Première manifestation de mécontentement social dans les premiers jours de l'année en Tunisie. La grève lancée par la puissante centrale syndicale UGTT a fait descendre dans la rue les travailleurs de la société publique de transport, Transtu, pour réclamer le paiement des salaires et des primes de fin d'année.
Au bord de la faillite, des centaines de manifestants et de travailleurs de ce secteur se sont rassemblés devant le ministère des finances pour attendre une réponse du gouvernement de Kais Saied. Ils attendent une solution depuis novembre, lorsqu'ils ont suspendu une autre grève en raison d'un accord qui, selon les travailleurs de Transtu, n'a pas été respecté par le gouvernement. "La situation financière de la société est vraiment difficile", a déclaré le porte-parole de la société publique de transport, Hayat Chamtouri.
Pour l'instant, la grève devrait se poursuivre jusqu'à ce que "les demandes des employés de la compagnie soient satisfaites", selon le secrétaire général de la fédération des transports affiliée à l'UGTT, Wajih al-Zaidi. "Les employés ont des obligations et certains ne peuvent pas payer leurs prêts", a-t-il dénoncé.
En raison de cette grève, le trafic de métro et de bus a été paralysé dans la capitale tunisienne pendant toute la journée. Le ministère des Transports a dénoncé la grève comme ayant perturbé "le fonctionnement des services publics et les intérêts des citoyens".
Tens of thousands left stranded as Tunis's busiest train/bus station sits empty after a sudden #Strike in Public transportation.#Tunisia#Strike pic.twitter.com/cLrshoBmb3
— Souhail Khmira (@SKhmira) January 2, 2023
En tout cas, ces manifestations sont conformes à la menace que l'UGTT a projetée à l'exécutif de Kais Saied d'"occuper les rues" lorsqu'il a rejeté les nouveaux budgets du gouvernement. A tel point que le syndicat a appelé à de nouvelles journées de grève pour les transports aériens, terrestres et maritimes les 25 et 26 janvier pour protester contre ce que l'UGTT considère comme "la marginalisation des entreprises publiques par le gouvernement".

La réponse du gouvernement à cette grève a été de prolonger l'état d'urgence dans le pays jusqu'au 30 janvier, à titre préventif, pour éviter des protestations aléatoires. Cette exception donne au ministère de l'Intérieur le pouvoir d'interdire des rassemblements ou de déclarer des couvre-feux. Cependant, le problème financier continuera à faire pression sur le pays.
La Tunisie traverse sa pire crise financière, avec une dette dépassant 100 % du produit intérieur brut (PIB). La seule alternative pour le gouvernement pour sortir de cette situation est un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), auprès duquel il espère obtenir un crédit de 1,8 milliard de dollars, le troisième prêt de la dernière décennie. Pour y parvenir, le gouvernement de Kais Saied devra mettre en œuvre des politiques particulièrement délicates, telles que la restructuration des entreprises publiques, le gel des salaires et la réduction des subventions sur les produits énergétiques et alimentaires.
Le ministre des Finances lui-même, Samir Saied, a prévu que 2023 serait une année particulièrement difficile et que l'inflation pourrait dépasser 10 %. Face à cette situation, le secrétaire général de l'UGTT, Noueddine Taboubi, a assuré que le syndicat présentera une initiative "pour sauver le pays de l'effondrement avec les composantes de la société civile, en toute indépendance et loin des tensions politiques".

Cette évocation de la politique n'est pas éloignée de la réalité en Tunisie. Le mécontentement de la population s'est traduit par un taux d'abstention très élevé lors des deux dernières consultations populaires : le référendum pour l'approbation de la Constitution rédigée unilatéralement par le président Kais Saied, avec 70% d'abstention, et les élections législatives, qui n'ont enregistré qu'une participation de 11%. Cela reflète le mécontentement face à la concentration croissante du pouvoir entre les mains du président Saied.
Le gouvernement prévoit d'organiser un second tour des élections législatives au cours de la première semaine de février, tandis que l'UGTT exhorte le gouvernement à engager un dialogue "sérieux" pour trouver une solution à la grave crise que traverse la Tunisie.