L'abrogation de la loi nigérienne menace la Tunisie et la Libye d'une vague d'immigration clandestine

La junte militaire nigérienne a tiré la sonnette d'alarme aux frontières tunisienne et libyenne. Suite à la mise en demeure de l'Union européenne, le Niger a choisi d'abroger une loi sanctionnant le franchissement illégal des frontières, et l'on s'attend à une forte augmentation des flux migratoires, en particulier vers la Tunisie et la Libye. Cependant, comme dans tous ces cas, la destination finale sera le continent européen.
Le porte-parole du Premier ministre, Ali Al-Amin Zein, a annoncé que le chef de la junte militaire, Abderrahmane Tiani, avait abrogé cette loi. De plus, il a affirmé qu'il l'avait fait en réponse aux sanctions annoncées par le Haut représentant de l'UE, Jose Borrell, qui a déclaré que ces sanctions "envoient un message clair selon lequel les coups d'État militaires ont un prix". Aujourd'hui, tout porte à croire que la menace concerne l'Europe, qui a suspendu sa coopération en matière de sécurité et mis fin à son soutien financier au Niger après le coup d'État.

Le 23 octobre, Bruxelles a annoncé qu'un nouveau cadre juridique avait été adopté pour traiter avec les individus ou les entités qui "menacent la paix, la stabilité et la sécurité du Niger". Malgré l'annonce des premières mesures qui, selon l'UE, viseraient ceux qui "portent atteinte à l'ordre constitutionnel ou commettent des violations graves des droits de l'homme ou du droit humanitaire international", la nature de ces mesures et leur ampleur spécifique n'ont pas encore été révélées.
Ce que l'on sait d'avance, c'est que le paquet de sanctions comprendra un gel des avoirs et une interdiction de voyager. Cependant, les observateurs soulignent déjà que cela pourrait avoir des conséquences plus négatives que positives pour le Vieux Continent, en particulier compte tenu des mesures prises par le Niger. Il existe désormais une réelle possibilité que des dizaines de milliers de personnes rejoignent les rives de la Méditerranée à partir de la Tunisie, en passant par la Libye et l'Algérie.

L'Algérie est précisément l'un des pays qui a motivé la loi de 2015 sanctionnant les migrants illégaux. En encourageant ces mouvements migratoires, l'Algérie mettait en péril la sécurité du pays nigérian et, par conséquent, des points de passage frontaliers, qui étaient - et seront encore plus maintenant - utilisés comme moyen de fuite vers l'Europe. La loi de 2015 incluait donc toute la chaîne des acteurs impliqués dans le trafic migratoire, y compris les passeurs qui font commerce de cette activité.
L'Union européenne s'est alors alignée sur le Niger et a créé un fonds de 1,88 milliard d'euros pour mettre fin à ce problème. Dans ce cas, l'accent a été mis sur la région du Sahel, de la Corne et de l'Afrique du nord. En effet, les bonnes relations entre Paris et Niamey ont facilité un cadre de collaboration contre la migration irrégulière, qui a été brisé par le coup d'État contre le président Mohamed Bazoum le 27 juillet dernier.

Dans ce contexte, et avec la nouvelle mesure de la junte militaire nigériane, tant la Tunisie que la Libye sont attentives à la vague prévisible de migration. Il ne faut pas oublier que la Libye accueille actuellement plus de 700 000 migrants illégaux, selon l'Organisation internationale pour les migrations. La Tunisie, quant à elle, en compte environ 100 000, dont la grande majorité est un pays de transit vers l'Europe. Et tout porte à croire que l'abrogation de la loi de 2015 entraînera une augmentation exponentielle de ces chiffres.