L’intimidation se poursuit contre Karim Tabbou, l’un des principaux opposants politiques algériens
Avec stupéfaction, Karim Tabbou, porte-parole de l'Union démocratique et sociale (UDS) a découvert à 03 heures du matin sa voiture stationnée à quelques mètres de son domicile, saccagée et minutieusement fouillée. L’on ne peut conclure à un acte de vandalisme ou de vol pour la simple raison, comme il l’indique dans une vidéo diffusée sur sa page Facebook, que sur une vingtaine de voitures, seule la sienne a reçu la visite nocturne de ces étranges créatures qui avaient un message à lui transmettre. Un message d’intimidation pour le mettre en garde contre toute tentative de manifestation publique en cette période marquée par les manœuvres des décideurs de l’ombre pour préparer l’élection présidentielle de décembre 2024.
Licencié en sciences économiques à l’Université de Tizi Ouzou, marié, père d'un garçon et d'une fille, Karim Tabbou était militant du Front des Forces Socialistes (FFS), fondé par feu Hocine Aït-Ahmed, l’un des membres historiques du déclenchement de la guerre de l’indépendance et qu’il avait présidé de 2006 à 2011 avant de fonder l’UDS auquel le pouvoir en place avait refusé de lui accorder l’agrément.
Le 11 septembre 2019 il est arrêté par des agents des services de sécurité qui s’étaient présentés à son domicile à Douera (Banlieue Ouest d'Alger). Il est inculpé pour « atteinte au moral de l'armée », pour ses déclarations tenues le 8 mai 2019 à Kherrata, la ville historique des manifestations du 8 mai 1945.
Il est libéré sous condition le 25 septembre23, puis de nouveau arrêté le lendemain. Les nouveaux chefs d'accusation concernent un appel à manifester à l'occasion de la fête de l'indépendance le 5 juillet, ainsi que des publications sur Facebook. Il est dès lors placé à l'isolement. Ses avocats affirment que Tabbou a été victime de violences et insulté par ses geôliers.
Le 20 janvier, sa détention provisoire est prolongée. Dans le cadre de son accusation pour « atteinte au moral de l’armée » et « atteinte à l’unité nationale », il est condamné le 11 mars à une année de prison, dont six mois avec sursis, ainsi qu'à une amende, cette condamnation lui permettant une sortie de prison le 25 mars. La veille de sa libération, le 24 mars, il est condamné en appel à un an de prison ferme, dans des conditions contestées par ses avocats, empêchant ainsi sa sortie de prison.
Alors que le procureur a fait appel de la première condamnation, son procès a été programmé alors que le ministère avait ajourné les procès du 16 au 31 mars. Le Parlement européen qualifie sa condamnation « d'incompréhensible » et « contraire à l'État de droit », ajoutant que « la condamnation de Karim Tabbou en appel hier, et en l'absence de ses avocats, va à l'encontre de son droit à un procès équitable dont il bénéficie en vertu du droit algérien ainsi que des conventions internationales ratifiées par l'Algérie ». Il est libéré sous condition le 2 juillet.
Son second procès — reporté plusieurs fois — a lieu le 30 novembre 2020. Il est finalement condamné à 1 an de prison avec sursis ; l'accusation d’ « atteinte à l'image de l'armée » n'est plus retenue, les faits reprochés étant requalifiés en « incitation à la violence ».
Il a été libéré le 29 avril 2021 sous contrôle judiciaire par le juge instructeur près le tribunal de Bir Mourad Raïs. Karim Tabbou est accusé d’ « incitation à attroupement non armé », « insultes », « outrage à corps constitué durant l’exercice de ses fonctions », « atteinte au respect dû aux morts dans les cimetières », « prise et publication d’images sans autorisation » et « atteinte à l’unité nationale ». Des accusations prêtes à porter pour tous les opposants politiques.
Le 10 juin 2021, il est arrêté à 48 h des élections législatives anticipées du 12 juin en Algérie.
Le 29 avril 2022, La Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH) a annoncé l’interpellation de Karim Tabbou, « On ne sait pas encore les motifs de cette nouvelle arrestation », a précisé l’organisation de défense des droits humains.
Le 23 mai 2023, il est à nouveau arrêté et placé en garde à vue, puis placé sous contrôle judiciaire le 25 mai 2023, sans que les motifs en soient connus. Les avocats ont été informés que quatre charges étaient retenues contre lui, sans plus de précisions.
Des mesures fermes sont prises contre les figures de proue du hirak, ce mouvement de contestation populaire qui avait fait avorter la reconduite de Bouteflika pour un 5ème mandat. A une année de la présidentielle on joue serré pour empêcher le réveil du hirak difficilement stoppé grâce à la pandémie de Covid 19.