L'impasse à la Banque centrale de Libye et ses graves conséquences

Siège de la Banque centrale de Libye à Tripoli - PHOTO/AFP
Le président du Parlement, Aguila Saleh, a souligné la nécessité pour le Conseil d'État de prendre position sur la question de la Banque centrale afin de préserver les intérêts libyens
  1. Pétrole contre nourriture, un risque réel
  2. L'Europe regarde de près la situation critique de l'économie libyenne

Le Conseil présidentiel libyen poursuit sa recherche d'un nouveau gouverneur de la Banque centrale, mais la Chambre des représentants s'y oppose, ce qui maintient la situation dans l'impasse, avec les conséquences qui s'annoncent.

Cela fait un mois que le Conseil présidentiel libyen a décidé de démettre Al-Siddiq Al-Kabir de ses fonctions à la tête de la Banque centrale de Libye et de nommer un nouveau gouverneur avec un nouveau personnel. Entre-temps, Belkacem Qazit, membre du Conseil d'État, a confirmé que la crise à la Banque centrale a été créée par le gouvernement d'Abdul Hamid Dabaiba et qu'elle ne sera pas résolue tant que « les manipulations pratiquées par le Conseil présidentiel et le gouvernement de Dabaiba » ne cesseront pas. 

Photo d'archives de la Chambre des représentants de Libye, en session dans la ville orientale de Tobrouk, le 10 février 2022 - AFP / CÁMARA DE REPRESENTANTES DE LIBIA

La crise persiste et n'a pas encore été surmontée. L'incompréhension entre le Conseil présidentiel et la Chambre des représentants s'éternise et les conséquences économiques, selon les experts, sont « à nos portes ». Face à cette situation, le président du Parlement Aguila Saleh a souligné la nécessité pour le Conseil d'État de résoudre et de clarifier sa position sur la question de la Banque centrale afin de préserver les intérêts nationaux. 

Saleh a averti que « toute tentative de paralyser les accords sur les projets de développement et de restructuration des institutions libyennes sera très préjudiciable aux intérêts de l'économie libyenne ». Il a souligné que la mission de l'ONU est « un test décisif, car en Libye, les problèmes liés à la Banque centrale sont très complexes à résoudre ». 

Aguila Saleh Issa, président de la Chambre des représentants de la Libye, basée à Tobrouk - AFP/ ABDULLAH DOMA

Fondamentalement, la mission de l'ONU tentera de déclarer illégales les mesures prises par le Conseil présidentiel, ce qui est très difficile à réaliser. Dans le même temps, le retour des flux de vente de pétrole reste paralysé en raison de la fermeture des champs pétroliers et donc des mécanismes de production et d'exportation. Depuis le début de la crise, les expéditions de pétrole brut vers l'étranger ont été réduites de 81%, ce qui affecte déjà l'économie des familles libyennes. 

« Ce que nous avons essayé d'éviter en termes d'augmentation du taux de change en fixant la taxe a été démoli par le Conseil présidentiel avec ses décisions erronées, inexistantes et sans effet juridique, et le dollar est en passe de dépasser les 10 dinars à moins que la crise centrale ne soit résolue et que les choses ne reviennent à la normale », a ajouté Aguila Saleh, président du Parlement libyen. 

Un employé de banque prépare de l'argent pour le livrer à une banque à Misrata, en Libye, le 9 avril 2024 - REUTERS/ AYMAN AL-SAHILLI

Saleh a également tenu à préciser que la décision, à son avis erronée, prise par le Conseil présidentiel le 19 août concernant le limogeage du gouverneur de la Banque centrale, Al-Siddiq Al-Kabir, aura des conséquences à court et à long terme sur le rétablissement de la confiance des institutions internationales dans la sécurité économique de la Banque centrale. Actuellement, 29 institutions ont cessé de coopérer avec la Banque centrale de Libye. 

Pétrole contre nourriture, un risque réel

Al-Kabir a expliqué que les gouvernements internationaux ne sont pas prêts à traiter avec un exécutif issu d'une mauvaise décision, et sont conscients du règlement politique et de la situation en Libye, notant que, si la situation actuelle se poursuit, « un scénario pétrole contre nourriture se profile en Libye si la crise de la Banque centrale s'éternise ». 

Selon des observateurs indépendants, la situation financière de la Libye pourrait devenir difficile dans les mois à venir, mais, jusqu'à présent, l'accord « pétrole contre nourriture » ne sera pas conclu. 

Champs d'extraction de pétrole en Libye - PHOTO/AFP

Les négociations avec les institutions internationales, les puissances régionales et occidentales ont joué un rôle important dans le renversement d'Al-Kabir et ont soutenu le Conseil présidentiel, ce qui montre que les intérêts individuels, dans ce cas, sont passés avant les intérêts de l'État. 

Cette position a été contrée par Ziad Daghim, conseiller du Conseil présidentiel, qui a expliqué que le terme « pétrole contre nourriture » fait référence à un système de compte bénéficiaire qui nécessite l'approbation du Conseil de sécurité ou des institutions de l'État, ce qui est impossible avec Mohamed Yunus al-Menfi à la tête de l'État. L'arrivée possible du programme « pétrole contre nourriture » aura des conséquences désastreuses pour l'économie et la société libyennes.

L'Europe regarde de près la situation critique de l'économie libyenne

La situation en Libye et sa paralysie économique font partie des préoccupations de l'Union européenne, selon un rapport du Centre d'études européennes. Bien que les pourparlers entre les factions libyennes aient progressé et qu'un accord ait été conclu pour nommer un gouverneur de la Banque centrale dans les 30 jours, la crise continue d'avoir un impact sur la politique et l'économie du pays, exacerbé par la suspension des livraisons de pétrole par la National Oil Corporation, selon le rapport.

Le rapport note que la résolution du conflit conduirait Al-Dabaiba à l'isolement, car « le rétablissement de la production et de l'exportation de pétrole en Libye est plus important ». Le document mentionne également que l'Occident exploiterait la situation à son profit. L'accord impliquerait le retour au pouvoir du gouverneur évincé de la Banque centrale en échange du limogeage du premier ministre de Tripoli, qui a commis de graves erreurs récemment.