Le Maroc renforce ses politiques numériques

Réseaux sociaux - PHOTO/ PEXELS
Afin de protéger ses relations extérieures 

Dans un contexte de surveillance croissante de l'utilisation des réseaux sociaux, le Maroc a adopté une position ferme pour faire face à ceux qui, par le biais de ces plateformes, portent délibérément atteinte à l'image du pays et à ses relations extérieures. La récente condamnation à une peine de prison d'un activiste islamiste pour des publications jugées offensantes envers l'Arabie saoudite reflète cette nouvelle politique.

Le tribunal de première instance de Khouribga a condamné lundi dernier Mohamed Boustati, membre du groupe islamiste d'opposition Al Adl Wal Ihsan (Justice et Charité), à un an de prison pour diffamation après avoir publié sur Facebook des messages sur la guerre à Gaza qui ont été interprétés comme une attaque contre les institutions et les symboles saoudiens. La plainte a été déposée par le département d'enquête saoudien et, bien que Boustati ait prétendu que son compte avait été piraté, le tribunal a estimé qu'il existait suffisamment de preuves pour le condamner. 

Le groupe Al Adl Wal Ihsan, officiellement interdit, est la principale organisation d'opposition au Maroc et l'un des plus fervents partisans de l'organisation palestinienne Hamas. 

Cette affaire n'est pas un cas isolé. Début mars, un autre tribunal de Casablanca a condamné le militant Fouad Abdelmoumni, secrétaire général de la section Transparence, à six mois de prison et à une amende de 2 000 dirhams (environ 200 euros) pour avoir insulté les institutions de l'État sur les réseaux sociaux, lors de la visite officielle du président français Emmanuel Macron. La publication contenait une expression offensante pour le pays et une attaque contre l'État. 

Le roi du Maroc Mohammed VI et le président français Emmanuel Macron se serrent la main à Rabat, au Maroc, le 28 octobre 2024 - PHOTO/ Agence de presse marocaine Distribué via REUTERS.

Les autorités marocaines ont souligné leur engagement à lutter contre la diffamation et la propagation de fausses informations dans l'environnement numérique. Le ministère de l'Intérieur a dénoncé l'utilisation des réseaux sociaux et d'autres sites web pour attaquer les institutions de sécurité nationale, diffuser de la désinformation et saper la confiance dans les institutions publiques. Selon le procureur adjoint du tribunal de première instance de Casablanca, ces publications dépassaient les limites de la liberté d'expression et constituaient des éléments d'un délit puni par la loi. 

En réponse à ces défis, le gouvernement marocain met en œuvre une série de réformes juridiques visant à renforcer la protection de l'espace numérique. Le ministre de la Justice, Abdellatif Wahbi, a annoncé la préparation de modifications législatives globales pour lutter contre la cybercriminalité, en cherchant un équilibre entre la protection des droits numériques et la liberté de communication. Wahbi a souligné que le Maroc est confronté à un essor technologique sans précédent qui a entraîné l'émergence de nouveaux défis juridiques, tels que la fraude électronique, la diffusion de fausses nouvelles, la calomnie et la diffamation numériques, ainsi que le recrutement de personnes en ligne à des fins criminelles.

Médias sociaux - PHOTO/ ATALAYAR

Ces efforts ne sont pas nouveaux. Le Maroc renforce son cadre juridique depuis 2003, avec des réformes du Code pénal et la promulgation de lois sur la protection des données et les transactions électroniques. Ces réformes comprenaient une loi sur la justice militaire pour lutter contre les cybercrimes susceptibles d'affecter les systèmes de défense nationaux. En outre, le pays a ratifié des accords internationaux tels que la Convention de Budapest en 2018 et le Deuxième Protocole additionnel sur l'incrimination des actes racistes en ligne en 2022, ce qui a renforcé la coopération avec les fournisseurs de services pour accéder aux preuves électroniques lors d'enquêtes ou de procédures pénales. 

La position du Maroc répond également à la nécessité de s'adapter aux progrès technologiques rapides et à l'expansion du commerce électronique, qui ont entraîné de nouveaux risques numériques. Le Royaume a participé activement à l'élaboration d'une convention internationale globale sur la lutte contre l'utilisation des technologies de l'information et de la communication à des fins criminelles, dont le cadre sera présenté à l'Assemblée générale des Nations unies pour ratification. 

La ministre marocaine des Finances, Nadia Fettah, s'entretient avec le ministre saoudien des Finances, Mohammed Aljadaan, avant le début de la session plénière du Comité du développement, le quatrième jour de l'assemblée annuelle du FMI et de la Banque mondiale à Marrakech, au Maroc, le 12 octobre 2023 - REUTERS/ SUSANA VERA

De même, les dispositions de cette convention visent à établir des mécanismes simples pour émettre des ordres et des demandes aux fournisseurs de services d'autres pays, afin de révéler des informations sur les abonnés ou leurs données de mouvement. Des mesures sont également incluses pour protéger les données personnelles et améliorer la coopération dans les enquêtes pénales conjointes. 

Les observateurs considèrent que cette fermeté est nécessaire pour éviter que les réseaux sociaux ne deviennent un vecteur de chaos et de propagation d'idées destructrices. Ils soutiennent que la liberté d'expression doit être exercée de manière responsable, en respectant les droits d'autrui et en s'opposant à la diffusion de messages susceptibles de nuire à la coexistence et à l'harmonie entre les nations. 

Par ces mesures, le Royaume cherche non seulement à protéger sa réputation et ses relations extérieures, mais aussi à garantir que la liberté d'expression dans l'environnement numérique soit exercée de manière responsable et dans le respect d'autrui, dans un contexte mondial d'interconnexion croissante et de défis numériques.