Le ministre marocain des Affaires étrangères a souligné que le Maroc n'est pas "le gendarme de l'Europe", sept jours après l'arrivée massive d'immigrants marocains

Nasser Bourita: “Marruecos no tiene obligación de proteger las fronteras de países distintos al suyo”

AFP/FADEL SENNA - Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères du Maroc

Une semaine après l'entrée illégale de près de 9 000 immigrants marocains à Ceuta, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, s'est exprimé après sept jours de silence. Le ministre a déclaré sur la chaîne française LCI que "le Maroc n'a aucune obligation de protéger les frontières des pays autres que le sien" en référence à l'entrée massive d'immigrants marocains, dont des milliers de mineurs, sur la plage de Tarajal.

Bourita a souligné que le Maroc n'agit pas dans le domaine de l'immigration pour l'argent, rappelant que ce que le Maroc reçoit en moyenne de l'Union européenne ne dépasse pas 300 millions d'euros par an, ce qui représente moins de 20% du coût que le Maroc supporte dans la lutte contre l'immigration.

Dans ce sens, Bourita a affirmé que "le Maroc n'a pas vocation à être le gendarme de l'Europe, ni son concierge". En outre, Bourita défend que le Maroc protège les frontières en exerçant son rôle de "partenaire" et critique l'Espagne en déclarant que "si les fondements de ce partenariat ne sont pas respectés, nous devrions demander à l'Espagne, un pays européen, si elle a consulté l'Europe avant d'agir contre les intérêts de ce partenaire". Cette crise a entraîné la mort de deux personnes, un jeune de 16 ans et un autre de 27 ans, qui ont tenté de rejoindre le sol espagnol à la nage. 

Rabat continue de critiquer la présence du leader du Front Polisario, Brahim Ghali, en Espagne et qualifie son entrée dans le pays de "frauduleuse". Dans ce sens, le pays alaouite demande une enquête "transparente" sur les conditions d'arrivée du leader, puisqu'il serait entré avec de faux papiers sous le nom de Mohammed Ben Bettouch, de nationalité algérienne avec quatre autres généraux algériens. Ghali, 73 ans, reste hospitalisé à Logroño après avoir été admis pour un coronavirus et souffrant d'un cancer du système digestif. 

Bourita a ensuite critiqué l'administration espagnole, déclarant que "la réalité est que cette personne est persécutée en Espagne. Il y a au moins quatre plaintes contre lui pour viol d'une citoyenne espagnole, torture et terrorisme par une association canarienne de victimes du terrorisme. Il s'agit donc d'un cas d'état de droit, d'application de la loi espagnole en premier lieu et d'intervention de la justice espagnole". 

Bourita a souligné que "le Maroc n'a pas de problème avec l'UE. Le Maroc a un problème avec l'Espagne et par rapport à une question particulière créée par l'Espagne sans impliquer l'Europe. Et je crois que c'est à l'Espagne de résoudre ce problème". 

Le gouvernement espagnol continue de répondre que l'accueil du Ghali dans le pays est dû exclusivement à des "raisons humanitaires", conformément au droit international, tandis que les événements générés à Ceuta ont provoqué des réactions différentes parmi les ministres. À cet égard, la ministre de la Défense, Margarita Robles, a déclaré que "l'Espagne ne se laisse pas faire" et a qualifié le comportement du Maroc de "chantage" avec lequel "tous les moyens nécessaires seront utilisés pour défendre l'intégrité territoriale".

D'autre part, l'ancien ministre de la défense, José Bono, a déclaré dans La Sexta que grâce au Maroc, "en Espagne, il a été possible d'arrêter les terroristes radicaux et d'éviter les attentats avec morts".  Dans cette ligne, il remarque que "vouloir s'entendre mal avec le Maroc et ne pas vouloir reconnaître ce qui est bon pour l'Espagne dans sa façon d'agir est suicidaire". En outre, Bono a critiqué les positions de certains milieux espagnols qui profitent de la situation pour critiquer le pays marocain. Selon l'ancien ministre, "certains cercles en Espagne veulent que le Maroc soit toujours un adversaire et que nous le traitions de manière inappropriée".

Quant aux actions des forces armées espagnoles après avoir secouru les immigrants, Bono a défendu que "l'Espagne sait que l'une des meilleures choses que l'armée fait est le travail humanitaire". Dans cette ligne, il a poursuivi en affirmant que "lorsque nous avons vu des scènes comme celle du garde civil qui a sauvé un bébé, j'ai ressenti une grande fierté en tant qu'Espagnol". 
 

La justice espagnole a rouvert un dossier contre Brahim Ghali qui, selon une association sahraouie, est accusé d'avoir commis des "crimes contre l'humanité". Pour le Maroc, le Ghali est considéré comme un "terroriste" qui aurait commis "des tortures, des viols et des actes de génocide", ce pour quoi ils critiquent vivement la position de l'Espagne qui l'a accueilli.

Cet événement, en plus de provoquer une crise diplomatique sans précédent entre les deux pays, a suscité un mouvement sur les réseaux sociaux qui appelle au boycott des produits espagnols au Maroc, un mouvement qui pour l'instant n'a pas fait beaucoup d'adeptes parmi la population marocaine.

L'affaire Delcygate

L'agence de presse officielle marocaine MAP a comparé l'accueil de Brahim Ghali avec la présence de la vice-présidente du Venezuela, Delcy Rodríguez, à l'aéroport Adolfo Suárez de Madrid et sa rencontre avec le ministre des travaux publics, José Luis Ábalos.

Cependant, la Cour suprême a classé l'affaire découlant de plusieurs plaintes contre Ábalos en considérant qu'il n'y aurait pas de délit car, bien que Rodriguez soit interdit d'entrée dans l'Union européenne, la zone de transit de l'aéroport est considérée comme un territoire international et il n'aurait donc enfreint aucune loi.

L'accusation a fait valoir que Rodriguez n'a pas exprimé son intention d'entrer dans le territoire Schengen et n'a pas fait valoir sa prérogative d'utiliser le salon des autorités. En ce sens, la Cour suprême rappelle que sa présence pendant plusieurs heures dans les installations de l'aéroport viole l'interdiction de l'Union européenne, mais considère que les faits eux-mêmes "ne constituent pas un délit".