La décision de Washington pourrait tendre les relations avec Ankara après la rencontre entre Biden et Erdogan au sommet de l'OTAN

Les États-Unis ajoutent la Turquie à la liste des pays impliqués dans l'utilisation d'enfants soldats

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Pour la première fois, les États-Unis inscrivent un pays de l'OTAN sur la liste des pays liés au recrutement de mineurs. Washington considère que la Turquie est impliquée dans l'utilisation d'enfants soldats en raison de son soutien à la brigade turkmène Sultan Murad en Syrie, qui compterait des mineurs dans ses rangs.

"En tant que leader régional respecté et membre de l'OTAN, la Turquie a la possibilité de s'attaquer à ce problème : le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats en Syrie et en Libye", a déclaré aux journalistes un haut fonctionnaire du département d'État. Le rapport de l'institution sur la traite des êtres humains a également exhorté la Turquie à cesser "le soutien opérationnel, en nature et financier aux groupes d'opposition armés en Syrie qui recrutent des enfants soldats".

Les pays cités dans le rapport américain, dont le Yémen, l'Iran et l'Irak, sont soumis à des restrictions en matière de licences commerciales dans le secteur militaire. Toutefois, le porte-parole du département d'État, Ned Price, n'a pas précisé si la Turquie ferait l'objet d'une quelconque sanction.

Des organisations internationales telles que les Nations unies ont également souligné le lien entre la Turquie et certaines milices syriennes accusées de cibler des civils et de procéder à des enlèvements. L'ONU a exhorté Ankara à maîtriser ces groupes. Cependant, la Turquie poursuit sa campagne militaire contre les forces kurdes dans le nord de la Syrie. 

Plusieurs médias internationaux, comme Al-Monitor, ont également fait état de l'utilisation de mineurs syriens dans la guerre en Libye. Ces jeunes hommes auraient été transférés dans le pays d'Afrique du Nord par la Turquie, alors qu'ils combattaient pour Khalifa Haftar, qui est également soutenu par l'Égypte. Comme le souligne Al-Monitor, ces mineurs reçoivent un salaire et une formation militaire dans les camps.

"Si la Turquie et le gouvernement d'entente nationale, qui est reconnu par l'ONU comme le représentant légitime de la Libye, facilitent le déploiement d'enfants de moins de 18 ans pour combattre en Libye, ils commettent une grave violation des droits de l'homme", a averti Mehmet Balci, fondateur de l'ONG Fight for Humanity. 

Ce rapport intervient à un moment particulièrement sensible, alors que les États-Unis et la Turquie tentent de résoudre les tensions passées afin d'établir des liens solides. Lors du dernier sommet de l'OTAN, les présidents Joe Biden et Recep Tayyip Erdogan ont eu "une bonne rencontre bilatérale", selon les termes du dirigeant américain. "Nous avons eu des discussions détaillées sur la façon de procéder sur un certain nombre de questions. Nos pays ont des agendas larges et nos équipes vont poursuivre ces discussions", a ajouté Biden.

Erdogan, quant à lui, a réitéré les propos de son homologue, notant l'"approche constructive" avec laquelle ils ont abordé les "intérêts communs" et les questions sur lesquelles ils sont en désaccord.

L'Afghanistan est l'un des points sur lesquels les deux pays peuvent coopérer après septembre, lorsque toutes les troupes de l'OTAN se seront retirées du pays. La Turquie a proposé d'administrer l'aéroport international de Kaboul, tandis que les États-Unis ont déjà annoncé qu'ils continueraient à collaborer avec le gouvernement afghan. Pour cette raison, Washington a préféré ne pas employer un ton dur avec Ankara concernant le rapport sur la traite des êtres humains.

"En ce qui concerne la traite des êtres humains, je ne voudrais pas lier le rapport d'aujourd'hui aux discussions constructives que nous avons avec la Turquie dans le contexte de l'Afghanistan ou de tout autre domaine d'intérêt commun", a souligné Ned Price. Le porte-parole du département d'État a également qualifié la Turquie de "partenaire très constructif et utile".

Ce rapport accuse également la Syrie de continuer à "arrêter, détenir et maltraiter gravement les victimes de la traite, y compris les enfants soldats". Le document a placé le pays du Moyen-Orient dans la "catégorie 3", celle dans laquelle les gouvernements font le moins pour combattre la traite des êtres humains. Le département d'État met particulièrement en garde contre la situation dans le camp syrien d'Al-Hol, un lieu qui abrite des membres des familles des miliciens de Daech. Selon le rapport, ces personnes vulnérables peuvent faire l'objet d'un trafic. 

Il en va de même pour les milices kurdes, selon Washington. Les Unités de protection du peuple kurde (YPG) et les Unités de protection des femmes (YPJ) "continuent de recruter et d'utiliser des enfants âgés d'à peine 12 ans", comme le rapporte le Département d'État.