Le journaliste algérien Khaled Drareni condamné à trois ans de prison
Le journaliste algérien Khaled Drareni, en détention depuis fin mars, a été condamné lundi à trois ans de prison, a déclaré à l'agence de presse AFP l'avocat de son groupe de défense, Nouredine Benissad. Cette annonce fait suite à un procès que beaucoup considéraient comme un test pour la liberté d'information et d'expression en Algérie. "C'est un verdict très sévère pour Khaled Drareni. Trois ans de travail acharné. Nous sommes choqués. Le dossier est vide", a déclaré l'avocat, qui est également président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH).
Le 3 août, le procureur avait demandé quatre ans de prison pour le directeur du site d'information Casbah Tribune et le correspondant algérien de la chaîne de télévision française Tv5 Monde et de l'ONG Reporters sans frontières (RSF). Drareni, correspondant en Algérie de la chaîne de télévision française TV5-Monde et membre de l'association Reporters sans frontières (RSF), a pris position en faveur de "Hirak", le mouvement de protestation qui a forcé l'ancien président algérien Abdelaziz Bouteflika à démissionner.
A 40 ans, Khaled Drareni est accusé d'"incitation à un rassemblement non armé" et d'"atteinte à l'unité nationale" après avoir couvert une manifestation du 7 mars à Alger par "Hirak", le soulèvement populaire qui a secoué l'Algérie pendant plus d'un an jusqu'à sa suspension il y a quelques mois en raison de la pandémie. Emprisonné depuis le 29 mars à la prison de Kolea, près d'Alger, il a été jugé en même temps que deux figures de "Hirak", Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, qui ont été condamnés à deux ans de prison (quatre mois sans sursis).
Pour les mêmes motifs, ces deux derniers ont bénéficié d'une libération provisoire le 2 juillet, tandis que Drareni est resté en prison. Lors de l'audition par vidéoconférence, au cours de laquelle il est apparu plus mince, Khaled Drareni a rejeté toutes les accusations portées contre lui. Il a affirmé qu'il n'avait fait que son "travail de journaliste indépendant" et avait exercé "son droit d'informer". Lors du procès, il a été accusé d'avoir critiqué le système politique sur Facebook et d'avoir publié le communiqué d'une coalition de partis politiques en faveur d'une grève générale, selon RSF.
"Les autorités algériennes doivent libérer Khaled Drareni immédiatement et sans condition, d'autant plus qu'il n'y a aucune preuve qu'il ait fait autre chose que son travail de journaliste", a déclaré le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), une ONG basée aux États-Unis, dans un communiqué. Le quotidien francophone El Watan avait décrit l'annonce du verdict comme "un test important pour le pouvoir politique et judiciaire actuel". "Soit il montre une volonté claire d'ouvrir une nouvelle ère de calme politique, soit il reste bloqué dans le mauvais état actuel, dont la principale marque est l'atteinte à la liberté d'expression", a déclaré le journal dans un récent éditorial.
"Si Khaled Drareni n'est pas libéré dans les prochaines semaines, nous travaillerons à informer l'opinion publique de la réalité de la répression en Algérie et à mobiliser les organisations internationales et les gouvernements", a promis RSF avant le verdict. "Cette décision soulève le cœur et l'esprit en raison de son caractère arbitraire, absurde et violent. #FreeKhaled #FreeKhaledDrareni", a tweeté le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, punissant la "justice à l'ordre" et la "persécution judiciaire".
Au cours des derniers mois, la justice algérienne a multiplié les poursuites et les condamnations de militants liés au "Hirak", d'opposants politiques, de journalistes et de blogueurs. Certains journalistes ont été accusés par le régime de semer la discorde, de menacer l'intérêt national et d'être à la solde de "partis étrangers". L'Algérie est classée 146e (sur 180) dans le classement mondial de la liberté de la presse 2020 de RSF. Il a perdu cinq places par rapport à 2019 (141) et 27 places par rapport à 2015 (119).