L'ingérence de l'Algérie en Libye
La visite de l'ambassadeur algérien, Suleiman Shanin, dans les régions amazighes suscite la controverse en Libye.
Cette visite a été perçue de diverses parts comme une ingérence algérienne dans les affaires libyennes, peut-être en vue de zones particulièrement intéressantes dans la région amazighe, telles que le bassin de Ghadamès, une ville libyenne située dans une oasis près des frontières tunisienne et algérienne, et la zone riche en pétrole de Hamada El Hamra, située dans le centre du pays libyen.
La région de Ghadamès avait déjà suscité la controverse en raison du récent mouvement de l'armée nationale libyenne dirigée par le maréchal Khalifa Haftar, un opposant au gouvernement de Tripoli sous la direction intérimaire d'Abdul Hamid Dabaiba dans le contexte de la guerre civile en Libye. L'armée nationale libyenne tentait de contrôler la ville de Ghadamès, une ville importante de la région amazighe et proche de la frontière avec la Tunisie et l'Algérie, un point considéré comme d'une importance extraordinaire.
« Le mouvement des unités vers le sud-ouest fait partie d'un plan global visant à sécuriser la frontière sud et à améliorer la sécurité nationale dans cette région stratégique en intensifiant les patrouilles dans le désert et en surveillant la bande frontalière avec les pays voisins. Ce mouvement ne vise personne », comme le rapporte officiellement l'armée nationale libyenne, qui précise également que ces mouvements visent à « renforcer la sécurité de la frontière et des zones méridionales, notamment à la lumière des tensions dans les pays voisins et de la possibilité d'activités de la part de groupes extrémistes ».
Hamada El Hamra, quant à elle, est vitale pour la production de pétrole, une source de richesse très importante pour la Libye.
La région de Hamada El Hamra est située dans le sud-ouest de la Libye et joue un rôle important sur le plan de la sécurité nationale et de l'économie. L'enclave couvre quelque 100 000 kilomètres carrés de terrain désertique en grande partie inhabité, sert de corridor critique reliant la Libye à l'Algérie et au Niger, et compte plusieurs champs pétroliers et gaziers importants situés à l'intérieur ou à proximité de ses frontières.
La complexité de son territoire fait de cette enclave une route de contrebande particulièrement attrayante et pose également des problèmes de sécurité transfrontalière depuis que la guerre civile libyenne a éclaté en 2011.
Dans ce contexte, la visite de l'ambassadeur algérien Suleiman Shanin dans la région amazighe a suscité la controverse dans les milieux libyens et a été considérée comme une ingérence interne dans les affaires de la Libye.
Le porte-parole du Conseil suprême des Berbères libyens, Akram Jarnaz, a confirmé que l'ambassadeur algérien avait discuté des questions frontalières communes entre la Libye et l'Algérie lors de sa visite dans la ville de Nalut, à la frontière avec la Tunisie, et qu'il avait convenu que les villes amazighes libyennes étaient très importantes pour la sécurité de l'Algérie.
Pour sa part, Abdel Moneim Al-Arfi, membre de la Chambre des représentants, a considéré la visite de l'ambassadeur algérien dans les villes amazighes et son affirmation de leur valeur stratégique pour l'Algérie comme une ingérence flagrante dans les affaires libyennes.
L'Algérie souhaite renforcer sa présence dans la région afin de discuter des questions de sécurité régionale et de regagner une influence géostratégique. Cette influence a été perdue ces derniers temps en raison de difficultés internes qui créent des problèmes pour le pays. L'Algérie traverse des difficultés politiques telles que les révoltes nationales et les protestations encadrées par le mouvement social Hirak, qui descend dans la rue depuis des années pour demander un changement politique dans le pays après des décennies de domination totale par le parti du Front de libération nationale et l'armée, véritable pouvoir de l'ombre au sein du régime algérien, ainsi que pour dénoncer la corruption qui touche le pays maghrébin.
L'Algérie cherche également à s'implanter dans la région du Sahel, une zone très importante pour la préservation de la sécurité régionale, car cette région est connue pour son instabilité politique, avec les récents coups d'État organisés par des juntes militaires dans des pays comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso, et pour la présence de groupes extrémistes djihadistes dont l'activité transfrontalière affecte les pays du continent africain et, par extension, les pays voisins de l'Europe.
La visite de l'ambassadeur Suleiman Shanin, comme on l'a vu, concerne la zone de Hamada El Hamra, un corridor très important qui relie l'Algérie au Niger, un pays situé dans ce point chaud du Sahel.
Cette prétendue ingérence algérienne dans les affaires d'autres pays, comme la Libye, a été dénoncée par des analystes et des hommes politiques libyens. Al-Arfi lui-même a ajouté : « Nous rejetons l'ingérence dans nos affaires, l'imposition de notre souveraineté et la représentation selon laquelle nous sommes une profondeur stratégique pour l'Algérie ».
La sécurité est une question très importante dans la région, une question qui a conduit au mouvement militaire susmentionné des troupes de l'armée nationale libyenne dirigées par le maréchal Haftar à la frontière entre la Libye et l'Algérie. Haftar domine la partie orientale de la Libye, avec son centre de pouvoir basé à Benghazi, dans le cadre de la guerre civile qu'il mène contre l'autre pôle de pouvoir situé dans la capitale de Tripoli et représenté par le gouvernement d'unité nationale du Premier ministre Abdul Hamid Dabaiba.
La visite de l'ambassadeur algérien Suleiman Shanin à Nalut sert donc à générer plus de confusion en Libye dans le cadre de la confrontation entre les centres de pouvoir de Tripoli et de Benghazi.
Les analystes pensent que les autorités algériennes cherchent à jouer un rôle dans la région amazighe, en particulier dans le bassin de Ghadamès et dans la région riche en pétrole de Hamada El Hamra, qui est devenue une source de désaccord entre le gouvernement d'unité nationale et les tribus telles que les Zintan et les Amazighs, ainsi qu'entre les autorités de Tripoli et la Chambre des représentants liée à Benghazi et le gouvernement oriental qui en est issu, comme l'ont indiqué des médias tels qu'Al-Arab.