incapacité de la classe politique libanaise à former un nouveau gouvernement se conjuguent désormais avec l'arrivée d'une date critique pour la société libanaise : l'anniversaire de l'explosion du port de Beyrouth. À l'approche de ce jour important, la population est descendue dans la rue pour demander des comptes sur l'explosion.

Ces derniers jours, des affrontements ont eu lieu entre des proches des victimes et les forces de sécurité devant la résidence du ministre de l'Intérieur par intérim, Mohamad Fahmi. Les manifestants devant la résidence du Premier ministre, qui a rejeté la semaine dernière la demande du juge chargé de l'enquête sur les explosions d'interroger le chef des services de sécurité du pays, Abbas Ibrahim, ont exigé que les autorités fassent progresser l'enquête.

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L'explosion du port de Beyrouth en août dernier a déclenché une vague de protestations contre le gouvernement qui a conduit à la démission du Premier ministre libanais Hasan Diab et de l'ensemble de son cabinet. Depuis lors, le Liban a été incapable de former un nouveau gouvernement. Saad Hariri a été nommé premier ministre et est chargé de former un nouvel exécutif, ce qui n'est pas une tâche facile. Hariri et le président libanais, Michel Aoun, n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur le portefeuille ministériel.

La dernière rencontre entre le premier ministre, M. Hariri, et le président, M. Aoun, a eu lieu le 22 mars, et les deux dirigeants ont une nouvelle fois démontré leur incapacité à trouver un accord. Aoun, avec le Mouvement patriotique libre, exige la nomination de ministres chrétiens au sein du gouvernement et l'augmentation de leur nombre à 20, ce qui permet la présence d'un troisième bloc en faveur du président. De son côté, Hariri insiste sur un gouvernement de spécialistes basé sur l'initiative française et le soutien tacite de certaines forces du pays, comme le Mouvement Amal. 

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Face au refus d'Aoun d'accepter sa proposition initiale de 18 ministres, le Premier ministre libanais a accepté de porter ce nombre à 24 et de trouver un accord sur le portefeuille de l'intérieur. Mais malgré cela, le président libanais continue d'exiger la nomination de dix ministres, ce qui rend difficile la conclusion d'un accord de gouvernement. Face à cette impasse politique, Hariri a fait un voyage éclair en Égypte pour chercher le soutien du pays d'Afrique du Nord.

Le Premier ministre libanais s'est rendu au Caire où il a rencontré le président égyptien, Abdel Fattah al-Sisi. Al-Sisi a exhorté les partis politiques libanais à "faire passer l'intérêt suprême du pays avant les intérêts individuels". Le président égyptien a également réaffirmé "le soutien total de l'Égypte à la voie politique de M. Hariri, qui vise à rétablir la stabilité au Liban".

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Pour sa part, M. Hariri a salué les efforts "persistants" du Caire dans son soutien "à tous les niveaux" au Liban, "et en particulier au niveau politique et économique". Il a également souligné l'importance de renforcer les "relations historiques" entre les deux pays et a remercié l'Égypte pour "son rôle essentiel en tant que pilier de la stabilité dans le monde arabe". En outre, le Premier ministre libanais a rencontré le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukry, qui a déclaré le soutien de l'Égypte à la "sortie du Liban de la situation actuelle, et la nécessité pour toutes les parties libanaises de donner la priorité aux meilleurs intérêts du Liban avant tout autre intérêt".

Après sa visite en Egypte, Hariri s'est rendu directement à Baabda où il a tenu une réunion d'une demi-heure avec le président Aoun à qui il a présenté une nouvelle version du portefeuille ministériel composé de 24 ministres. A l'issue de sa rencontre avec le président libanais, M. Hariri a déclaré que "l'heure de la vérité a sonné". Le Premier ministre libanais a confirmé qu'il attendait une réponse jeudi à sa proposition, "afin que je puisse agir en conséquence", au cas où elle serait à nouveau rejetée. M. Hariri a envisagé de démissionner après onze mois d'impasse politique.

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L'incapacité à former un gouvernement au Liban a encore exacerbé la crise économique du pays. La mise en place d'un cabinet est cruciale pour la mise en œuvre des réformes, condition sine qua non de l'aide internationale qui pourrait venir à bout d'une crise profonde marquée par l'hyperinflation, l'appauvrissement de la moitié de la population et la pénurie de produits de première nécessité.

Dans ce contexte de pression diplomatique internationale, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a annoncé qu'un "consensus" avait été trouvé entre les États membres de l'Union européenne pour mettre en place "avant la fin du mois un cadre juridique de sanctions contre les responsables libanais accusés d'être impliqués dans l'impasse politique".