Les quatre hommes visés par les mandats d'arrêt, en pleine résurgence du Hirak, comprennent un blogueur, un journaliste et un dirigeant d'un groupe islamiste

L'Algérie lance des mandats d'arrêt contre des militants accusés de "terrorisme"

AFP/ RYAD KRAMDI - Le 22 février marque le deuxième anniversaire du Hirak, le mouvement populaire qui a conduit à la chute du président algérien Abdelaziz Bouteflika.

Un tribunal d'Alger a émis quatre mandats d'arrêt internationaux à l'encontre de quatre islamistes radicaux présumés, accusés de comploter pour transformer le mouvement populaire de protestation pacifique contre le régime militaire du Hirak en un mouvement violent.

Selon les médias, le mandat a été émis dimanche contre l'ancien diplomate Mohamed Larbi Zeitout, le blogueur Amir Boukhors - connu sous le nom d'"Amir Dz" - le journaliste Hichem Aboud et un ancien gendarme nommé Abdallah Mohamad, qui écrit sur le réseau social YouTube.

Zeitout, 57 ans, est l'un de leurs principaux leaders. Il a été affecté à l'ambassade d'Algérie en Libye en 1991. Puis, en 1995, il s'est exilé à Londres après avoir démissionné du service diplomatique. Selon le quotidien international Al-Sharq al-Awsat, Zeitout qui est placé en Espagne par les données de ses vidéos et appartiendrait au groupe islamiste Rachad, fondé en 2007 en exil et accusé d'être une cellule d'anciens membres du Front islamique du salut (FIS) tentant d'infiltrer la société pour radicaliser les manifestations contre le régime. 

La branche armée du FIS était l'un des groupes terroristes les plus violents et les plus sanguinaires de la guerre civile qui a ensanglanté l'Algérie dans les années 1990 et qui a fait des milliers de morts et plus de 300 000 disparus.

Selon les autorités, Rachad regroupe d'anciens militants du Front islamique du salut (FIS, dissous en mars 1992). Ce mouvement est accusé de vouloir infiltrer et entraîner dans la violence le mouvement pro-démocratie Hirak, né en février 2019 et qui appelle pacifiquement à un changement radical du "système" politique dans le pays.

L'ex-diplomate algérien est poursuivi pour un crime présumé de "gestion et financement d'un groupe terroriste", ainsi que pour conspiration et blanchiment d'argent, selon des informations publiées par l'agence de presse étatique locale APS. 

Des militants prolifiques des médias sociaux

Le blogueur Amir Dz, 38 ans, qui a publié plusieurs vidéos critiques à l'égard du régime militaire et du gouvernement algérien, et le journaliste Hichem Aboud, 65 ans, qui aurait été lié aux services secrets locaux par le passé, vivent en France et sont accusés d'appartenance à une bande armée et de blanchiment d'argent. 

Quant à Hichem Aboud, il se présente comme un ancien membre des services secrets algériens (DRS). En février dernier, il a été condamné à sept ans de prison pour rébellion et trouble de l'ordre public. Il a fui l'Algérie via la Tunisie en août 2013 alors qu'il était interdit de quitter le pays.

Selon la déclaration officielle, les "enquêtes techniques préliminaires" indiquent qu'Aboud, Boukhors et Abdallah Mohamad sont impliqués dans un complot visant à modifier le caractère pacifique des manifestations du Hirak et à les incliner à la violence et dont Ahmed Mansouri, un ancien membre du FIS arrêté il y a un mois, ferait également partie.

Si les trois premiers accusés sont très prolifiques sur les réseaux sociaux, notamment depuis le début du Hirak, Abdellah Mohamed est moins connu du grand public, même s'il a créé une chaîne YouTube.

D'autre part, le même procureur a demandé dimanche qu'un certain Ahmed Mansouri, ancien militant islamiste, arrêté le 28 février et placé depuis en détention provisoire, fasse l'objet d'un mandat d'arrêt.

Mansouri, ancien membre du FIS, "a rejoint des groupes terroristes et a été condamné à mort en 1994 avant de bénéficier des dispositions de la Concorde civile", selon le communiqué du procureur du tribunal de Bir Mourad Rais à Alger.

Les "enquêtes techniques" ont également confirmé qu'Ahmed Mansouri avait établi des contacts avec Amir Dz, Hichem Aboud et Mohamed Abdellah dans le but de "mettre en place des plans visant à porter atteinte à l'ordre public, notamment l'exploitation du Hirak (...) pour lui faire abandonner son caractère pacifique", selon le communiqué.

L'action de la justice algérienne intervient au moment où le Hirak mobilise à nouveau des milliers d'Algériens dans les rues chaque semaine contre le régime, alors que le président Abdelmadjid Tebboune a convoqué des élections législatives pour le 12 juin.

Le gouvernement envisage de déchoir les citoyens algériens de leur nationalité s'ils commettent des "actes portant atteinte aux intérêts de l'État" à l'étranger, selon un projet de loi présenté au début du mois par le ministre de la justice. Selon ses détracteurs, cette initiative vise à "faire taire les voix réfractaires de l'étranger", notamment les YouTubers.